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samedi 6 février 2021

Emil Ferris : "Moi ce que j'aime c'est les monstres" (BD)

 ***** (My Favorite Thing Is Monsters), d'Emil Ferris (Ed. Monsieur Toussaint Louverture, 2018) 💙💚💛💜

La claque. 
Cet album est absolument extraordinaire
Que ce soit du point de vue de l'histoire que du graphisme, incroyable. 
L'auteur est une femme (oui, Emil...) née à Chicago où elle était illustratrice quand à 40 ans elle contracta le virus du Nil occidental à la suite d'une piqure de moustique, qui la laissa paralysée durant des années. En fauteuil roulant elle décide de suivre un cours de creative writing, peinant au début à tenir un stylo qu'elle devait faire tenir avec un bout de scotch.
"Quand un événement aussi étrange s’abat sur vous, tout devient clair : le monde vous lance un défi, il vous rend spéciale. J’étais la seconde personne en Illinois à être infectée par ce virus. Statistiquement… Le jour de mon anniversaire en plus. C’est un message de l’univers. Du coup, il faut répondre. Il faut devenir sérieusement badass." (Extrait d'une intéressante interview intime parue dans Libération)
De sa persévérance est né au bout de six ans cet album de 400 pages, un ovni dans la production de romans graphiques. Les dessins sont réalisés au stylo bic quatre couleurs. C'est sidérant, d'une beauté à tomber. Chaque nouvelle page est uppercut pour les yeux, j'ai été scotchée tout du long.

L'histoire m'a happée également. 
Le livre se présente comme le journal d'une petite fille de dix ans, Karen, qui habite dans une banlieue de Chicago dans les années '60, avec son frère Deeze, ultra gominé et dissimulant une part ténébreuse, et sa mère, malade.
Complexée par son physique et bousculée à l'école pour ça, Karen se réfugie auprès des monstres qui peuplent son imagination, et dévore les magazines d'horreur de son frère. 
Elle rêve de se faire mordre par un loup-garou pour enfin devenir elle-même un monstre. 
Un jour, la jolie voisine du dessus, Anka, est retrouvée morte : suicide disent tous, sauf Karen qui décide de mener sa propre enquête. 

La deuxième partie de l'album évoque la vie d'Anka, jeune juive dans l'Allemagne des années '30, qui échappe à la déportation pour atterrir dans un bordel. Deux époques en miroir avec leur lot de violences, de racisme, de pauvreté, d'antisémitisme.
Le tome deux vient de paraître en anglais... Trop hâte de me jeter dessus.
C'est ma découverte BD de l'année 2020, peut-être de la décennie cela mérite que j'y réfléchisse.

--> la chronique "BD"...

mercredi 18 novembre 2020

Claire Léost : "Le monde à nos pieds"

*****  (JC Lattès, 2019, 300 p.) 💚
Dévoré ce roman !
Le devenir d'un petit groupe d'amis depuis leur première rentrée à Sciences-Po en 1994, à la fin des années Mitterrand, jusqu'à l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017. 
Trois garçons et trois filles d'horizons variés, Louise, Katel, Delphine, Lucas, Max, Stan... 
A peine vingt ans. Jeunes, beaux, pleins de rêves et d'idéaux. Militants, engagés, ils se passionnent pour la chose politique. Confiants qu'un jour le monde sera à leurs pieds. Amitié et histoires de coeur aussi...
Puis la compétition, les ambitions divergentes, les aléas de la vie, fragmentent l'amitié et construisent les adultes qui tenteront de s'épanouir qui en politicien, qui en femme de presse, qui en écrivain... Chacun son chemin. Jusqu'aux retrouvailles. Une fin aussi qui n'a pas manqué de toucher mon petit côté fleur bleue.

Un livre très bien écrit et des personnages tous attachants à leur manière, que l'on prend plaisir à suivre.
Une chronique passionnante de la vie politique de ces deux décennies et des débats estudiantins. Cela n'a pas manqué de me rappeler des souvenirs. 
Je m'y suis retrouvée, dans ces années '90.

Quant à la décennie précédente, aux nostalgiques des années '80, je conseille un roman graphique absolument exceptionnel, à lire, et à offrir : "La vie sans mode d'emploi, putain d'années '80" de Désirée et Alain Frappier 💛

mercredi 11 novembre 2020

Ugo Bienvenu : "Préférence Système" (BD)... et la poésie de W. H Auden

💛💛💛💛💛 (2019, Ed. Denoël Graphic)

Une excellente BD d'anticipation. Excellente BD tout court du reste, qui ne manque pas de laisser songeur, bien après l'avoir refermée.

Nous sommes en 2055, dans un futur donc très proche... 
Le personnage principal, Yves, se rebelle contre son  travail qui consiste à expurger du "big data", chaque jour, des fichiers obsolètes dont le taux de consultation sonne le glas de leur suppression. Ainsi en est-il de "2001 l'odyssée de l'espace" ou des poèmes de Rimbaud ou W. H Auden. Ces fichiers seront supprimés du cloud afin de faire de la place pour les selfies et vidéos de vacances de trucmuche et machinchose, puisque de telles photos et vidéos font à présent office de documents précieux qu'il importe d'archiver pour satisfaire les nouvelles générations. Effacement des trésors littéraires, musicaux ou cinématographiques du passé pour faire place nette et stocker les produits phares des réseaux sociaux.

«[2001 Odyssée de l'espace] - Mandat de destruction D-489... exécutable à 15h30 salle 72, bâtiment G.
- Franchement... La totalité de l’œuvre, tout, commentaires, articles et dossiers afférents tiennent sur 6 Go... On en est là ?
- On en est là, agent Mathon ! Si John-Streamy72 veut continuer de partager ses vidéos sur youtube, si Kamelia-72 veut continuer de poster ses photos de vacances, on en est là ! Que penseriez-vous si nous disions à K-Rineohmygod qu'elle ne peut plus montrer son corps sur Instagram ? Ce serait l'apocalypse, Yves ! La fin du monde occidental ! » 

Ne pouvant se résoudre au sacrifice de ce passé culturel riche mais jugé inutile, Yves décide de stocker au péril de sa vie les documents condamnés, dans la mémoire de son robot domestique Mikki, lequel porte aussi l'enfant à naître du couple. La BD en effet fait habilement cohabiter humains et robots.
(La mère, du reste, travaille à la réalisation de produits Playmobil, société qui est devenue... le fournisseur des produits culturels de ce monde nouveau !)

Hélas, Big Brother surveille les éventuels déviants : Yves est repéré, pourchassé, acculé.

La deuxième partie de l'histoire se déroule dans une campagne perdue, où Mikki l'androïde élève la petite fille, loin de la société, loin de l'urbanisation, en pleine nature. Ugo Bienvenu agrémente son récit de très beaux dessins des fleurs, arbres, insectes que la petite découvre au fil de ses jeunes années bucoliques. Le temps savoureux et tranquille de la chasse aux papillons, des comptines et du tai-chi enseigné sur l'herbe par Mikki.
Jusqu'à ce que...
La fin est intense. 
Néanmoins, le message optimiste qu'ont relevé les critiques autour de cette fin ne m'a pas paru si limpide, et je m'interroge encore au sujet de la signification des dernières planches, quand la jeune fille finit par rejoindre "le monde urbain". 

Bien sûr, on pense à "1984" de Georges Orwell (1949), et son héros fonctionnaire au département des Archives du ministère de la Vérité, qui lui aussi avait pour mission de manipuler la mémoire collective, en remaniant les archives.
Et puis aussi à Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (1953) où les pompiers sont chargés de brûler les livres, pour ne pas laisser la moindre prise à quoi que ce soit qui détournerait les esprits de la pensée unique... Alors le pompier Montag, comme Yves, avait décidé de se rebeller et de sauver les écrits...

La BD d'Ugo Bienvenu a également le mérite de rafraîchir la mémoire autour de ces deux romans puissants, qui évoquaient un monde dystopique, et dans certains aspects prémonitoire. 
Elle met aussi à l'honneur le génial poète anglo-américain Wystan Hugh Auden, dont voici deux poèmes magnifiques...
  • "Funeral Blues [Stop all the Clocks]" (repris dans la scène de l'enterrement du film "Four Weddings and a Funeral") :
Stop all the clocks, cut off the telephone, 
Prevent the dog from barking with a juicy bone, 
Silence the pianos and with muffled drum 
Bring out the coffin, let the mourners come. 

Let aeroplanes circle moaning overhead 
Scribbling on the sky the message He Is Dead, 
Put crepe bows round the white necks of the public doves, 
Let the traffic policemen wear black cotton gloves. 

He was my North, my South, my East and West, 
My working week and my Sunday rest, 
My noon, my midnight, my talk, my song ; 
I thought that love would last for ever : I was wrong. 

The stars are not wanted now : put out every one ; 
Pack up the moon and dismantle the sun ; 
Pour away the ocean and sweep up the wood ; 
For nothing now can ever come to any good. 
  • J'aime aussi beaucoup cet autre poème, "The More Loving One" :
Looking up at the stars, I know quite well
That, for all they care, I can go to hell,
But on earth indifference is the least
We have to dread from man or beast.

How should we like it were stars to burn
With a passion for us we could not return ?
If equal affection cannot be,
Let the more loving one be me.

Admirer as I think I am
Of stars that do not give a damn,
I cannot, now I see them, say
I missed one terribly all day.

Were all stars to disappear or die,
I should learn to look at an empty sky
And feel its total dark sublime,
Though this might take me a little time.

vendredi 26 avril 2019

Suzanne Aubry : "Ma vie entre tes mains" (Québec)

💚💚💚💚 2015, Ed. Pocket, 480 p. 💗
"La pelle s'enfonce dans le sol, soulevant une poignée de terre qui atterrit sur un monticule déjà élevé."

Beaucoup aimé ce roman de Suzanne Aubry, écrivaine et scénariste québécoise, dont c'est le premier ouvrage publié en France.
Une intrigue policière captivante, mais surtout un trip entre Montréal et le Manitoba, passionnant, qui nous fait découvrir la communauté francophone des Prairies.
Michel, installé à Montréal depuis 14 ans, rentre un soir chez lui pour découvrir que sa femme et son jeune fils autiste ont disparu. Suzanne Aubry nous fait remonter le fil de ces 14 années jusqu'à un meurtre perpétré au Manitoba... et rien n'est comme ce que l'on pense...
Tous les amoureux du Québec et du Canada doivent lire ce bon polar !

--> voir mes autres lectures québécoises...

dimanche 20 mai 2018

Alice Baguet : "L'année du crabe - globules et raviolis" / "Après l'année du crabe"

*****  (2015, Ed. Vraoum !) 💗💙💚💛💜
Le premier tome m'a laissée sur le derrière, tant j'ai eu l'impression d'accompagner Alice, l'auteure, tout au long de son récit.

C'est l'histoire d'Alice, 18 ans, à peine sortie du bac et en route pour les arts appliqués, mais qui rencontre en chemin Jean-Pierre.
 Qui ça ? Eh bien, J-P, le petit nom qu'Alice Baguet donne à son lymphome, un cancer du sang.

"Je me souviens très bien de mon premier jour d'examens à l'hôpital. C'était un jour où j'avais une culotte bien naze. [Que le sombre crétin qui a conçu les blouses d'hôpital se dénonce... Maintenant !]"




























A partir de dessins épurés, où Alice traîne un crabe orange, et sans langue de bois mais avec un humour inattendu, Alice Baguet nous ouvre son journal intime de jeune ado sympa, dingue de raviolis, et à qui ça arrive. 
"On peut savoir ce que tu fous avec ton écharpe ??Ben, tu sais, depuis que j'ai perdu mes cils, et mes sourcils, j'ai découvert que j'avais le pouvoir ... d'avoir froid aux paupières !"
Sur finalement une petite centaine de pages, nous partageons son quotidien, sa douleur, sa force, ses états d'âme, la chimio, l'hosto, les autres patients... et sa relation particulière avec son partenaire particulier, JP. 

A la fin, JP est vaincu. 

Et s'ensuit le deuxième tome "Après l'année du crabe" (2017).
Ce deuxième tome m'a paru moins désinvolte, si je peux me permettre ce mot, plus sérieux.
" Et enfin, les résultats.
- "Les analyses pratiquées confirment le diagnostic de rémission complète."
- Bon d'accord.
J'avais le sentiment étrange que ce n'était pas le résultat que j'attendais.
On peut pas réussir ses examens à tous les coups non plus."

Alice, guérie, est confrontée à une situation inattendue : l'absence de Jean-Pierre crée un vide auquel elle peine à s'habituer. Comment retrouver une vie normale du jour au lendemain après avoir passé ses journées aux côtés de JP, pendant huit mois.
C'est donc l'histoire de sa reconstruction, dans la douleur et pas simple. Mais "garanti 100% sans rémission."
J'ai vraiment énormément apprécié ces deux romans graphiques. Chapeau Alice, bon courage.

--> chronique "BD" et "ouvrages préférés"

dimanche 19 novembre 2017

En pleine dystopie : "Transperceneige" (film et BD)




























"Transperceneige" ***** de Jean-Marc Rochette et Jacques Lob, complétée par 2 volumes supplémentaires par Benjamin Legrand 💙💚💛💜

Une claque ! j'ai commencé par la BD, inlâchable, "page turner" comme on dit maintenant. La dystopie à son paroxysme.
"Parcourant la blanche immensité d'un hiver éternel et glacé d'un bout à l'autre de la planète roule un train qui jamais ne s'arrête. C'est le Transperceneige aux mille et un wagons.C'est le dernier bastion de la civilisation."


J'ai pensé au roman d'Antoine Volodine "Terminus radieux" (5 étoiles, génial 💙💚💛💜) et son train fantôme condamné à rouler éternellement.

Après avoir dévoré cette BD, j'ai foncé sur le film, vu deux fois d'affilée :

😂"Snowpiercer, le Transperceneige" de Bong Joon-ho (Corée, 2013), avec Chris Evans (Curtis), Jamie Bell (Edgar), Tilda Swinton (Mason), Ed Harris (Wilford), John Hurt (Gilliam), Octavia Spencer (Tanya), Ewen Bremner, Song Kang-ho, Ko Hasung (Yona)... 💙💚💛💜
Le film est une adaptation qui prend ses propres marques, mais qui tient la route et nous tient en haleine : nous sommes propulsés au milieu des wagons du Transperceneige, les machines sont oppressantes, la lutte des classes fait rage, la révolte gronde et les représailles sont féroces. 
Au fait, que mange-t-on dans ce train ?... ah, euh... 
Brillant, captivant, superbement filmé et joué. 

Tiens, un ours dans la neige...

lundi 6 novembre 2017

Vaïnui de Castelbajac : "Au taf "

***** Au taf (2017, Editions Delcourt, 128 p.) 💙💚💛💜
Une BD archi drôle sur le monde du travail et la mesquinerie d'un patron d'entreprise.
La deuxième partie "Bêtes de travail" est tout aussi réussie. Le dessin est simple, avec un petit côté désuet très sympathique. J'ai vraiment adoré.

            "Burn out ?" -                                                         "Chérie, je suis en plein team building là."

"Vous le savez, je veux être un patron à l'écoute de son équipe. C'est pourquoi j'ai pris la décision de truffer l'ensemble des espaces de travail de mini-micros espions."

"Vous verrez l'ambiance est très bonne. 
Trois fois par semaine, on lance même la baballe dans l'open space."

--> Ma chronique "BD" !

jeudi 24 août 2017

Didier Decoin : Le Bureau des Jardins et des Etangs

***** Ed. Stock, 2017, 388 p.  💚
J'ai découvert Didier Decoin à l'adolescence grâce à ma mère. Dévoré "Laurence", "Un policeman", "Abraham de Brooklyn", "John L'Enfer", "Les trois vies de Babe Ozouf". 
Puis nous nous sommes éloignés, cet auteur et moi, jusqu'à il y a une paire d'années, quand "nous" avons renoué par le biais de notre passion commune pour les jardins ("Je vois des jardins partout" 2013).

Cette année, je n'ai pu résister à l'appel de la superbe couverture du "Bureau des Jardins et des Étangs", et j'ai bien fait. Didier Decoin nous livre une oeuvre poétique, douce, joliment écrite autour du personnage de Miyuki, jeune veuve contrainte de reprendre le flambeau de son cher époux Katsuro, pêcheur exceptionnel de carpes dignes des bassins de la ville impériale de Heiankyo, et qui s'est noyé dans sa foisonnante rivière.
"Après avoir préparé les baquets, Miyuki sélectionna les carpes qu'elle allait y transférer. Elle choisit d'abord celles dont la disposition des écailles formait un maillage uniforme et harmonieux, dont le nez, sans être trop allongé, n'était ni trop court ni trop trapu, dont les nageoires étaient symétriques et la couleur parfaitement homogène du museau à la queue. A partir de ce premier tri, elle préleva deux carpes noires (l'une d'un noir métallique et brillant, l'autre d'un noir de velours mat) et deux poissons d'un jaune assez terne mais dont la croissance et la longévité étaient souvent remarquables, puis deux sujets d'un bronze profond dont la luisance évoquait une coulée de miel brun, et elle compléta son florilège avec deux carpes presque dépourvues d'écailles et qui semblaient gainées de cuir." (p.41)
Nous allons cheminer aux côtés de Miyuki, les épaules ployant sous la palanche à laquelle sont suspendus deux viviers contenant huit magnifiques carpes, le legs si précieux de son époux.
"Tout de suite ce fut la forêt. Les volutes grises du brouillard matinal s'accrochaient aux ronces et aux arbustes dont les rameaux piquetés de fleurs d'un blanc cireux évoquaient des parterres de petites bougies votives. (...) Le soleil montant se divisait en autant de lames tièdes qui caressaient la nuque et les épaules de Miyuki." (p.72)
Nous traverserons ce Japon médiéval, par monts et forêts, peinerons sous les intempéries, nous blottirons pour échapper aux prédateurs, découvrirons certaine façon d'obtenir gîte et couvert en plaisant aux hommes. Mais inlassablement nous poursuivrons notre route, en haillons, dépenaillée et malodorante, tandis que nous veillerons avec tant de soin à nos huit protégées.
"Des racines noueuses avaient grossièrement cousu la sente d'un bord à l'autre du torrent disparu. Craignant de s'y prendre les pieds et de perdre l'équilibre, Miyuki progressait à tous petits pas, le regard fixé sur les affleurements, le front incliné, cassée en deux comme ce condamné à la cangue (...)." (p.73)
A la capitale, le chef du Bureau des Jardins et Étangs se soucie pour sa part du prochain défi impérial qui ferait appel à certaines odeurs particulières...
"Une rumeur courait selon laquelle, cette année, les joutes s'inspireraient des mutations odorantes provoquées par les fortes pluies de juin quand elles croulent sur les jardins; alors, à la façon d'un préparateur d'encens, elles hachent menu, pilonnent et broient les fleurs crémeuses, elles déchiquettent, tailladent, lacèrent les feuilles et les tiges pleines de sève, elles concassent, émiettent, triturent, pétrissent la terre, pulvérisent les coquilles désertées des escargots, la chitine des carapaces abandonnées, les lourds accords de l'humus soutenant la fraîcheur des émanations florales. Voilà du moins comment le directeur du Bureau des Jardins et des Étangs sentait les choses." (p.260)
"Nous imaginons un jardin, dit l'empereur, un jardin envahi par la brume matinale. Enjambant un cours d'eau, un pont-lune très escarpé relie le jardin de droite au jardin de gauche. Seule la partie surélevée du tablier émerge de la nuée. C'est alors que, surgissant du brouillard qui noie le jardin de droite, une demoiselle s'engage sur le pont. (p.261)
Pour se procurer les ingrédients idoines, le chef du Bureau se rend au magasin : "Les vigiles leur avaient expliqué succinctement selon quels critères les matières avaient été rangées : classées d'abord par familles (résines et gommes, racines et rhizomes, graines et fruits), elles se subdivisaient ensuite en variétés (douces, acides, chaudes, salines et amères), lesquelles se répartissaient en nuances selon qu'elles étaient boisées, animales, sensuelles, épicées, balsamiques, terreuses, résineuses, capiteuses, poivrées, camphrées, herbacées, etc." (p.285)
C'est grâce au concours bien malgré elle de Miyuki et son odeur entêtante que le Chef du Bureau remporte le concours. En dépit de ce succès et de son parcours, Miyuki ne cède pas aux promesses de richesse ou d'honneur et conserve sa simplicité :
"Elle se demanda ce que Nagusa entendait par "être", et toute sa méfiance de femme, de paysanne et de pauvresse lui revint. Etre, n'était-ce pas la chose la plus naturelle qui soit, que partageaient toutes les créatures vivantes, et, d'une certaine façon, les matières inertes aussi ? Alors, depuis quand cela valait-il deux cents rouleaux de taffetas de soie?" (p.316)
Après ce livre, je ne regarderai plus aucune carpe comme avant. J'y chercherai le reflet doré qui contentait Katsuro, et j'aurai une pensée pour la scène finale du livre, majestueuse.
Le talent de Didier Decoin est tel... qu'il n'a même pas eu besoin de fouler le sol japonais pour conter cette belle histoire. Que de recherches studieuses il a dû mener. Un travail d'orfèvre pour un petit bijou de lecture.

Une coïncidence : peu de temps auparavant, j'ai lu "Le jardin de la dame Murakami" de Mario Bellatin, qui met en scène une Dame, un bassin aux carpes dorées, dans une île de l'archipel nippon... mais sans cette belle histoire d'amour qui s'inscrit en filigrane du roman de Didier Decoin.

dimanche 8 janvier 2017

Fanny Britt : "Les maisons" (Québec)


***** Ed. Le Cheval d'Août, 2015, 226 p.

Le roman "Les maisons" de Fanny Britt concourait en 2016 parmi les trois finalistes du prix littéraire France-Québec, aux côtés du "Nid de pierres" de Tristan Malavoy et de "La femme qui fuit" d'Anaïs Barbeau-Lavalette. C'est ce dernier roman qui a remporté le prix... et je ne l'ai pas lu car F. qui l'avait commencé m'avait dit : c'est très mal écrit, laisse tomber... Comme quoi, d'autres ont dû le trouver bien écrit et intéressant !
Pour ma part, j'ai voté pour "Les maisons" de Fanny Britt !

Drôle de titre. De fait, Tessa est agent immobilier. Voilà. Mère de trois enfants, on la suit dans son quotidien, comme accompagner le gamin à l'expo des sciences de l'école pour laquelle il a construit une maquette en bâtons d'esquimaux.
Un jour, some day, Tessa doit s'occuper de la vente de la maison d'un couple qui se sépare. elle sympathise avec la femme, puis découvre que le mari est son ancien amour de jeunesse. La vie devient alors une bataille des souvenirs, un grand questionnement sur le quotidien, le bonheur, le couple, l'avenir... Tessa se sent vieille et en même temps rajeunir. Entre deux chaises, elle fixe RV à Francis, ils vont errer dans le froid jusque devant la maison de Leonard Cohen...
Et puis après ? A vous de lire ce joli roman !

--> Résultats du Prix littéraire France-Québec 2015 : ici
-->  et ma rubrique "Québec"... 

dimanche 1 janvier 2017

Robert Galbraith : "Career of Evil", et un peu de Blue Öyster Cult

"Career of Evil" ***** (Sphere, 2015, 582 p.) - En français : "La carrière du mal" (2016) - Réf. géogr : R-U

Palpitant roman ! 💗💙💚💛💜

J'étais bien triste de tourner la dernière page et de quitter notre duo d'enquêteurs, Cormoran et Robin, tant le roman m'avait captivée sans temps morts durant ces quelques jours.
L'histoire est encore meilleure que celle des deux premiers opus ("The Cuckoo s' Calling" et "The Silkworm").

Robin, l'assistante de Cormoran Strike, reçoit un colis anonyme contenant la jambe coupée d'une femme. Quatre hommes seraient susceptibles de commettre une telle horreur selon Cormoran.
L'enquête va nous mener tambour battant à la poursuite de trois de ces tarés : deux anciens soldats (Donald Laing, Noel Brockbanck) et l'ex-beau père de Cormoran, Jeff Whittaker. Un suspense intense.... Tandis qu'en parallèle notre jeune Robin n'en finit pas de préparer son mariage avec le pédant Matthew...
La fin... surprend ! J'ai dû relire la dernière phrase pour être sûre d'avoir bien compris !!! Sacrée J.K. Rowling (qui se dissimule derrière le pseudonyme de Robert Galbraith) : Vivement le prochain livre.... (elle a annoncé une série de 7 romans).

Le médiator '"pick" du bassiste Joe Bouchard (Paris, 1986)


J'ai aussi d'emblée su que le livre me plairait car chaque tête de chapitre, et l'histoire, font référence à des paroles de morceaux de Blue Öyster Cult.

Le morceau titre "Career of Evil" a été écrit par Patti Smith, qui côtoya le groupe plusieurs années au moment de son histoire d'amour avec le keyboardiste Allen Lanier.










Cette lecture m'a donné l'occasion de réécouter BÖC... que j'avais vu en concert lors de leur tournée Club Ninja Tour le 27 janvier 1986 à Paris (La Mutualité)... Réussi à avoir le médiator 🎸de Joe Bouchard.

- Astronomy
- Don't Fear the Reaper
- Burning for You
- Then came the last days of May
- Joan Crawford
- Fire Of Unknown Origin
- Cities on Flame With Rock'n'Roll
- Flaming Telepaths
- Veteran of the Psychic Wars
- Heavy Metal : The Black and Silver
- Before the Kiss, A Redcap
- Hot Rails To Hell
- Dominance and Submission
- The Revenge Of Vera Gemini
- Godzilla
- Career of Evil

--> Voir  ma chronique "musique" et la "page de mes concerts"

Darragh McKeon : "Tout ce qui est solide se dissout dans l'air" (Irlande/Ukraine)

***** "All That Is Solid Melts Into Air", traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, Ed. Belfond, 432 p.
Réf géogr : ex-URSS (lieu) / Irlande (auteur) 💗💙💚💛💜

Je mets 5 étoiles à ce roman car à la fois l'histoire, le style, les personnages, le message en filigrane... le méritent amplement.

Tout cela, ce s'est passé il n'y a pas si longtemps (pour ma génération) : URSS, 26 avril 1986, et pas si loin de nous (mais heureusement que les frontières faisaient miraculeusement barrage aux nuages radioactifs 😩). 
L'accident de Tchernobyl (située à 2500 km de chez nous) n'a été annoncé en France qu'à partir du 28 avril 1986 : on nous a bien recommandé de ne pas manger de salade. Et en Autriche, il était recommandé de ne surtout pas s'allonger dans l'herbe.

J'ai trouvé incroyable que le romancier soit... un Irlandais... écrivant là son premier roman : Darragh McKeon.

Tchernobyl vu sous l'angle méconnu des "liquidateurs", ces premiers hommes à porter secours, à colmater, à intervenir ici et là : des hommes sacrifiés, sans combinaison, oeuvrant parfois à mains nues. Sans conscience du danger extrême à l'exception de quelques-uns, comme Grigori le chirurgien, conscient mais totalement impuissant face au mur de silence des autorités.

"Dans un minuscule appartement de Moscou, un petit prodige de neuf ans joue silencieusement du piano pour ne pas déranger les voisins. Dans une usine de banlieue, sa tante travaille à la chaîne sur des pièces de voiture, et tente de faire oublier son passé de dissidente. Dans un hôpital non loin de là, un chirurgien s'étourdit dans le travail pour ne pas penser à son mariage brisé. Dans la campagne biélorusse, un jeune garçon observe les premières de l'aube, une aube rouge, belle, étrange, inquiétante. Nous sommes le 26 avril 1986. Dans la centrale de Tchernobyl, quelque chose vient de se passer. La vie de ces quatre personnages va changer. Le monde ne sera plus jamais le même..."
"Le garçon s'éveille, regarde la grande aiguille, suit son lent parcours circulaire jusqu'à ce qu'elle marque 5 heures, ce qui l'autorise à repousser ses couvertures et à sortir dans la lumière qui précède l'aube. Elle est différente aujourd'hui. Mélange de mauves et de jaunes, de tons d'un riche rubis qui au moment où il s'éveillait l'ont amené à se demander s'il n'avait pas dormi trop longtemps: l'aube était déjà là, c'était certain."
"Elles sont si curieuses les couleurs qui filtrent aujourd'hui à travers la vitre, si différentes des autres matins, elles donnent à chaque aspect de la pièce un air précieux, à croire que pendant son sommeil leur maison est devenue riche. Ses chemises usées paraissaient taillées dans du bois exotique. Il cherche le mot adéquat pour décrire cela à sa mère ce soir, au moment du dîner, mais il ne le connait pas encore.. Quand elle le lui apprendra plus tard, il le dessinera sur ses lèvres, se le répétera en silence, "lumineux", la forme des syllabes faisait ressembler sa bouche à celle d'un poisson." (p.64)
"Il ouvre les paupières et le ciel emplit ses rétines, un ciel d'un rouge profond. On croirait que la croûte terrestre s'est retournée, que la lave incandescente est en suspens au-dessus de la terre."  (p.65)
"Mais bientôt la forêt est devenue rouge, les feuilles rutilaient. Youri se souvenait que le père d’Artiom en avait ramassé une en déclarant : « Mère Nature saigne »."
"Au bout de trois jours, ils portaient en permanence des habits radioactifs. Après les deux premières semaines, les officiels ont décidé de ne pas remplacer les liquidateurs pour ne pas en sacrifier d'autres. Au cours des réunions d'organisation du travail de la journée, chaque matin, ils calculaient combien de vies ils avaient besoin pour telle tâche spécifique. Deux vies pour ceci, quatre pour cela. C'était comme un cabinet de guerre, quand les hommes se prennent pour Dieu. Le pire, c'est que cela n'a servi à rien.les premiers liquidateurs ont dû malgré tout être remplacés, car à la fin ils étaient trop malades pour continuer le travail." (p.361)
"Parfois, Maria relève la tête et une journée s’est écoulée, parfois, c’est un mois. Presque tous les soirs, Alina, sa sœur, lui demande comment ça s’est passé, aujourd'hui, et elle répond : « Rien de spécial. » Et ils s’additionnent, ces jours sans rien de spécial. Quand on se retourne sur eux, même deux semaines plus tard, on n’y découvre pas le moindre signe distinct."
Sur la catastrophe de Tchernobyl : le beau film "La terre outragée". Il y est aussi question d'un petit garçon de 9 ans, Valery, qui pour célébrer son anniversaire, le 26 avril 1986, plantait avec son père un petit pommier au bord de la rivière près de la centrale. Le père de Valery ? un ingénieur de la centrale...
Par ailleurs, il faut lire l'excellent roman d'Antoine Volodine "Terminus radieux" (mon roman préféré de l'année 2015...), où ce sont quasiment toutes les centrales nucléaires qui les unes après les autres explosent et irradient toutes les régions d'URSS.

--> mes lectures "Europe de l'Est Russie Ukraine"...

samedi 10 septembre 2016

Emily St John Mandel : "Station Eleven" (Canada)

***** 2014 (Ed. française Rivages, traduit de G. de Chergé, 480 p.) 💙💛💜💚
Ovni...  (Ce n'est pas pour ça que j'ai entouré ma photo d'avions...).
De cette jeune auteure canadienne anglophone, j'avais lu "Last Night in Montreal" (2009) : bien écrit, un peu compliqué mais tout de même intéressant sauf la fin qui m'avait laissée sur ma faim.

J'ai voulu découvrir son dernier livre, et là coup de coeur ! J'ai trouvé qu'elle avait tant mûri entre ces deux romans, que je ne reconnaissais pas son style et n'aurais pas su lui attribuer ce titre en cas de devinette.

"Station Eleven" est un roman passionnant d'anticipation... alors que je déteste l'anticipation ou la SF. L'histoire est tout simplement si rondement menée qu'on s'y prend, c'est écrit de main de maître...

En condensé : tout tourne autour d'un célèbre acteur de cinéma reconverti dans le théâtre de Shakespeare. Ce soir-là, il est le Roi Lear, sur une scène de Toronto. Et il meurt sur scène. For real. 
Autour de lui, les autres comédiens, le staff, le public, les journalistes, la ville... On les côtoie de près, on se demande pourquoi, qui va jouer quel rôle dans la suite de l'opus... Et voilà que l'auteure assène au lecteur un premier "indice" : nombre de ces gens ne seront plus vivants d'ici quelques semaines...

S'ensuit une course folle contre ce que l'on comprend être une épidémie foudroyante, laissant peu à peu comprendre que l'on s'approche de la fin du monde. 
Plus rien.... Plus d'électricité, de transports, d'hôpitaux, d'Internet, de téléphone, de chauffage, de vivres, de... sociabilité. le silence absolu, la peur, l'ignorance, l'oubli du monde d'avant.

Et puis, de ci-de là, quelques survivants. Mais comme dans les scénarios de SF, les uns doivent prendre emprise sur les autres pour dominer. Aussi, dans un monde quasi-englouti ou disparu, la lutte pour la survie continue et Emily St John Mandel nous fait suivre un petit groupe de ces survivants : une troupe de théâtre baptisée "La Symphonie itinérante" ! Surréaliste (le cas de le dire).
In a lost world, une petite troupe de succédanés des la vie d'avant, réunis plus par les circonstances tragiques que par la passion des arts, s'en va de ville en ville présenter des pièces de Shakespeare ou des jouer des morceaux de Beethoven. Surréaliste (je me répète) mais tellement prenant. L'art comme lumière au bout du tunnel.
Magicienne Emily St. John Mandel.

Elle met en poésie la perte de tout chez les quelques survivants, de tous leurs repères, leurs habitudes, leur confort, la vie sociale, la sécurité, l'avenir... (le papi qui s'évertue à refaire marcher un ordi, ou le souvenir si prégnant du temps où des lumières existaient, où l'électricité fonctionnait, où les avions volaient ou les voitures roulaient... et surtout où les télécommunications existaient !!!, comment faire un musée avec une carte visa, un passeport, un téléphone etc.). L'auteur décrit si bien les souvenirs de ceux qui ont connu Internet et les téléphones portables, et sont quasi revenus à l'âge de pierre pour se faire entendre d'une distance à l'autre.

Nous lecteur, suivons cette troupe de survivants, en nous intéressant aux destins individuels de quelques-uns qui finiront par se croiser. Nous cheminons lentement, avec moult précautions car mécréants ou gourous sévissent encore hélas dans ce monde de fin du monde, aux côtés de ces pauvres troubadours jusqu'à leur saint Graal, un aéroport lambda de l'Ontario. 
Haletant. je recommande ! Merci aux Editions Rivages et à Masse Critique pour cette perle. Et les droits pour une adaptation ciné ont déjà été achetés : j'espère que ce sera à la hauteur du roman.

NB : En son temps, le roman "Ravage" de René Barjavel (1943) contait la survie d'une population confrontée à la fin de l'électricité, des moyens de transports... Livre culte.

--> Mes autres lectures d'Amérique du Nord...

jeudi 25 août 2016

P. Constant : "Des chauves-souris, des singes et des hommes" (Congo)

***** 2016 (Ed. Gallimard, 166 p.) 💗💙💚💛💜

"Olympe pleurait. Les garçons ne voulaient pas d'elle." (Incipit)

Ce roman de Paule Constant est l'une de mes plus belles découvertes de cette année. 
J'ai souvent pensé en le lisant au roman "Notre-Dame du Nil" de Scholastique Mukasonga (Rwanda), dont les thèmes sont absolument distincts, mais qui tous deux m'ont marquée par leur approche particulière du sujet et le style d'écriture.

Initialement, j'avais été attirée par le titre peu banal du livre de Paule Constant : "Des chauves-souris, des singes et des hommes"... Puis j'ai appris que le thème du roman était la propagation du virus Ebola, raconté sous forme de fable. Je me suis bien demandé à quoi tout cela pouvait ressembler. 

J'ai été conquise par ce livre qui aborde énormément de sujets de fond en filigrane : l'histoire bien sûr, le passé colonial évoqué ici et là, les ressources naturelles qui s'appauvrissent, la culture de l'hévéa et les saigneurs de caoutchouc, la présence chinoise (évoquée par la seule mention d'un paiement en yuan...), la mondialisation, les pratiques de l'industrie pharmaceutique, les médecins humanitaires...
Tout cela en contrepoint de la vie dans un village congolais sis près de la rivière Ebola. Quelques cases, quelques familles, une bande de garçons qui jouent les gros bras et se moquent d'Olympe la gamine. La visite du vendeur de pacotilles. Les pirogues qui vont et viennent pour transporter voyageurs, paquets... ou cadavres vers leur dernière destination. Les croyances et coutumes. Le White Spirit à tout faire. La suprématie de la gente masculine dans les fratries. Le dispensaire et ses religieuses belges, dévouées et pragmatiques.

En fait, le roman est structuré autour de deux histoires qui convergent à la fin. 

  1. Nous suivons donc la vie du village, les gamins qui font les fiers et disent avoir tué le gorille "dos argenté" qu'ils rapportent au village : de la viande de brousse, quelle aubaine royale ! Ce sera un vrai banquet, quasi orgiaque. La petite Olympe pour sa part se console de sa solitude en ramassant une petite chauve souris, qu'elle ne quitte plus. A chacun son trophée : le gorille pour les gars et la chauve-souris pour la gamine.
    "Olympe se résigna, les garçons étaient les plus forts. Ils l'avaient complètement éclipsée, elle et la chauve-souris qu'elle tenait dans la main comme un éventail dont elle ouvrait et fermait les ailes mécaniquement, une marionnette qu'elle agitait entre ses doigts, qu'elle déployait, qu'elle pliait, qui se soulevait et s'effondrait. Un animal devenu un jouet déjà un peu usé, un jouet qui allait casser." (p.45)
  2. Parallèlement, Paule Constant met en scène Agrippine, une Belge médecin sans frontière, désabusée par le monde actuel et cette course à tout et rien, qui part en Afrique faire une campagne de vaccination. Elle est stoïque devant les petits aléas, s'inquiétant pourtant de la bonne conservation de ses vaccins coincés à la douane. En attendant, elle partage la vie du petit dispensaire où elle est effarée d'apprendre qu'il n'y a pas de seringues jetables. Partage aussi temporairement la vie de ce dispensaire : Virgile, jeune français normalien parti "méditer" sur les traces de son grand-père jadis médecin des armées. 

Le récit est remarquablement bien écrit : à la fois éthéré et d'une grande puissance évocatrice.
Il y a du suspense, car le roman est construit autour du mystère des premières contaminations par le virus et de sa propagation. Nous ne connaissons pas la date des événements du récit, qui s'achève sur cette phrase : "Les jours suivants, le nom d'Ebola se répandit en lettres rouges dans la presse du monde entier."

Après ma lecture, j'ai consulté le site de l'OMS, selon lequel "le virus Ebola a été nommé ainsi en référence à une rivière passant près de la ville de Yambuku, dans le nord du Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo). C'est à l'hôpital de cette localité que le premier cas de fièvre hémorragique Ebola est identifié, en septembre 1976." Le virus avait alors touché aussi le Soudan. La nouvelle flambée du virus depuis 2014 touche l'Afrique de l'Ouest et en particulier la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia.
C'est en poursuivant mes recherches que j'ai appris que les chauves-souris frugivores sont les hôtes naturels ("réservoirs") du virus Ebola. "Celui-ci s’introduit dans la population humaine après un contact étroit avec du sang, des sécrétions, des organes ou des liquides biologiques d'animaux infectés comme des chimpanzés, des gorilles, des chauves-souris frugivores, des singes, des antilopes des bois ou des porcs-épics retrouvés malades ou morts dans la forêt tropicale. (OMS)" 
Les populations humaines sont notamment infectées en consommant de la viande d'animal lui-même infecté.
J'ai fini par comprendre (ce n'était pas toujours explicite pour les néophytes) que la chauve-souris frugivore, qui est le "réservoir" du virus, contamine les mêmes fruits que mangent les gorilles. Eh non, les chauves-souris ne se mettent pas à chasser et mordre les gorilles... (pas encore du moins, dans un futur dystopique ?).

Le virus Ebola a fait plus de 11 000 victimes humaines et il a aussi particulièrement affecté la population de gorilles d'Afrique de l'Ouest, devenue espèce « en danger critique d'extinction ».

En conclusion : un roman passionnant, très bien écrit, qui nous interpelle sur un problème de santé publique sous un angle insolite mais instructif.

->> Mes lectures "africaines"...

mercredi 24 août 2016

Gisèle Pineau : "Fleur de Barbarie"

***** 2005 (Ed. Mercure de France)
Gisèle Pineau fait partie de mes écrivains incontournables : ceux dont je m'efforce d'essayer de lire tous les livres.
Je l'ai découverte ... parce qu'elle est guadeloupéenne et que la Guadeloupe est la terre de coeur de mes parents, et je suis tombée en amour de son écriture et de ses histoires.

Le roman "Fleur de Barbarie" surprend par son titre antinomique. Il raconte l'histoire de Josette, une fillette placée par sa mère dans une famille de la Sarthe à 4 ans, jusqu'à ses 9 ans où sa mère décide brutalement de la renvoyer au "pays", à Maire-Galante, chez grand-mère Théodora.
Ses plus beaux souvenirs d'enfance, Josette les tire de la vie à la ferme, en métropole, auprès de Tata Michelle ("la plus grande fan de Joséphine Baker", qui décide de surnommer Josette "Joséphine"), de Pépé Marcel et de Mémé Georgette.

"Je me souviens, Mémé Georgette a ouvert de grands yeux et elle est presque tombée à la renverse quand tu as retiré ta cagoule rouge et tes gants verts. Ça, pour être noire, t’es noire, ma Joséphine… Je te vexe pas, hein !… Je crois bien que c’était la première fois qu’elle voyait une Noire en vrai sous son toit, en chair et en os."
"Quand t’es sortie du bain, l’eau était si noire que Mémé a poussé un cri de stupeur, elle a pensé que c’était comme ça chez vous. Elle croyait que tu dégorgeais ton jus. Tu disais pas un mot tandis que je t’étrillais du mieux que je pouvais." "[Mémé] s’est habituée à toi et vous êtes de bonnes commères maintenant, pas vrai. Elle a aussi compris que c’était pas chrétien de t’appeler Bamboula ou la Noiraude et elle a plus recommencé, sauf une ou deux fois, ça lui a échappé…"
"Tata Michelle connaissait par cœur les chansons de la Baker. Et que j’avais bien été forcée de les apprendre pour les chanter avec elle. Et qu’elle m’avait déguisée en Joséphine Baker pour la fête du Mardi gras. J’étais vêtue d’un tricot blanc, d’un collant rose et d’une ceinture de bananes. Et elle avait cousu mon costume toute seule, juste en regardant la pochette d’un disque de Joséphine. Elle avait plaqué mes cheveux sur ma tête et sur mon front avec du blanc d’œuf, pour que je ressemble encore plus à la vraie."
Propulsée en Guadeloupe, coupée de ses liens avec sa famille d'adoption, Josette est d'abord une déracinée. Dans la maisonnette de la grand-mère, elle n'a pas de repères, il y a des non-dits, des mystères. La grand-mère va faire le ménage dans la demeure cossue d'une écrivaine célèbre, Margaret Solin, et ça aussi c'est tout un mystère. Mme Solin s'occupe d'enfants à distance, à Saint-Louis du Sénégal, tout comme Joséphine Baker s'occupait d'une grande bande d'orphelins. La suite du roman est la quête de Josette pour connaître le mystère de sa famille, et se construire une vie d'écrivaine, elle aussi, en s'efforçant de concilier ses racines antillaises et ses "régions" d'adoption, la Sarthe et Paris.

Un beau roman de Gisèle Pineau, comme tous ses autres livres 💗💙💚💛💜:

  • "La grande drive des esprits", 1993 
  • "L'espérance-macadam", 1995
  • "L'exil selon Julia", 1996
  • "L'âme prêtée aux oiseaux", 1998
  • "Chair piment", 2002
  • "Morne Câpresse", 2008
  • "Un papillon dans la cité" 1992
Je n'ai pas encore eu l'occasion de lire "Mes quatre femmes", 2007 ni "Folie, aller simple : Journée ordinaire d'une infirmière" 2010 (Elle a été infirmière psychiatrique), ni les plus récents depuis 2010.

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Eric-Emmanuel Schmitt : "La nuit de feu"

***** 2015, Éd. Albin Michel, 183 p. 💗💙💚💛💜

Éric-Emmanuel Schmitt a attendu près de 25 ans pour écrire ce récit de voyage très particulier. En 1989, à 28 ans, jeune professeur de philosophie, il se joint à un groupe de Français pour partir en randonnée dans le désert du Hoggar, sur les traces du père Charles de Foucauld. Cette expédition au sein d’un groupe hétérogène l’inquiète dans un premier temps, on sent qu’il manque clairement d’esprit aventurier. 
Mes chameaux à moi : au marché aux chameaux de DawarEgypte (2010)

"(…) - même de trop loin, les dromadaires ont la gueule d’une photo prise de trop près. Ici, chez eux en Afrique, les dromadaires me procuraient une impression différente. Calmes, libres, nantis d’une élégance nonchalante, ils arpentaient le pâturage d’une démarche élastique. Tandis que certains reposaient à l’ombre des acacias, d’autres cueillaient le chardon, écrêtaient les buissons, tendaient le museau jusqu'aux branchages. Précautionneusement, ils se contentaient d’une fleur par-ci, d’une feuille par-là, respectant les végétaux pour que leur vie se perpétue. Silencieux, quasi-immobiles, ils devenaient de grandes plantes parmi les arbustes, empreints d’une sérénité végétative, leurs longs cils évoquant des pistils et des étamines qui voileraient un regard débonnaire." (p.32)

"Chaque pas prodiguait une victoire. Chaque effort annonçait une défaite. Abayghur, lui, progressait sans souffrir. Ses trois dromadaires aussi. 
À eux quatre, placides, plus lents qu'ils ne l'auraient été sans nous, ils nous démontraient à quel point nous restions étrangers, étrangers au désert, étrangers au climat, étrangers au sauvage dénuement. 
Je soupçonnais même les dromadaires de hausser les épaules en se gaussant de nous."






Toutefois, grâce à la gentillesse d’Abayghur, le guide touareg, il va découvrir le désert, le silence, la beauté de cette nature particulière, l’amitié… 
"Nous montâmes jusqu'à un promontoire.Devant nous s’étendaient des centaines de kilomètres, les uns plats, les autres occupés par des reliefs. La nature jouait une symphonie sur ses grandes orgues : pour accompagner le majestueux panorama, elle multipliait les irisations, colorait le ciel de teintes rares, depuis l’orange piqué de bleu jusqu'au violet épais, en passant par le turquoise et le parme." (p.163)
Un soir, il s’égare dans la montagne et se trouve séparé du groupe. Transi de froid, sans vivres et sac de secours, il s’ensevelit dans le sable pour passer la nuit. Ce sera sa « nuit de feu » au cours de laquelle il vit une « extase mystique » et découvre « Dieu ».
"Cette hygiène spirituelle, j’en éprouvais désormais le besoin. Et, pour la première fois, gêné, timide, je me suis mis à prier."(p.163)
"Mon pays… En avais-je un ? Je savais maintenant que je venais de nulle part et que je n’allais nulle part. Je vagabondais. Je visai le soleil au zénith. Mon pays ? Le désert est mon pays car c’est un pays d’apatrides. C’est le pays des vrais hommes qui se défont des liens. C’est le pays de Dieu." (p.169)
"La perspective de quitter le Hoggar me fragilisait. A mesure que le temps passait, que le mont Tahat s’éloignait, je portais un regard critique sur ma nuit étoilée… Ne m’étais-je pas emballé trop vite ? N’avais-je pas interprété de façon mystico-religieuse des phénomènes purement somatiques ? La soif, la faim, l’épuisement avaient affecté mon corps et m’avaient conduit au délire. Et ce bien-être absolu dont je gardais le souvenir, ne le devais-je pas à mon hypothalamus qui avait secrété des endorphines ? Cette « foi » que je croyais apercevoir en moi, n’était-ce pas l’habillage spirituel de la confiance que mon système nerveux avait chimiquement générée pour me permettre de dominer ma terreur et ma fatigue ?" (pp. 173-174)
 "Au retour du Hoggar, l’écrivain larvaire qui sommeillait en moi depuis l’enfance s’est assis à une table pour devenir le scribe des histoires qui le traversent. Je suis né deux fois : une fois à Lyon en 1960, une fois au Sahara en 1989. " (p.178)"Face au questionnement sur l’existence de Dieu, se présentent trois types d’individus honnêtes, le croyant qui dit : « Je ne sais pas mais je crois que oui », l’athée qui dit : « Je ne sais pas mais je crois que non », l’indifférent qui dit : « Je ne sais pas mais je m’en moque »." (p.181) 
J’ai aimé le livre non pas pour sa partie « quête initiatique » ou pour le récit de sa rencontre mystique, car j’ai la corde moins sensible sur les récits de conversion mystique. J'ai aimé le roman d’Éric-Emmanuel Schmitt pour le cheminement dans le désert, remarquablement décrit, poétique, envoûtant. 

J’ai eu l’impression de marcher à ses côtés dans cette randonnée, et cela m’a rappelé les souvenirs précieux de ma randonnée dans le désert du Sinaï il y a moult années. Pas d’expérience mystique pour moi à l’époque mais un sentiment de plénitude et de sérénité incroyables au réveil, à l’aube, en même temps que le point du jour, avec toute cette immensité sableuse alentour, et le silence, et la beauté incommensurable. Je n’ai jamais revécu pareille sensation. 
Avec sa « Nuit de feu », Éric-Emmanuel Schmitt a écrit un récit de voyage captivant. Comme en son temps Pierre Loti et son « Désert », un de mes livres de chevet préférés...

NB : Pour les puristes... : J'évoque le marché aux chameaux de Dawar en Egypte en légende de ma photo : ce sont bien des camelidés dromadaires ! Il n'y a que des camelius dromedarius (1 bosse) en Afrique, au Proche-Orient et en Arabie. Le camelius bactrianus (2 bosses) se trouve en Asie Centrale et Chine.

samedi 30 juillet 2016

Olivier Bourdeaut : "En attendant Bojangles"

***** 2015 (Ed. Finitude, 160 p.) 💗💙💚💛💜

Incipit : "Mon père m'avait dit qu'avant ma naissance, son métier c'était de chasser les mouches avec un harpon."

Une famille extravagante et surannée : le père, qui a amassé suffisamment d'agent avec des garages, est à présent dilettante, la mère, gracieuse, étonnante, délicatement snobissime, et fantasque, n'appréhende pas le quotidien de la vraie vie, champagne ou cocktails dès le matin, caviar, dîners, jolies toilettes... vacances sur la côte ou dans le château en Espagne sur un coup de tête... 
Le fils, un gamin, doucement balancé dans cette vie irréelle et faite de rêves, ne va plus à l'école, trop déconnecté de ce monde concret et fait de règles. 
Le quatrième membre de la famille, c'est une grue de Numidie, dénommée Mademoiselle Superfétatoire. Elégante, port de reine, elle déambule dans l'appartement parisien à sa guise.

Et tout le monde danse sur "Mr Bojangles" de Nina Simone, que j'ai réécouté grâce à Olivier Bourdeaut : encore un moment de grâce que l'auteur offre à ses lecteurs.

On s'attache à chaque personnage dans ce beau roman. L'histoire est inédite et nous embarque dans sa folie douce. Des montagnes de courrier que personne n'ouvre jamais au vieil arbre qui finit par faire trop d'ombre...
"Je vous prie de bien vouloir ne pas m’excuser, j’en avais terriblement envie ! Cet homme est mon grand-père, l’amant de Joséphine Baker, un cavalier prussien et mon futur mari, il est tout ça à la fois, et moi je le crois !Le temps d’un cocktail, d’une danse, une femme folle et chapeautée d’ailes, m’avait rendu fou d’elle en m’invitant à partager sa démence."
Dans "Le magazine littéraire", Olivier Bourdeaut explique que contrairement à son premier opus, il a écrit ce roman sous le soleil, ce qui en a fait un livre lumineux et joyeux "comme si le climat avait influé sur mon écriture. A deux heures d'avion de là, j'ai eu un choc : il faisait beau, la nature était était autour de moi. Je riais souvent tout seul, je sifflotais sous la douche."

En première page, une citation de Charles Bukowski : "Certains ne deviennent jamais fous... Leur vie doit être bien ennuyeuse."

"Mr. Bojangles, Mr. Bojangles
Mr. Bojangles, dance!
He danced for those
At minstrel shows and county fairs
Throughout the south
He spoke with tears of 15 years
How his dog and him traveled about
His dog up and died, he up and died
After 20 years he still grieves"

--> mes autres lectures "coups de coeur"...

vendredi 29 juillet 2016

M. & J. Tamaki : "Cet été-là" (BD)


***** "This One Summer", scénario de Mariko Tamaki et dessin de Jillian Tamaki (sa cousine), 2014 (Ed. française Rue de Sèvres) 💗💙💚💛💜

Un joli roman graphique sur l'été de deux adolescentes, Rose (13 ans) et Windy (11 ans), qui chaque année se retrouvent à Awago Beach au Canada avec leurs familles respectives.

L'ambiance est sombre dans la famille de Rose, et cela pèse sur la jeune fille. Sa mère s'emmure dans le silence et l'isolement, son père essaie de recoller un peu les morceaux. Mais ce n'est plus comme avant, quand père et fille s'amusaient à ramasser les petits galets, aussi simplement que cela.
Windy pour sa part est encore gamine, pataude, se goinfrant H24, dansant sur le canapé...

Pour s'occuper, les deux filles traînent à l'épicier du coin, pour acheter des bonbons et louer en douce des films d'horreur (Vendredi 13, Les dents de la mer, Massacre à la tronçonneuse...) qu'elles regardent terrorisées le soir en cachette. Elles observent aussi le quotidien des adolescents plus âgés, la drague, les drames... encore trop jeunes pour tout saisir mais déjà curieuses de comprendre les "grands".

Un très bel ouvrage, beaucoup de poésie et d'expressions dans les dessins et les textes. On quitte avec nostalgie cet été-là au moment où se referme la porte du chalet jusqu'à l'an prochain.

--> Mes lectures "BD"

samedi 16 juillet 2016

Pénélope Bagieu : "California Dreamin'" (Mama Cass Elliot)

***** Ed; Gallimard, 2015
"All the leaves are brown and the sky is gray
I've been for a walk on a winter's day
I'd be safe and warm if I was in L.A.
California dreamin' on such a winter's day
I stopped into a church I passed along the way
Well I got down on my knees and I pretended to pray
You know the preacher liked the cold, he knows I'm gonna stay
California dreamin' on such a winter's day
I'd be safe and warm..."
Chapeau bas ! Quelle claque que ce "California Dreamin'" : belle histoire mais surtout somptueuse héroïne, Ellen Cohen, fille d'épiciers/traiteurs juifs de Baltimore, née en 1941, qui deviendra Cass Elliott, des Mamas & Papas.

Le roman graphique de Pénélope Bagieu est exceptionnel, nous plongeant dans l'intimité de la petite Ellen, puis de l'ado, férue d'opéra comme son père, d'abord couvée en tant qu'enfant unique puis à la naissance de sa soeur, se sentant éclipsée et compensant par la nourriture. Ellen grossit à vue d'oeil et devient plus que plantureuse. Elle décide de s'affirmer comme elle est, s'habille excentriquement, chante, écrit, joue du théâtre... tombe amoureuse mais lui pas sur la même longueur d'onde. 

Toujours elle va de l'avant, à New York fait partie du groupe The Mamas and Papas, reléguée à l'arrière plan mais parvenant toujours à se faire une petite place un peu plus devant.
Et s'éclatant sur les choeurs du tube California Dreamin', qu'elle finira mine de rien par arranger à sa sauce tout en servant les boissons d'un bar sur la plage et chantant en même temps.

Un destin hors normes pour une femme de tête, spontanée, enthousiaste, pétulante, expansive...

"En 1974, elle meurt d'une crise cardiaque à Mayfair à Londres, après deux semaines de représentations à guichets fermés au Palladium. Quatre ans plus tard, le batteur de The Who, Keith Moon, meurt dans la chambre où Cass Elliot avait succombé, lui aussi à l'âge de 32 ans."

--> voir mes chroniques "BD" et "musique"

vendredi 27 mai 2016

Sylvie Brien : "Spirit Lake"

***** 2008 - Réf. géogr : Canada / Québec (Ed. Gallimard/Scripto, 237 p.)

Une très belle découverte. A l'origine, "Spirit Lake" est un roman publié en littérature jeunesse, mais il est capital d'élargir son public aux adultes également. On découvre grâce à ce roman une page peu connue de l'histoire du Canada : l'ouverture entre 1914 et 1920 de 24 camps de détention dont 4 au Québec, pour y interner des immigrants de "nationalité ennemie" (dont une majorité d'origine ukrainienne).
Comme Sylvie Brien l'explique en post-scriptum, dans le camp de Spirit Lake, le seul considéré comme un camp de concentration, les prisonniers défrichèrent et essouchèrent 500 acres de terre pour implanter une ferme expérimentale.

Le roman narre les espoirs anéantis de Peter (14 ans), son grand frère Iwan et leur grand-mère arrivés en bateau depuis l'Autriche-Hongrie, et aussitôt arrêtés en tant qu'ennemis et traîtres. Les deux frères sont embarqués en plein hiver dans un train bondé de prisonniers, tous conduits au camp de Spirit Lake, au milieu de nulle part et par moins 40. L'optimisme du frère aîné et les dictons du jeune leur permettent de s'évader mentalement par petites touches, mais la répression brutale et l'acharnement de certains soldats sont terribles.
La structure du roman est intéressante, les chapitres alternant avec trois mois d'écart, seulement trois mois se dit-on pour un revers du temps aussi dramatique. Cela maintient tout du long un certain suspense, et je dois reconnaître que je ne pouvais lâcher le livre. Un coup de coeur.
"Le lundi qui suivit apporta enfin un redoux. Le soleil d'avril tapait si fort que la meringue croûtée de Spirit Lake fondait à vue d'oeil, happée et bue à grandes lampées par la terre d'argile. Un vent d'est nous apportait de capiteux parfums d'humus et d'excréments, annonciateurs du printemps. (p.163)"
"Soudain, frémissant, je reconnus la courbe, le rocher et ses trois épinettes." (p.236)
--> ma chronique "Québec"...

jeudi 31 mars 2016

G. Enders : "Le charme discret de l'intestin"


Giula Enders (Allemagne) : Le LIVRE qu'il faut lire pour comprendre comment nos boyaux fonctionnent et ressentir de l'empathie pour eux !!!

D'abord, je l'ai lu en français, puis je l'ai acheté en allemand et offert à mon mari. Maintenant je vais le racheter en français et l'offrir tout autour de moi...
Mon grand regret à ce jour : je l'ai lu trop vite ce livre, je l'ai englouti et il m'est difficile d'en retenir toutes les informations et tous les conseils de vie !!! A relire, mais plus attentivement maintenant qu'est passé le phénomène de découverte (comment ça, un livre sur l'intestin qu'on arrive à dévorer debout dans le RER !!!).

Pour faire vite (pas bon ça, Giulia, je sais... mea culpa), j'ai, à peine finie la dernière page, investi dans la meilleure huile d'olive recommandée par nos magazines de consommateurs alertés, et poursuivi ma consommation de yaourts au bifidus. De même la levure de riz rouge...

Alors l'huile d'olive me direz-vous ?
Personnellement, j'ai toujours été un peu atypique à ne JAMAIS assaisonner mes salades. Comme les lapins, je mange ça cru, souvent direct du saladier (si je suis sans témoins, sauf mon chien) ça va plus vite et ça goûte la salade point barre. En cuisine, je crains de devoir avouer que moins j'en fais, mieux ça se présente...
Et là, grâce à Giulia, j'ai acheté la très bonne huile d'olive MONINI CLASICO, pas onéreuse qui plus est, et recommandée par mes magazines consos... (NB : je n'avais jamais entendu parler de cette marque avant).
Résultat, j'en suis dingue !!! Je ne peux plus voir un bout de salade sans l'imaginer émulsionnée avec une cuiller de ma Monini Clasico. Je l'ai fait goûter à mon fils aîné (très fin gourmet) : il la trouve succulente... Sans vouloir la faire "cuculapraline", cette cuiller d'huile d'olive enrichit la saveur de mes plats (voui c'est moi l'ours des cavernes qui dit ça!). Merci Giulia !
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