mardi 27 octobre 2015

C'est l'automne au jardin...

Plein automne, et températures douces cette semaine comparée à la semaine précédente !

L'arbre à pompons s'est paré de son beau feuillage orange jaune et rouge : pour le coup, il brille de mille feux !
Le néflier du Japon (Eriobotrya japonica) a fait le régal des dernières abeilles aperçues qui butinaient ses belles fleurs blanches. Cet arbre a la particularité de fleurir à l'automne et en début d'hiver.


Acanthe - Arum
Rudbeckia et asters
Des vivaces qui perdurent : les gauras, rudbeckias et gaillardes en particulier. Et les sauges surtout, en pleine forme !
D'autres qui s'installent : asters, chrysanthèmes, marguerites... et le formidable plumbago rampant avec ses fleurs de couleur quasi bleu klein et ses tiges rouges : magnifique...

Et d'autres qui me font la surprise, après avoir disparu tout l'été à cause de la sécheresse, de produire de superbes feuillages bien verts et structurés, comme l'arum que je n'avais plus vu depuis la fin du printemps ou l'acanthe qui me fait deux belles et énormes feuilles.. En regardant ce qui se passait l'année passée, eh bien j'avais pris en photo mon arum et son feuillage bien développé... le 25 décembre 2014 !

Sinon :
- les plumbagos dentelaires se fanent
- une primevère ainsi qu'une silène ont fleuri chacune de leur côté !
- une petite achillée rose a daigné faire une fleur dans la baignoire rocaille, très tardivement : je ne l'attendais plus.
- la grande agapanthe est toujours en fleurs, de même que mes deux pieds d'anémones du Japon plantés le mois passé.
- l'impatience de balfour (impatiens balfourii, que j'ai longtemps pris pour une impatiens glandulifera) est toujours en fleurs, et ses gousses éclatent et éjectent les graines de toutes parts.
- la potentille arbustive a refait une petite floraison !
- le houx à feuilles de châtaignier se pare de ses boules oranges/rouges, et les mahonias ont mis leurs colliers de boules bleues comme des myrtilles
- en revanche, pas de floraison en vue pour la sauge de Jerusalem, que j'ai dû tailler trop tard, et pour le convolvulus.

--> Chronique Jardin...

mercredi 21 octobre 2015

Agatha Christie : une vie rêvée en BD

***** "Agatha, la vraie vie d'Agatha Christie"
A. Martinetti, G. Lebeau & A. Franc, Ed. Marabout, 128p., 2014

J'ai beaucoup aimé cette BD. Le personnage d'Agatha Christie est fascinant et cette BD fort bien faite nous la rend éminemment sympathique. (NB : une excellente idée de cadeau...)

Avis aux amateurs de planches colorées, ou surchargées ou remplies de somptueuses aquarelles : le dessin est ici très simple. Cela surprend au début, mais on se fait vite à la silhouette peu apprêtée d'Agatha et de ses comparses de création Hercule Poirot, Miss Marple ou Tommy et Tuppence Beresford. Car c'est là une des trouvailles du livre : faire intervenir avec moult humour les personnages créés par Agatha tout au long de sa vie. 

Agatha Christie (1896-1976) et moi avant cette BD ?
Eh bien, on a passé des moments formidables toutes deux durant toute mon enfance ! J'étais addict des intrigues de Lady Agatha, qui m'ont fait voyager dans tant de pays.  "Le Train Bleu" (1928), "Le Crime de l'Orient-Express" (1934), "Pourquoi pas Evans ?", "A.B.C. contre Poirot" (1935), "Meurtre en Mésopotamie" (1936), "Mort sur le Nil" (1937), "Dix petits nègres" (1939), "N. ou M. ?" (1941), "Cinq petits cochons" (1942), "La maison biscornue" (1949), "Le miroir se brisa" (1962)...

Diaporama "Souvenirs du Nil en felouque" (cliquez pour faire défiler les photos)


Quelle magie plus récemment d'avoir descendu le Nil en felouque avec la petite famille et croisé le fameux bateau "Steam Ship Sudan" sur lequel voyagea Agatha en 1933, et qui lui inspira "Mort sur le Nil"...
Cela fait partie des moments exceptionnels dans une vie, isnt'it ?
Ci-joint le diaporama de notre dérive sur le Nil en felouque, et un aperçu des diverses embarcations croisées.
Quels gens souriants et chaleureux nous avons rencontrés.


Grâce à cette bande dessinée, j'ai découvert le cheminement d'Agatha Miller, de son enfance dans un manoir victorien du Torquay (Devon), sa passion pour la lecture, les voyages qu'elle effectue avec sa mère après la mort de son père, en Egypte (euh ben oui... c'est désarmant, mais Agatha semble s'ennuyer à mourir face à la Grande Pyramide de Gizeh !!!), en Italie...

Passionnante aussi son expérience d'infirmière pendant la première guerre mondiale, où elle s'intéresse aux remèdes et potions, et s'initie aux effets de poisons biologiques comme le curare ou chimiques comme l'arsenic, et autres poisons qu'elle utilisera ensuite dans ses romans. Elle aurait même obtenu un diplôme de pharmacienne...

Agatha et son mari auront une fille unique, Rosalind, en 1919. Il ne m'a pas semblé qu'Agatha débordait d'amour maternel, elle si prompte à laisser sa fille chez sa mère dès qu'un voyage se profile...
Déjà une femme de forte tête, un premier mariage, où, se découvrant trompée, elle organise sa propre disparition et jubile que les soupçons se portent sur son époux adultère. 


On est abasourdi d'apprendre combien elle est une femme exceptionnelle. En voyage en Australie, elle aurait été la première européenne à faire du surf, sur la plage de Waikiki.

Puis Agatha rencontre un archéologue de 15 ans son cadet, qu'elle épouse en 1930, Max Mallowan, et se passionne pour les fouilles, elle participe à ses côtés à la découverte d'Ur en Irak, et développe un procédé personnel pour nettoyer les vestiges : avec sa crème pour le visage !
(cf. Meurtre en Mésopotamie -1936)

Gourmande et potelée, Lady Agatha ne se formalise pas du regard d'autrui et profite de ces petits plaisirs.

Elle apparaît dans cette BD biographique surprisingly dépendante des rentrées financières de ses oeuvres. Et l'enjeu me semble énorme : "A Christie for Christmas", soit un rythme d'écriture d'un roman par an !!! Ce qui explique une bibliographie plus que prolifique avec 66 romans, 154 nouvelles et 20 pièces de théâtre.

Agatha Christie par O. Kokochka
J'ai aussi appris que son petit-fils avait sollicité le peintre tchèque Oscar Kokochka pour faire son portrait (en mai 1968), moyennant un cachet de 15000 livres !

Actuellement, je suis plongée dans la lecture de la biographie de Daphné du Maurier ("Manderley forever"). 11 ans d'écart avec Agatha mais je vois de nombreuses similitudes dans la vie et la personnalité de ces deux femmes. Toutes deux éprises de littérature, elles ont fait leurs Finishing Schools en France. Elles ont commencé à publier à une paire d'années près : "La Mystérieuse Affaire de Styles" (starring Hercule Poirot) en 1920 à 30 ans pour Agatha et "The Loving Spirit" en 1921 à 24 ans pour Daphné.
Toutes deux ont un penchant pour les intrigues à suspense, mais sous un habillage plus romanesque et historique chez Daphné du Maurier (bien qu'en milieu de parcours, elle souhaite s'émanciper de cette étiquette), tandis qu'Agatha s'en tient à la résolution de son intrigue policière sans marivaudages ou galanterie. La palme du voyage revient toutefois sans conteste à Lady Agatha, qui a parcouru le monde tandis que Daphné s'en est tenue à la proche Europe.
Se seraient-elles jamais croisées ?

--> voir la chronique "polars" et "voyages"...

jeudi 15 octobre 2015

L'Argentine à Paris

[de gauche à droite et de haut en bas : Catalina León : "Angel" (2004-09)
Elisa Strada - Luis Terán - Martin Cordiano et Tomas Espina
Martín Legón - Roberto Aizenberg "Pintura" 1978]
Dans la délicieuse petite galerie La Maison Rouge à Paris, visite de l'exposition "My Buenos Aires, portrait d'une ville" (20/06 au 20/09/2015). 65 artistes argentins brossent le portrait de la ville de 3 millions d'habitants qui s'étend sur 200 km2, et dont le "Grand Buenos Aires" englobe 15,5 millions d'habitants.
Des visions éclectiques de la ville, au travers de l'histoire mouvementée de l'Argentine, de la dictature aux crises économiques les plus récentes.

M'ont particulièrement interpellée : 
- la vidéo d'Ana Gallardo qui trimballe dans une charrette de fortune tirée à vélo les quelques objets et meubles qui lui restent de sa vie d'avant son expulsion
- la peinture de Catalina León qui intègre des déchets, objets trouvés, tissus, bout de palissade...
- le tableau ô combien surprenant réalisé par Elisa Strada à partir de prospectus apposés sur les poteaux, les murs, ou dans les lieux publics : cela "illustre la fugacité urbaine" : offres de services les plus divers (de la promenade des chiens à la compagnie féminine), promos de politiciens, restaurants, attractions etc.
La cabane d'Eduardo Basaldo
- la cabane d'Eduardo Basaldo ("L'île") calcinée dans laquelle on pénètre assez inquiet, un par un, avançant en tâtonnant dans une sorte de labyrinthe onirique et déroutant
- l'installation de Martin Cordiano et Tomás Espina  ("Dominio", 2013) : une pièce d'apparence a priori ordinaire mais quand on y pénètre, on constate que chaque meuble ou objet a été brisé et rafistolé. Tout est cassé et rescotché ou réparé "comme si de rien n'était, les failles demeurent moins apparentes"
- les totems de Luis Terán moulés à partir de bouteilles et bidons en plastique
- le lit d'enfant de Gabriel Chaile ("L'oraison efficace", installation, 2011) dont les pieds sont composés de livres, objets personnels, et qui fait aussi office de table et d'autel de prière : "l'ingénierie de la nécessité"
- les vidéos de Gabriela Golder qui montrent la violence aussi économique et sociale, montée au ralenti ce qui duplique l'angoisse

CINEMA ARGENTIN :

Plus récemment, nous avons également vu deux films argentins très forts, extrêmement bien interprétés, et caractérisés tous deux par une lenteur bienvenue (mais qui peut perturber certains): 
  • l'un politique, "KAMCHATKA" (réalisé en 2004 par Marcelo Pineyro, avec Ricardo Darín, Cecilia Roth, Héctor Alterio...) : un film tout en retenue qui relate la fuite d'une famille d'intellectuels au moment du coup d'Etat militaire de 1976. Les parents installent la petite famille dans une maison recluse, tout le monde doit choisir un nouveau prénom. Les enfants ne comprennent pas la situation, mais la complicité et la grande tendresse des parents pallient. on joue au jeu de société Risk, l'enfant conquiert le monde tandis que le père n'a plus qu'un bastion à défendre, le Kamchatka...
    Un film qui surprend par son traitement du sujet de la dictature sans montrer aucune image de violence ni réflexion politique, sinon une vision indirecte des affres qu'elle infligera à cette famille à l'image de tant d'autres.
  • et l'autre plus sous forme de chronique sociale désabusée, "LA CIENAGA" (réalisé en 2001 par Lucrecia Martel, avec Mercedes Morán, Andrea Lopez , Fabio Villafane...) : dans la petite ville  de La Ciénaga ("le marécage"), province de Salta, à la saison des pluies tropicales, deux familles passent ensemble les vacances en deux camps, les parents, affalés près de la piscine à l'eau stagnante dans une langueur et une torpeur alcoolisée, et les enfants, quasi livrés à eux-mêmes, désoeuvrés parfois, alanguis aussi par la chaleur, et d'autres fois remuants et en quête de bêtises. Cousins cousines, frères, soeurs livrés à aux-mêmes, ne sachant que faire de la journée dans cette chaleur étouffante, souvent allongés sur les lits, sentant naître un désir interdit.
    La promiscuité est omniprésente, pourtant personne ne se sent vraiment proche (à part la petite Momi qui s'obsède pour la jeune bonne) : la mère s'affale ivre au bord de la piscine et se taillade la poitrine sur un plateau de verres, le sang gicle, personne ne réagit vraiment. 

Pour finir ce post sur Buenos Aires et l'Argentine, voici quelques-uns des livres chroniqués sur ce blog et consacrés à ce beau et passionnant pays :

Paula Hawkins : "La Fille du train"

***** "The Girl on the Train"
(Ed. Sonatine,  trad. C. Daniellot, 380p.)

J'ai aimé tout en me demandant si tout le tintouin autour de ce livre était justifié. Et cela gâchait un peu ma lecture à chaque page (indice révélateur d'une certaine incertitude).
Pourtant, tout était en place pour que je me téléporte dans le livre : lu dans le train commuting de mon domicile de banlieue à la capitale, avec vue sur les pavillons, immeubles, fleuves, routes, terrains vagues. Mais contrairement à Rachel, je suis loin de pouvoir distinguer l'intérieur des maisons ou les gens prenant un verre sur leur balcon, sauf incident de RER (et il y en a beaucoup, mais on ne s'arrête jamais devant la même maison !).
Du reste, dans les transports, je suis plutôt focalisée (quand il m'arrive de lever le nez d'un livre) sur les tags et graffitis qui courent le long des voies ferrées = un nouveau dada depuis quelques temps (renforcé par "La patience du franc-tireur" de Perez-Reverte !).

Alors, ce livre se lit vite et bien. L'héroïne, c'est Rachel dont la journée suit deux repères : le train de 8h04 pour Londres et celui de 17h56 le soir pour rentrer "chez elle". Entre guillemets, car Rachel n'a plus de chez elle, n'a plus de mari qui l'a larguée pour épouser une plus jeune, n'a plus de job, n'a pas d'amis ; elle est seule avec la bouteille. Sa journée commence avec un peu d'alcool bu dans le train du matin, de l'alcool la journée tandis qu'elle vadrouille à la bibliothèque, et encore plus d'alcool le soir quand elle regagne la chambrette que lui prête une connaissance.
La bouteille c'est son radeau pour oublier sa vie d'avant. Son moteur, c'est le trajet en train qui lui permet d'observer la vie d'un jeune et beau couple qu'elle rebaptise Jess et Jason, et dont elle apprécie la vision fugace de leur petit déjeuner au balcon le matin ou  du verre dans le jardin le soir. Elle leur prête une vie idyllique dans leur jolie maisonnette qui est sise, justement, dans la même rue où vivait jadis Rachel avec son ex-mari. Coïncidence, obsession... Les ingrédients sont là.

Et voilà qu'un jour, Rachel voit Jess au balcon... avec un autre homme.
Puis Rachel apprend dans les journaux la disparition d'une femme de ce quartier : c'est Jess qui est portée disparue. Rachel s'arroge une mission dans sa vie sans but : enquêter et retrouver Jess. 
Voilà, l'intrigue bat son plein, et bien sûr que l'on ne peut que vouloir tourner encore plus vite chaque page. Mais cela dit, il m'est quand même resté une petite pointe d'insatisfaction ou de je ne sais quoi une fois le roman terminé.
A lire donc, parfait pour les trajets en train du matin et du soir. Mais pas LE polar de la décennie.

--> ma chronique "polars" justement !

mardi 29 septembre 2015

Tatamkhulu Afrika : "Paradis amer"

***** "Bitter Eden" – 2002 (Ed fr. Presses de la Cité, Trad. G-M. Sarotte, 295 p.)
Réf. Géogr. : Afrique du sud (auteur) / Egypte / Italie /Allemagne
"Je touche la cicatrice sur ma joue et elle frémit, comme si le tissu mort depuis longtemps, tel Lazare, ressuscitait."

Un roman autobiographique d’une grande beauté, à l’écriture toute en retenue et d’une infinie douceur même dans les moments les plus durs. 
Trois prisonniers du Commonwealth, Tom, sud-africain, Danny, anglais, et Douglas. Parqués dans un camp italien, puis transférés en Allemagne.
Un trio où l’amitié le dispute à la jalousie. Où la vie au jour le jour doit s’organiser au nom de la survie et du maintien d’un semblant de dignité, un mot qui détonne dans le contexte d’hommes parqués comme des bêtes et souvent condamnés à laisser leurs instincts animaux les submerger.
Des hommes rongés par la maladie, la faim, le désespoir, la promiscuité. Certains qui pourtant voient dans cette promiscuité une bouffée d’air, un fil ténu qui les rattache à l’espoir.

L’auteur, Tatamkhulu Afrika construit sur cette terrible toile de fond la naissance d’une amitié d’abord refoulée entre Tom et Douglas, toujours équivoque aux yeux de Tom mais ressentie comme maternelle pour Douglas. Ces deux-là s’entraident depuis leur premier jour de camp, un peu à hue et à dia, mais toujours fidèlement.
Quand survient un troisième homme, Danny, prisonnier d’un autre baraquement, culturiste sans complexes et qui n’a pas sa langue dans sa poche. Tom se trouve quasi-aimanté par Danny, aux dépens de Douglas qu’il délaisse subitement.
Il n’est pas question d’homosexualité débridée, mais de regards qui s’accrochent, étonnés, de frôlements de corps endormis et gêne au réveil. D’interrogations. Le lecteur assiste tout doucement aux premiers émois de Tom et Danny, incertains, hasardeux, improbables à leurs yeux mêmes.
Soudain la guerre est finie, les rapatriements se préparent, et de probables déchirements.

Un roman vraiment superbe, qui reste en soi une fois la lecture achevée.
"Quelle que soit la version du jeu, c’est à ce moment-là que nous souillons à nouveau le lac limpide de nos gènes humains, que le sable sous nos godillots montre ses milliers de dents de sel amer. Je pense alors qu’il aurait mieux valu qu’ils nous aient fusillés là-bas et enterrés, ou qu’ils nous aient laissé pourrir tant que nous possédions encore les derniers lambeaux d’une dignité que nous n’avons jamais méritée." (p. 47)
"Puis les sourires s’effacent comme nous succombons à l’angoisse que nous avons tout ce temps refoulée, à savoir que libération rime avec séparation et que dans quelques jours, ce matin même, peut-être, nous risquons d’être envoyés en avion ou en bateau chacun vers son lieu d’origine, séparés par d’immenses océans. Voilà donc la fin du paradis amer, je pense." (p.154)
Qui est cet auteur, Tatamkhulu Afrika ?
L'éditeur nous précise qu'il est né Mogamed Fu'ad Nasif en Egypte en 1920 d'un père égyptien et d'une mère turque. A leur installation en Afrique du sud alors qu'il est enfant, ses deux parents meurent de la grippe. Pendant la seconde guerre mondiale, il combat en Afrique du Nord et est fait prisonnier à Tobrouk, et transféré dans des camps en Italie puis Allemagne. En 1964 il se convertit à l'islam puis s'engage dans la lutte contre l'apartheid. arrêté en 1987 et "banni" c'est à dire condamné à ne pas s'exprimer en public ou publier des écrits... 
Son roman "Paradis amer" est publié en 2002 en Angleterre, deux semaines avant son décès à 82 ans.

--> voir "Lectures d'Afrique"...

mardi 22 septembre 2015

David Carkeet : "Le linguiste était presque parfait"

***** "Double Negative", 1980
(Ed. française Monsieur Toussaint Louverture, Trad. N. Richard, 288 p.)

"Mais vous faites quoi au juste avec ces bébés ?"
J'ai hésité à attribuer trois ou quatre étoiles à ce roman insolite... Le contexte m'a bien plu (un institut d'études du langage spécialisé dans l'analyse des premiers babils des tout-petits, qui s'avère en fait une crèche reconvertie accueillant à bas prix les bébés cobayes de la recherche linguistique - mais rassurez-vous, on ne leur fait rien de mal !). 
"J'étudie ce que j'appelle les idiophénomènes". Ce sont les dispositifs linguistiques que les enfants développent d'eux-mêmes, sans s'inspirer du monde adulte. Il peut s'agir de simples énoncés aux significations invariables, comme le "beu" d'un tout-petit pour dire "Je veux ce petit canard", jusqu'à des modulations bien plus personnelles, qui n'appartiennent qu'à l'enfant qui les énonce." (p.12)
L'histoire en revanche, qui se voulait "la jouer" intrigue policière, fait un peu flop surtout vers la fin où là on se dit que l'auteur a carrément oublié de finir son roman... (Mince alors, qui a tué Philpot au final hein ?)
Les personnages sont plus ou moins intéressants : 6 linguistes, les assistantes et auxiliaires, le policier façon Hercule Poirot. Deux meurtres : un linguiste retrouvé mort dans le bureau d'un collègue linguiste, Jeremy Cook, et un journaliste noyé avec au cou la machine à écrire de ce dernier.
Si ce linguiste Jeremy Cook, séduisant, célibataire, mais aussi gauche et farfelu (obnubilé par une rumeur le traitant de "parfait trou du cul"), est plutôt sympathique, mon chouchou fut quand même Wally, le bébé de 16 mois dont les "m'boui" font l'objet d'analyses poussées dans l'institut.
"- Il lui demanda si elle avait observé certains des enfants parmi ceux qu'il étudiait.
- Wally Woeps, c'est tout. 
- Il a refait des "m'boui" ?
- Non. Uniquement quelques "pffff" et "n'deuh".Je pense que vous avez raison à propos de la distinction." (p.39)
C'est une lecture facile et le trait est souvent loufoque
Le roman vaut le détour, c'est certain, même sans l'élever au rang de chef d'oeuvre. 
Il y aurait deux autres opus avec le même Jeremy Cook : je ne les ai pas encore lus, mais, bien que Jeremy vit et travaille dans l'Indiana aux EU, je l'aurais si bien imaginé à l'époque en couple avec... Bridget Jones !!! voui ! 
Sauf que, je confesse avoir lu dévoré le dernier Bridget "Mad about the boy" et que ma Bridget elle semble quand même tombée à 51 ans sur another right guy (voui puisque Dearest "Colin First" est décédé).
A noter qu'il s'agissait du 1er roman de cet auteur américain, publié aux EU il n'y a que... 35 ans ! Dear God, 35 ans de nos jours pour atteindre le public francophone : un grand merci à l'éditeur tout de même !
"- Bonjour Jeremy. Alors des potins ?
- Pas aujourd'hui, Ed. Mais je crois avoir saisi le "m'boui" de Wally.(...) - J'ai passé en revue toutes les occurrences que j'ai, mais il va m'en falloir davantage pour vérifier. On dirait que c'est un commentaire sur des objets en mouvement, comme pour dire "quelque chose se déplace" ou "il y a du mouvement". Toutes mes notes indiquent qu'il regarde des gens ou des animaux qui bougent ou des poissons qui nagent...- Ou de l'eau qui coule dans la baignoire.
- Oui. Justement je voulais te poser la question. A-t-il dit ça à propos de toi ou à propos de l'eau ?
- Il montrait l'eau.- Ah bon, tu ne me l'avais pas dit.
- J'ai oublié. C'est facile d'oublier ces choses-là. Il l'a dit deux fois aujourd'hui, Jeremy.
- Bien, dit Cook, tout sourire en entendant Woeps parler des m'boui, comme s'il s'agissait de cadeaux. Je suis content d'entendre qu'il continue. A quelle occasion les a-t-il prononcés ? 
- Il y en a eu un adressé à la chatte du voisin quand elle elle est passée en courant, et l'autre en voyant un Indien à la télé. Je crois qu'à ce moment-là, il était sur un cheval.- Bien. As-tu noté les intonations ?- Absolument pas.
- Dis-moi si tu y comprends quelque chose : j'ai des intonations très distinctement montantes dans ses remarques sur les quatre personnes à propos de qui il l'a dit, toi, moi, et deux auxiliaires, Sarah et Sally, ainsi que sur le poisson et un jouet qui se remonte et qui roule. Mais l'intonation est tombante avec les écureuils et les oiseaux. Il en a sorti quatre quand j'étais dehors avec lui un matin de la semaine dernière. Tous tombants, Deux oiseaux, deux écureuils.- On ne peut pas dire qu'il y ait de grandes similarités physiques, hein ? fit Woeps. 
- Non. C'est peut-être parce que ce qui importait était que nous étions dehors. Le "m'boui" avec une intonation tombante signifie peut-être "le déplacement se passe en extérieur". Mais ce serait tout de même bizarre. 
- Wally n'aime pas vraiment les oiseaux et les écureuils. Cook fronça les sourcils.- Ah ?Oui je ne sais pas trop pourquoi, mais il en a peur.- Et il nous aime bien, toi, moi, les deux auxiliaires et le poisson...- Oui, pour ce que j'en sais.
- Fichtre, fit Cook, se sentant presqu'estomaqué. C'est une indication sur ses préférences personnelles.- Tu viens de piquer ma curiosité. Je vais le surveiller avec attention.- Ed, j'ai hâte de l'étudier. Pourrais-je l'avoir quelques heures ce soir ?" (p. 155-157)
--> Chronique "polars" et "enfants" (m'boui !)...

mardi 8 septembre 2015

Michel Bussi : "Mourir sur Seine"

***** 2008
Bon, quitte à me répéter, je reconnais que j'avais du mal à lâcher ce livre, mais pourtant l'histoire m'a paru bancale et peu crédible, et j'ai eu vite ma dose de références aux pirates et la grande piraterie.
Le plus quand même : ce sont les descriptions de Rouen et de ses environs comme si l'on y était. 
En revanche, je ne peux pas dire que le roman m'ait donné le goût d'aller assister à l'une des armadas. Pas trop mon truc.
Je mets trois étoiles à "Mourir sur Seine", le sixième roman que je lis de Michel Bussi, mais en pointant une certaine lassitude au fil des lectures : j'en ai adoré trois et aurais pu me passer de lire les trois autres. Trop c'est trop ? Une pause s'avère bienvenue alors que j'apprends qu'un nouveau roman sort et qu'un autre est déjà en préparation.

--> Voir mes chroniques : Un avion sans elle- Ne lâche pas ma main - Gravé dans le sable - N'oublier jamais - Nymphéas noirs 

Jonathan Coe : "Expo 58"

***** "Expo 58" (2013, Penguin Books, 274 p.)

"In a note dated 3 June 1954, the Belgian Ambassador in London conveyed an invitation to Her Majesty's Government of Great Britain : an invitation to take part  in a new World's Fair which the Belgians were calling the "Exposition universelle et internationale de Bruxelles 1958".

Jonathan Coe écrit bien, et ce petit roman se lit bien même s'il ne casse pas des briques !
Il donne un certain aperçu du climat de la guerre froide vu par le prisme de l'exposition universelle de Bruxelles. Le parcours de l'apprenti espion (qui ne le sait pas), Thomas Foley, est parfois drôle. Sa vie familiale l'est moins et je trouve que Jonathan Coe l'a fort bien dépeinte (l'incident du pansement pour cors retrouvé dans le lit conjugal est lourd de conséquences).
Tout comme Jonathan Coe parvient à donner une description intéressante de la vie de banlieue londonienne d'un jeune couple, du rapport aux voisins, On s'intéresse aussi à la Belgique d'après-guerre.
La fin, en revanche, qui amène le lecteur 40 ou 50 ans plus tard, ne m'a pas passionnée.

Ce roman m'a fait penser de bout en bout au film "CONGORAMA" réalisé par Philippe FALARDEAU (Canada / Belgique, 2006) avec Olivier Gourmet, Paul Ahmarani, Gabriel Arcand, Jean-Pierre Cassel, Claudia Tagbo... qui fait également référence à l'expo universelle de 1958 et au pavillon où fut "exposé" un village du Congo belge montrant les autochtones comme dans un zoo. Il est aussi question d'espionnage industriel dans le film mais hors cadre de la guerre froide.

Entre le livre "Expo 58" et le film "Congorama", je vote sans hésitation pour le film.

lundi 31 août 2015

CLET : le street artist des panneaux de signalisation

Clet Abraham est un artiste français que l'on connaît sans connaître. C'est lui qui a créé les habillages drôles ou poétiques de panneaux de signalisation. 
J'ai lu sur le web qu'il aurait ainsi habillé environ 1500 panneaux à Paris ! Je confesse n'en avoir relevé que 3...(rue de Rivoli, Bld Saint-Germain, et en face de la Pinacothèque place de la Madeleine).

Plusieurs de ses panneaux décorés étaient exposés ce printemps à la galerie Artistik Rezo à Paris (des panneaux qu'il avait rachetés pour les customiser dans son atelier, et non pas enlevés de la rue !).


Citation de l'artiste : 
"Je n'empêche pas la fonction du panneau – on voit toujours qu'il s'agit, par exemple, d'un sens interdit –, je ne les détériore pas – j'utilise des stickers –, mais je réveille l'attention, je crée un dialogue." (LeJDD, 17/05/2015)

Florilège de panneaux de Clet exposés à la galerie Artistik Rezo
J'aime beaucoup le panneau où le policier fait des bisous (coeurs) à la barre du sens interdit, et ceux où un guitariste s'agrippe à la flèche du sens unique.
Un Clet boulevard Saint-Germain à Paris
Cela étant, bien que ces panneaux humoristiquement customisés soient amusants à regarder, se pose quand même la question de jusqu'où peut aller cette sorte de main-mise sur les ouvrages publics, qui plus est destinés à la sécurité routière. Sur la photo ci-dessus, une personne âgée au volant, un peu stressée dans le flot de la circulation parisienne, pourrait mal distinguer le sens interdit sur le panneau. Je dois reconnaître que le sujet m'interpelle.

--> rubrique "Street Art" !

vendredi 28 août 2015

Le bousier, joli scarabée bleu

Je n'aperçois pas souvent de scarabées dans mon jardin...


Cette année cependant, j'ai été gâtée d'un point de vue esthétique avec trois cétoines dorées aux reflets mordorés vert métallique aperçues le 26 mai 2015, et ce beau scarabée de couleur bleu métallisé (sur le ventre) aperçu le 26 août.

Il s'agirait d'un "Bousier commun" des chemins : Geotrupes (Anoplotrupes) stercorosus.
(étymologie :  geotrupes = qui perce la terre, et stercorosus = du fumier).

J'ai eu de la chance de croiser son chemin sur la pelouse du jardin car normalement on le rencontre en forêt. Il gesticulait beaucoup, se mettait sur le dos puis tentait de se remettre sur le ventre et voulait s'envoler. Une fois reposé dans l'herbe, il s'est empressé de se faufiler sous la mousse pour rentrer sous terre.

--> ma chronique "insectes" et la page des "habitants de mon jardin"...

vendredi 21 août 2015

Pigeon couve !

Au jardin, deux couples de pigeons ramiers ont élu domicile chacun dans un coin différent.

L'un est en train de construire le nid, on voit des allers-retours incessants des volatiles avec une brindille dans le bec à chaque fois. La tâche est longue. Et nombre de petites branches finissent pas retomber sur la table de jardin qui se trouve sous le platane "élu".

L'autre couple est plus avancé : le nid est prêt et il est occupé par deux oeufs... Monsieur ou madame pigeon couve sagement. Ce nid n'est pas installé très haut dans l'arbre (un seringat) et l'on voit facilement notre pigeon dépasser du nid :


La photo a été prise le 16 août... A quand l'arrivée des petits ?

R. Goddard : "Heather Mallender a disparu" à Rhodes...

***** ("Into the blue") - Ed. Le Livre de poche, 2013, 715 p.
Réf. géogr : R-U / Rhodes / Athènes

"Si elle revenait maintenant, ou même dans cinq minutes, tout irait bien."...

Je range ce livre dans la veine des enquêtes policières à la Robert Galbraith (L'appel du coucou - Le ver à soie) voire Elizabeth George. Quoique, "pour de vrai", j'ai bien souvent pensé au roman "Cinq mouches bleues" de Carmen Posadas au fil de ma lecture.

Soit une enquête assez prenante, un personnage principal bien sympathique, Harry Barnett, anglais quinquagénaire qui n'a pas fait grand-chose de sa vie, et qui vivote sur l'île de Rhodes en faisant office de gardien de la villa de son ami le distingué sous-secrétaire d'Etat à la Défense Alan Dysart.
C'est là que débarque un jour la jeune  Heather Mallender, relation du propriétaire, venue se reposer au soleil de la Méditerranée. Elle n'y reste qu'un mois... car à l'occasion d'une promenade dans la montagne, elle disparaît subitement. Les soupçons pèsent sur Harry, qui découvre un jeu de photos laissées par Heather, et décide de suivre la piste indiquée par chacune des photos pur remonter à la source de la disparition de la jeune femme.

J'ai regretté que le passage sur l'île de Rhodes soit finalement assez court contrairement à ce que laissait supposer la (belle) couverture. Car le roman se poursuit en grande partie autour de Londres et dans la campagne anglaise, ce qui n'a pas gâché mon plaisir car les descriptions sont fort joliment amenées et les plongées dans les milieux étudiants privilégiés tout aussi intéressants.

Un polar classique et de bonne facture, bien écrit, sans hémoglobine à tout va : c'est bon à prendre. 

lundi 17 août 2015

Lupano & Cauuet : "Les vieux fourneaux", archi drôles !


Wilfrid Lupano & Paul Cauuet : "Les vieux fourneaux" *****

T1 "Ceux qui restent"
T2 "Bonny and Pierrot"

(Ed. Dargaud, 2015, 56 p. x2)

Ah voilà une savoureuse BD.
Qui ragaillardit !
Une gang de vieux pépés amis à la vie à la mort. 
L'un un poil pèpère dans sa maison de retraite, l'autre qui anime une association gériatro-anarchiste "Ni Yeux ni Maîtres", et le troisième qui vient d'enterrer sa femme à la campagne mais qui peut compter sur sa petite-fille Sophie pour ne pas sombrer dans la tristesse.

"- Dis, tu vas klaxonner et faire des appels de phare tout le long comme ça?
- Oui, j'ai remarqué que les gens sont plus attentifs quand je fais ça."

-" Y a de la gonzesse !" Comment tu peux dire des trucs pareils, un jour comme aujourd'hui ? Tu ne changeras jamais !
- Mais, c'est bon, c'est une blague entre mon filleul et moi, une "privette joque", comme disent les angliches. 
"VIEILLIR TUE" - "NI YEUX NI MAITRES"
"Des non-voyants anarchistes! "Ni yeux ni maître", qu'on s'appelle! On fait du terrorisme situationnel. C'est bidonnant. On s'incruste dans les réceptions, les soirées branchées, les cocktails, les réunions politiques, et pis on fout le boxon. Que des handicapés et des vieux méchants comme des teignes! Le cauchemar des services d'ordre. S'ils nous touchent, on porte plainte, on demande des dommages et intérêts, ça arrondit les fins de mois." 

tome 2 :

"- C'est... C'est le siège social de "Ni Yeux, ni Maître", ici ?
- Hahaha ! Ah non, heureusement ! T'imagines l'enfer avec cette musique de débiles et cette déco de merde ?
- Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Vous faites quoi, au juste, ici ?
- Rien, on est là, c'est tout. C'est un attentat gériatrique. Quand un endroit de ce genre devient problématique, on s'y rassemble tous les soirs pendant un certain temps. Ça fait monter d'un coup la moyenne d'âge de l'établissement. Généralement, il ne s'en relève pas. Le vieux est l'ennemi du bien, de nos jours. A quoi ça tient la branchitude tout de même...
- Mais qu'est-ce qu'il vous a fait, ce bar ?
- Il nous a fait qu'avant, c'était un sympathique petit bistrot de quartier, et que là, ça ressemble à un vaisseau spatial. Le soir ils mettent leur zinzin à fond les gamelles, et ça fait tomber les assiettes des murs, chez Dolores. "

"- Mais non, Fanfan, c'est pas l'URSS, c'est un flux RSS. Rien à voir.
- Ah bon. Je préfère. "

A lire et à relire aussitôt. Eclats de rire garantis (surtout dans le 1er tome). Un 3e tome est prévu... Miam

--> mes "BD"

Ian Manook : "Les temps sauvages" en Mongolie

***** Ed. Albin Michel, 2015, 523 p.
Réf. géogr : France (auteur) / Mongolie & Russie

"Engoncée dans sa parka polaire, l'inspecteur Oyun essayait de comprendre l'empilement des choses."

Suite du 1er tome, "Yeruldelgger", qui fut mon gros coup de coeur du printemps !
Pas déçue par ce tome 2, mais sans le frisson de nouveauté qu'avait apporté le 1er opus.

L'intrigue nous bringueballe des steppes mongoles aux villes fantômes russes, comme Krasnokamensk où fut emprisonné Mikhaïl Khodorkovski, en passant par Le Havre en France. J'ai trouvé cette multiplicité de lieux un tantinet compliquée. Mais je pardonne, car Yeruldelgger est là, ce vieux flic attaché aux traditions et à l'âme mongole en proie aux nouveaux riches, aux politiciens véreux et aux militaires sans scrupules. Face aux villes russes contaminées par la pollution à l'uranium et aux métaux lourds, il se sent impuissant :
"Yeruldelgger regardait avec horreur ce que sa Mongolie pouvait devenir. Dans les forêts dépecées, il voyait ses steppes lardées de mines à ciel ouvert. Dans les quartiers d’isbas de mauvais bois où se résignait un sous-prolétariat désœuvré, il reconnaissait ceux de yourtes à Oulan-Bator où se desséchaient les vieilles grands-mères pendant que les vieux nomades s’imbibaient de vodka chinoise de contrebande. Et les mêmes immeubles à la soviétique qui se délitaient entre des routes précaires et des rues défoncées. Il sentit son âme enfler d’un terrible découragement." (p.209)
Yeruldelgger est là, souvent seul, plus invincible et déterminé que jamais. "Les temps sauvages" font un peu valser le travail en équipe du commissariat et chacun y va de son bout d'enquête, jusqu'à ce que le maillage se resserre autour d'une même affaire.
Certes, les personnages clés du premier tome sont toujours présents, Oyun, Solongo, Gantulga principalement, mais on ne les voit quasi jamais réunis. Une seule nuit dans la yourte avec Solongo si mon compte est bon :
"Solongo s'en voulait d'avoir trop cuisiné. Yeruldelgger hésitait entre le rave fermenté au saumure et la queue de mouton en bouillon doré, gras et chaud à s'en brûler les lèvres. Les aigres boulettes de fromage séché, les crêpes au gras d'agneau ou le yaourt tiède. Ou encore la chèvre bouillie." (p.67)
Certains passages sont empreints de poésie, et je rends hommage à Ian Manook pour avoir conté l'épisode de la chevauchée dans la steppe enneigée de Yeruldelgger et d'Agop, et du yack Grandgousier, qui pour moi restera un des personnages forts de ce roman !  Oui, le vieux yack blanc !
"Il avait couru vers Grandgousier en pensant le chevaucher pour s’enfuir, mais ils l’auraient repéré. Il avait préféré se terrer entre le rocher et le yack, et le tirer pour qu’il se couche de côté contre lui. La bête l’avait presqu’écrasé contre la roche et il avait cru mourir étouffé, mais la ruse avait fonctionné. Agop était persuadé que l’animal avait compris la situation et qu’il avait joué son rôle de yack sauvage surpris en plein sommeil hivernal. Dès qu’Agop s’extirpa de sa cachette, le yack se releva à son tour et posa son museau fumant contre le ventre de l’homme. Le professeur enlaça sa grosse tête entre ses bras et posa sa joue dans la fourrure épaisse. Puis s’excusant, expliquant sa fatigue et le choc de l’attaque, il se hissa sur son dos en s’agrippant à son poil long et dru et n’eut rien besoin de dire pour que le yack prenne le chemin du musée de son pas lent et sûr." (p.57)
Yeruldelgger  dans ce deuxième tome nous surprend par la rage et la furie qui petit à petit s'emparent de lui. C'est devenu un être violent et impitoyable. Comme Clint Eastwood dans le film éponyme... Il convient de reconnaître que les "méchants" qu'il affronte tuent à tout va et sans faire dans la dentelle.
Étrangement, dans cette histoire, l'auteur amène un nouveau personnage, un policier de la brigade ferroviaire (!) français d'origine arménienne, ancien barbouze, Zarza, qui partage pas mal de traits de caractère avec Yeruldelgger. Et je me demande si les prochains romans ne se recentreront pas sur ce policier très spécial.

Allez, une dernière remarque de Yeruldelgger contre l'architecture granquignolesque et insipide qui dénaturent les anciens satellites de l'URSS :
"Ou plutôt, il n'aimait pas ce qu'on avait fait de son architecture audacieuse. Vers l'extérieur, comme un défi au pays et au monde entier, la couronne de béton était sculptée de reproductions monumentales des décorations de l'armée russe. A l'intérieur, une fresque retraçait quelques morceaux soigneusement choisis de l'amitié russo-mongole. La défaite de l'occupant chinois par les soldats du peuple russe en 1921. La défaite de l'occupant japonais par les soldats du peuple russe en 1929. Les figures légendaires de l'héroïsme soviétique : l'infirmière, le cosmonaute, le métallurgiste. (…) Yeruldelgger haïssait ce monument plus soviétique que russe, toute sa symbolique guerrière et  sa virile espérance, promesse de jours heureux, et plus que tout le géant de béton casqué et botté brandissant face à la ville qui n’était pas la sienne, un étendard dont la démesure et la prétention en faisaient une voile rigide de béton gris. La représentation d’une amitié russo-mongole qui n’était que russe, sans steppes, sans montagnes, sans troupeaux, sans yourtes." (p.195-196)
 --> ma chronique "Polars"...

Jirô Taniguchi : "L'homme qui marche"


***** Éd. Casterman, 2015 (1e édition 1995)
Ce pourrait bien être le premier manga japonais (manga tout court même ?) que je lis...

Jolie découverte. Une succession de petites historiettes mettant en scène un homme d'une trentaine d'années (peut-être plus, peut-être moins - on sait qu'il est marié mais n'a pas d'enfants), le visage poupin, des lunettes. Et que fait cet homme ? Il marche. Tout simplement.

Il prévient son épouse affairée aux tâches ménagères qu'il sort. Et il va se promener, nez au vent, le regard émerveillé, suivant telle petite rue ou décidant de s'arrêter au parc ou de piquer une tête dans le bassin. Il découvre ce quartier car il vient d'emménager. Et par bonheur, l'ancien locataire a laissé son chien qui va devenir l'aimable compagnon de ses promenades.
A chaque fois, il profite pleinement de l'environnement, admire les fleurs du cerisier, apprécie l'odeur de la végétation, craque devant la vitrine d'une échoppe et achète des ballons en papier ou des douceurs. 
Son visage respire le bonheur, il marche et profite de la vie avec son chien. C'est un homme sans contrariété. Même la pluie qui commence à tomber le distrait et il tend son visage vers les gouttes. Les premiers flocons de neige sont aussi les bienvenus, un cadeau du ciel. A toute saison, cet homme trouve son content de petits bonheurs. Marcher dans les flaques, écouter le silence de la neige qui tombe, regarder les feuilles des arbres remuer doucement, observer les oiseaux. S'émerveiller devant un joli coquillage.

Ce livre invite à ralentir ses gestes et à prêter attention aux petites choses qui nous entourent. Redécouvrir le bonheur de se promener.

Il me reste cependant une interrogation : cet homme que l'on voit marcher chaque jour, travaille-t-il ? Et son épouse, ne pourrait-elle partager à ses côtés ces petits bonheurs de la promenade quotidienne ? Certes, le couple part ensemble en pèlerinage au bord de la mer pour remettre à l'eau le coquillage trouvé près de leur maison. Mais au quotidien, cet homme marche seul.

--> chronique "BD"... 

lundi 10 août 2015

Vive le plumbago dentelaire parme


Dans le micmac de fleurs desséchées et racornies auquel ressemble mon jardin en plein mois d'août, le plumbago dentelaire parme est l'une des rares à tirer son épingle du jeu aux côtés de mes fidèles gauras, des sauges arbustives, de la superbe (mais je n'en ai qu'un plant...) agapanthe et des indétrônables roses trémières. Ah aussi mes plantes grasses Drosanthème florifère (ou Ficoïde ou Glaciale) elles-aussi originaires d'Afrique du Sud. La phytolaque quant à elle est encore timide...
Toujours à l'oeuvre mais "sur leur fin", les achillées jaunes...

Plumbago dentelaire en graines
Je regrette de ne pas avoir eu le temps de semer les annuelles de l'été... Tous mes géraniums vivaces ont cessé de fleurir et ne reste que le feuillage un peu tristounet.

Je reviens à mon plumbago : c'est une vivace coriace, dont j'avais prélevé quelques plants sur le friche attenant au parking de la gare : c'est tout dire...
Elle produit quantité de fleurs violettes en épis, aux corolles en entonnoir. 

La plante, une fois fanée, n'est en revanche pas très gracieuse. Comme les roses trémières qui perdent tout attrait après la floraison et enlaidissent le jardin plus qu'autre chose.

Mon interrogation : est-ce un plumbago capensis (du Cap) ou un plumbago europaea L. ?

--> Chronique "Jardin" et ma page "récap' jardin"...

V. del Arbol : "Toutes les vagues de l'océan"

***** Victor del Arbol : "Un millon de gotas" - 2014
(Ed. fr. Actes Sud, 600 p.) - Réf géogr. : Espagne / Russie

"Après la pluie, le tracé du paysage était plus accusé et les couleurs de la forêt plus violentes."

Troisième livre que je lis de Victor del Arbol, et troisième roman noir avec toujours en toile de fond les heures sombres de la guerre d’Espagne et du franquisme. « Toutes les vagues de l’océan » dépasse cependant les frontières de l’Espagne pour se dérouler en partie dans la Russie soviétique.

Le roman est un puzzle de 600 pages, où alternent les chapitres se déroulant dans la Barcelone des années 2000, autour du personnage de Gonzalo Gil, un avocat un peu terne mené à la baguette par sa riche belle-famille, et ceux qui se déroulent dans la Russie des années ‘30 à 50, autour d’Elias Gil, le père de Gonzalo, communiste de la première heure et pourtant victime des arrestations arbitraires et purges staliniennes qui le mèneront au goulag de l’île de Nazino, « l’île aux cannibales ».

La petite vie de Gonzalo bascule quand il est informé que sa sœur Laura aurait assassiné un tueur de la mafia russe avant de se suicider. Il plonge alors dans la vie de Laura et découvre le combat acharné que sa sœur a mené contre les réseaux mafieux de prostitution enfantine et, à leur sommet, la Matriochka russe. Petit à petit, page après page, passé et présent s’imbriquent, l’un aussi chargé de violence que l’autre. Et l’on découvre en même temps que Gonzalo la face intime et cachée du père, Elias, dont l’image de héros du communisme et de la résistance au franquisme se craquelle jusqu’à l’explosion finale de cette famille condamnée par le destin.

--> Du même auteur : "La tristesse du samouraï" **** (2011) - "La maison des chagrins" ** (2014)
--> Le goulag de l'île de Nazino en proie au cannibalisme est également évoqué dans "Le divan de Staline", de Jean-Daniel Baltassat

jeudi 6 août 2015

Chahdortt Djavann : "La muette"

***** 2008 (Ed. Flammarion, 117 p.) - Réf géogr : Iran
"Au mois de septembre, j'ai reçu, à mon domicile, une lettre qui provenait d'Iran."

Après avoir découvert l'écrivaine d'origine iranienne Chahdortt Djavann avec son très beau roman "Je ne suis pas celle que je suis" (2011), j'ai lu ce petit roman, "La muette", paru en 2008.

La construction de ce petit livre m'a un peu déroutée, en ce que l'auteur prête à croire qu'il s'agit d'une histoire vraie basée sur le journal tenu en prison d'une petite iranienne condamnée à mort. Figurent même à la fin une note du traducteur, qui se révèle donc totalement fictive. J'aurais souhaité que l'auteur ou l'éditeur clarifie ce point : roman ou récit tiré d'une histoire vraie.

Cela étant, l'histoire ici contée semble criante de vérité. Comme je l'avais commenté pour "Je ne suis pas celle que je suis", Chahdortt Djavann met en mots le "no woman's land" iranien.  
Je ne crois pas que la période soit vraiment précisée mais des références aux cassettes vidéos ou au lave-vaisselle amènent à penser que l'histoire se situe dans les années '90. Et pourtant, les faits décrits et l'environnement miséreux où vit Fatemeh et sa famille font penser au moyen-âge.

Fatemeh, c'est cette jeune iranienne de 12 ans qui se prend d'affection pour sa tante paternelle, devenue muette enfant après avoir été battue par son père et vu celui-ci tuer sa mère. "La muette" ne porte pas le voile (elle ne sort jamais non plus) et se comporte de façon parfois audacieuse. Elle a 29 ans, est belle et se découvre un amour fulgurant et lascif pour l'oncle maternel de Fatemeh. 
La mère de Fatemeh nous apparaît comme une femme insipide, voire malveillante, et portée sur la religion et l'obéissance au mollah. 

Dans son petit cahier qu'elle tient en prison, Fatemeh raconte la vie étriquée que mène la famille dans cette petite cahute, et les manipulations de sa mère qui vont conduire à l'arrestation de la muette et de l'oncle. Condamnée à la lapidation, la muette voit sa peine commuée en pendaison, "mort plus douce", en échange de la promesse du père de Fatemeh de donner sa fille en mariage au mollah.
Une issue cruelle pour Fatemeh, déjà dévastée par la mort de sa tante bien-aimée. La haine et la vengeance se conjuguent pour mettre fin à ce destin terrible. 
Une famille balayée par la misère et l'intégrisme.

Espérons que la fin de l'embargo occidental sur l'Iran permettra l'ouverture du pays (la ré-ouverture plutôt) vers plus de libertés et une amélioration de la condition de la femme.

--> Sur l'Iran : "Poulet aux prunes" et "Broderies" de Marjane Satrapi

Fred Vargas : "Temps glaciaires" & "Dans les bois éternels"

Un marcassin sur la couverture de l'un, un cerf sur l'autre...

"Temps glaciaires" ***** - 2015 (Ed. Flammarion)

Haletant ! Fred Vargas nous promène de Paris à la Vallée de Chevreuse et nous ferons même une excursion jusqu'en Islande aux pieds du cercle polaire.
Bien sûr y a des morts, donc une enquête... puis deux enquêtes en parallèle. Tous ces morts qui ont en commun un mystérieux dessin en forme de H ou plutôt de guillotine. Eh oui la guillotine : nous voilà donc plongés en pleine Révolution française entre la Plaine et la Montagne, à écouter le tribun Robespierre discourir à l'Assemblée.
Un grand plaisir à retrouver toutes nos connaissances du commissariat dirigé "par flottement" par Jean-Baptiste Adamsberg : Retancourt, Estalère, le chat La Boule, Veyrenc, Noël... Et Danglard qui fait sérieusement la tête dans cet épisode.
Un très bon cru. Et mention spéciale à "Marc" le sanglier !

1ère phrase : "Adamsberg attrapa son téléphone, écarta une pile de dossiers et posa les pieds sur la table, s’inclinant dans son fauteuil." 


"Dans les bois éternels" ***** - 2006 - (Ed. Viviane Hamy, 443 p.)

Ayant juste fini "Temps glaciaires" le dernier Fred Vargas en date, j'étais tellement imprégnée de l'atmosphère de ce commissariat et de sa brigade si particulière, que j'ai décidé de mettre à jour mes lectures : je m'étais arrêtée à "Sous le vent de Neptune", paru en 2004 et qui se déroulait au Québec. Ah non, que dis-je ! J'avais lu et pas aimé "Un lieu incertain" (!!!) paru en 2007.

"Dans les bois éternels" est la suite de ce voyage au Québec. Adamsberg et Camille sont séparés mais toujours en contact par la force des choses : le bébé Tom que le commissaire doit régulièrement garder quand Camille part en concert.
L'intrigue est comme toujours riche à foison, s'épaississant au fil des chapitres... Deux morts à La Chapelle à Paris, probablement tués par une femme de 1m62 selon Ariane la séduisante légiste. Des cerfs massacrés en Normandie, éventrés et le coeur écrabouillé. Des tombes de femmes vierges profanées. Une vieille infirmière tueuse en série en cavale...
On apprend plein de choses comme toujours encore : il y a un os dans le groin du porc et dans le coeur du cerf et dans la verge du chat.

J'ai beaucoup aimé. Des scènes devraient rester en mémoire (un temps) : Adamsberg et les galets polis qu'il ramasse pour son équipe dans son ruisseau au Béarn, l'apéro des petits vieux dans le bistro en Normandie, les bois de cerf que les petits vieux lui offrent, et qu'il ne faut surtout pas séparer !

1ère phrase : "En coinçant le rideau de sa fenêtre avec une pince à linge, Lucio pouvait observer le nouveau voisin mieux à son aise."

--> "Polars"

mardi 28 juillet 2015

T. Murat : "Les larmes de l'assassin" (BD - Chili)

***** BD de Thierry Murat, adaptée du roman d'Anne-Laure Bondoux.
Ed. Futuropolis, 2011, 126 p.

Un roman graphique magnifique.
J'ai découvert Thierry Murat avec  son adaptation du "Vieil homme et la mer" : des planches souvent monochromes, un texte rare et sobre.
Il en va de même pour "Les larmes de l'assassin", où l'on passe de l'immensité de l'océan "cubain" à l'immensité des terres patagoniennes :
"Ici, personne n'arrivait par hasard. Car ici, c'était le bout du monde, le sud extrême du Chili où la côte fait de la dentelle dans les eaux froides du Pacifique. Sur cette terre malmenée par le vent, même les pierres semblaient souffrir".
Puerto Natales, 04/2015 (Seb)
Paolo vit là dans une masure avec ses parents, où de temps à autre se risque un voyageur, souvent explorateur. La vie est triste et solitaire, L'enfant, "né de la routine du lit de ses parents", s'occupe seul en chassant les serpents. Un jour, débarque une silhouette massive : Angel Allegria, meurtrier en cavale, qui sitôt arrivé tue les deux parents mais épargne l'enfant.
Alors s'installe une cohabitation forcée, l'enfant et l'assassin vaquent aux petites besognes de survie quotidienne, il s'apprivoisent.
"- C'est quoi le jour de ta naissance, essaye de te souvenir...
- C'est le jour où tu es arrivé ici. Je ne me souviens de rien avant ce jour." 
Gracias por su visita a la Patagonia chilena !
Les 4 éléments
(Puerto Natales)
Jusqu'au jour où survient un autre voyageur, Luis...

Les dessins traduisent superbement l'hostilité du paysage, aride et sauvage, battu par les vents et isolé de tout.


A lire aussi, une autre BD se déroulant cette fois dans la Patagonie argentine : "Chère Patagonie".

--> Chronique "BD"
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...