jeudi 14 mai 2015

Jean-Michel Guenassia : "Trompe-la-mort"

***** (2015, Ed. Albin-Michel, 393 p.)
Réf. géogr : France / Inde / Royaume-Uni / Irak

Le roman "Le club des incorrigibles optimistes", publié en 2009 par Jean-Michel Guenassia fait partie de mon panthéon littéraire.
Sans surprise, voyant son nouvel opus disponible en rayon, je me suis lancée avec un plaisir anticipé. Et je ne suis pas déçue du voyage. Car voyages il y a !!! 

Le début du roman constitue un petit obstacle à sauter : c'est un homme mort qui semble parler de l'au-delà. Euh, mince dans quel bourbier littéraire me suis-je engagée ? Tenir bon quelques pages pour retomber sur ses pieds... L'accent mis sur les bobos et accidents en tous genres de Tom depuis tout petit m'a semblé aussi un peu longuet... Mais bon, cela explique le titre.

Le roman (re)commence ensuite par un flashback à New Delhi où ce fameux Tom, fils d'un expatrié anglais et de sa collaboratrice indienne que celui-ci a eu le courage d'épouser en plein apartheid racial dans les deux pays, désavouant tous couples mixtes, grandit avec bonheur dans les bras de sa nourrice et de sa mère. La nounou lui apprend entre autres le nec plus ultra de l'art de manier le cerf-volant, que les indiens rivalisent à faire voler depuis les toits de la ville.
Mais voilà, aux huit ans de Tom, le père est rapatrié dans une banlieue sinistre de Londres, une de ces exiguës maisons mitoyennes en brique rouge, loin du centre, dans un quartier à forte population immigrée notamment indiens et pakistanais. So long la nounou si attentionnée, la chaleur, la vie nonchalante comme trépidante, le standing des expats', les épices...
"Quand nous avons débarqué à Heathrow, en début d’après-midi, ce fut une immense déception, le ciel était de plomb et il pleuvait. Perché sur la passerelle, j’ai immédiatement détesté ce pays." (p.33)
"Nous sentant en vacances, ma mère et moi sommes partis à la découverte de Londres. Contrairement à ce qu’elle m’avait affirmé, Londres n’avait aucun point commun avec Delhi. C’était moche, ça puait, c’était triste à mourir. Et pourtant il n’y avait aucun détritus par terre, pas de vaches dans les rues, ni de chiens, ni de rickshaws. J’ai détesté cette ville lugubre. "(p.34)
Tom se fait des copains indo-pakistanais. Heureusement le cricket fait ciment ! Première petite amie hélas promise à un mariage arrangé. Accident le privant de son bras habile au cricket. Eloignement de ses copains asiatiques. Maladie de sa mère. Désoeuvré et en mal de repères, Tom allume une bougie comme "au pays", dans toute célébration indienne. La maison s'enflamme. Tom s'en sort par miracle, le reste n'est que fumée. Le père lui est bien sûr indemne puisque dès son retour au bercail il a entamé une double vie dormant la plupart du temps sous prétexte de déplacements chez son amante anglaise.

Cet événement tragique marque la rupture entre le père et le fils. Tom renonce à tout et s'engage dans l'armée britannique. Ouaouh la description des mises à l'épreuve... Et voici Tom propulsé en Irak au coeur des conflits. Sans être une tête brûlée, Tom échappe à divers accidents dont l'explosion de son hélicoptère, où, déclaré mort, l'expertise d'un médecin le quasi-ressuscite ! Voilà, la légende de Tom le "Trompe-la-mort" se répand comme une traînée de poudre dans les médias grâce aux efforts d'une journaliste sans peur ni reproche, Sally.

L'amour s'invite au voyage, vie commune dans le petit nid précieux de Sally, une petite fille que Tom élève avec joie en tant que père au foyer "retraité" (déclaré inapte à 50%) de l'armée. Et un appel désespéré d'un richissime anglais ayant perdu trace de son fiston "récalcitrant" en Inde.
Je ne vais pas raconter tout le livre, tout est passionnant et mérite d'être lu.

Les points forts sont les descriptions de la vie ou de l'expérience en Inde, dans la banlieue anglaise, dans les zones de conflits en Irak, les relations interraciales, et surtout les relations père-fils.
En filigrane du roman, des couplets de la chanson de Dire Straits "Brothers in Arms", dont j'ai regretté que les paroles soient traduites en français.
L'écriture de J.M. Guenassia me plaît toujours ; je le mets dans la même corbeille des auteurs français que j'aime à suivre tels aussi Mathieu Belezi ou Claudie Gallay.
"C'est comme si ma mère me faisait un signe et me pardonnait. J’entends ses paroles, deux ou trois mois avant sa disparition quand elle me disait en regardant tomber la pluie : « Tu sais, mon fils, il ne faut penser qu’au présent, sans cesse. Le reste n’a pas d’intérêt. L’avenir nous est interdit ; pour nous êtres humains, c’est le présent qui existe. (…) " (p.388)
Citation de Montaigne en fin d’ouvrage : "Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche."

--> Coup d'oeil à mes "livres préférés"...

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