mercredi 23 janvier 2019

Delphine de Vigan : "D'après une histoire vraie" & "Jours sans faim"

Mise en oeuvre de mes bonnes résolutions : séance de rattrapage pour blogounet, avec deux lectures... de 2016. Shame...
💚💚💚 "D'après une histoire vraie"
2015, JC Lattès, 484 p.
"Quelques mois après la parution de mon dernier roman, j'ai cessé d'écrire." (Incipit)

Accro. Accro à DdV je suis devenue depuis que j'ai cheminé à ses côtés dans Les Heures souterraines, sur la ligne D du RER.

Ensuite, le choc avec "Rien ne s'oppose à la nuit". Mon roman de l'année cette année-là, avalé, digéré. Toujours là.

Ma rencontre avec "D'après une histoire vraie", ce fut différent, moins emballant, plus gênant, plus distant. J'ai hésité à mettre trois ou quatre étoiles, peut-être trois serait plus juste.
Pourquoi ? Ce n'est pas à cause de l'écriture toujours aussi plaisante, naturelle, réaliste de Delphine de Vigan, mais à cause du sujet, qui m'a dérangée.
Delphine se trouve vidée après le succès colossal de son précédent roman, dans lequel elle a mis à nu sa mère, bipolaire, et déterré de sombres secrets de famille. S'ensuit le vide, pour un écrivain, la page blanche, pour Delphine de Vigan, l'impossibilité même de tenir un stylo ou d'ouvrir Word.
C'est ainsi que débute le nouveau roman, d'après donc une histoire vraie, la sienne.
Notre Delphine vacillante va faire la rencontre, fortuite, d'une jeune femme bien sous tous rapports, pimpante, sympathique, généreuse, serviable, prévenante. Une meilleure amie en devenir !
"J’avais accepté depuis longtemps l’idée que je n’étais pas une de ces femmes impeccables, incontestables, que j’avais rêvé d’être. Chez moi toujours quelque chose dépassait, rebiquait, ou s’effondrait. J’avais des cheveux bizarres à la fois raides et frisés, j’étais incapable de garder du rouge à lèvres plus d’une heure et il arrivait toujours un moment, tard dans la nuit, où je me frottais les yeux, oubliant le rimmel sur mes cils. A moins d’une vigilance extrême, je me cognais dans les meubles, je ratais les marches, les dénivellations, me trompais d’étage pour rentrer chez moi. (…) Il m’avait fallu dix ans pour me tenir droite, et presqu'autant pour porter des talons, après peut-être pourrais-je un jour devenir ce genre de femme". (p.73)
L. n'a de cesse de soutenir l'écrivaine, de l'aider, de l'égayer, de s'occuper de l'intendance... Insidieusement, elle se tape l'incruste ! Elle absorbe Delphine comme une sang-sue et se rend indispensable, la déleste de tout, étend son emprise, devient le double de l'écrivaine... S'empare de sa vie et régente tout, y compris l'intime.
"Quand je l'observais, il me semblait parfois me voir moi, ou plutôt un double de moi-même, réinventé, plus fort, plus puissant, chargé d'électricité positive. Et bientôt il ne resterait de moi qu'une peau morte, desséchée, une enveloppe vide."
Le roman est présenté comme un thriller psychologique. Yes...
Mais la fin m'a décontenancée. Mazette, quelle fin, que de sueurs froides, de trouille, de dégoût...
Pour de vrai ???? euh, la question m'a vraiment taraudée.
Manipulée, moi ?... Je l'ignore toujours.

💚💚💚💚 "Jours sans faim" - 2001
(Ed. Libra diffusio, 141 p.)

Delphine de Vigan avait évoqué son anorexie mentale dans "Rien ne s'oppose à la nuit", et l'on comprend rétroactivement que ce roman écrit 10 ans auparavant s'inspire de son expérience.

C'est un petit livre très court, mais très fort.
"Anorexique. Ça commence comme anorak, mais ça finit en hic. Dix pour cent en meurent à ce qu'il paraît. Par inadvertance peut-être. Sans s'en rendre compte. De solitude, sûrement."
"Elle se sentait de mieux en mieux, plus légère, plus pure aussi. Elle devenait plus forte que la faim, plus forte que le besoin. Plus elle maigrissait, plus elle recherchait cette sensation pour mieux la dominer. A ce prix seulement elle parvenait à une forme de soulagement, d'apaisement. Mais il fallait s'affamer toujours un peu plus pour retrouver ce sentiment de puissance, dans un enchaînement qu'elle savait toxicomaniaque, supprimer par paliers, réduire encore le nombre de calories absorbées. Elle mesurait son indépendance, sa non-dépendance. Maigrir était une conséquence, dans le miroir, la preuve tangible de sa puissance, de sa souffrance aussi. Elle regardait l'aiguille de la balance aspirée vers la gauche, pliant chaque jour un peu plus sous le poids de sa volonté. Elle faisait peur."
"Et puis le froid est entré en elle, inimaginable. Ce froid qui lui disait qu'elle était arrivée au bout et qu'il fallait choisir entre vivre ou mourir."
"Un après-midi entier pour digérer deux oeufs, ça occupe."

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