jeudi 4 juin 2015

Dominique Bona : "Argentina"


Oeuvre de mon Seb (Titanic) du temps de sa passion
pour les paquebots
... Et dire qu'en ce moment il vit en Argentine...

Paquebot + Argentine = "Argentina" de D. Bona !
***** 1984 (Ed. Mercure de France)

Voici une histoire superbement contée par Dominique Bona, fine plume des lettres françaises, auteur du "Manuscrit de Port-Ébène" et de la biographie (entre autres) de "Berthe Morisot".

Le jeune Jean Flamant se voulait poète, la première guerre mondiale a anéanti ses espoirs. Alors pour fuir le carcan familial des métiers à tisser à Roubaix, il s'embarque, 20 ans en 1920, sur un paquebot pour tenter sa chance en Argentine. 
Aussitôt débarqué, l'attendent des jours miséreux dans un hôtel de basse catégorie, il claque son maigre magot auprès de Mandoline dans une maison de passe. Vivote. Et décide de renoncer à ses états d'âme et d'aller voir un des riches passagers du paquebot, Léon Goldberg, qui à la force de ses bras a monté une solide compagnie d'abattage et export de viande.
Ah oui, de la poésie à la barbaque : les rêves de Jean Flamant en prennent un sacré coup. Mais le déclic de l'ambition est là, Jean apprend, assimile, grimpe les échelons, et finit par épouser la fille du riche entrepreneur, Sarah. Il entreprend même de diversifier les activités et acquiert une propriété arboricole et vinicole à Mendoza, son havre de paix.
La crise de 1929 touche durement la communauté industrieuse d'Argentine, mais Jean louvoie et va jusqu'à investir dans les métaux précieux d'Afrique du Sud. Le petit gars de Roubaix est devenu un loup en affaires. 
Homme à femmes il était, homme à femmes il demeure après son mariage et ses deux enfants. 
La tombe d'Eva Peron
au cimetière de La Recoleta
"De Paris où elle assistait à la visite d'Evita Peron, Marta écrivit à Jean. Elle lui décrivait les fêtes et les plaisirs. Des toilettes mauves d'Evita, de ses parures de rubis, des cadeaux qu'elle apportait à la France, Je ne pouvait rien ignorer. Eva Duarte avait reçu la Légion d'honneur. (...) "N'est-elle pas, lui écrivait-elle, notre nouvelle Peau d'âne ou notre Cendrillon ?" (p.331) 
Sa rencontre avec Thadea, superbe métisse "de maya et de viking", va le chambouler comme jamais.
Pourtant Thadéa, botaniste toujours en vadrouille, le prévient : « Ta vie est un challenge, ma vie une promenade, nous ne marchons pas du même pas ». Qu'à cela ne tienne, c'est alors à un Jean Flamant fou amoureux et transformé que le lecteur a désormais affaire. Un homme qui, fou d'amour, décide de faire une croix sur toutes les richesses accumulées, sa vie de famille, ses enfants, tout... pour rejoindre sa redoutable dulcinée jusqu'en Terre de Feu.
"Tierra del Fuego... Un vent humide et glacial, le brouillard, la boue : l'île n'avait jamais été habitée que par quelques peuplades d'Indiens, Onas, Fuégiens, Yaghans, Alacalufs, tous chasseurs de guanacos, exterminés aux trois-quarts par des raids d'estancieros qui leur reprochaient de trop aimer la viande de leurs moutons. "
Glacier Perito Moreno, Patagonie (Seb, 04/2015)
"Le matin, tout un paysage de Terre de Feu se découpait dans leur chambre. Dans les eaux vertes du canal de Beagle, s'élevait le relief violet de l'île Navarina, avec ses cimes enneigées. Des mouettes jouaient avec les vagues, et on entendait, mêlé aux cris des pingouins, souffler le vent d'Ushuaia." (p.270)
El Calafate, Patagonie (Seb, 04/2015)
"Il prit la direction du sud. D'anciens glaciers, en jouant, avaient formé dans toute cette région des Andes de larges lacs, aussi vastes parfois qu'une mer, et frangés des hautes chaînes montagneuses comme des fjords." (p.341)
Dominique Bona a le don dans ce livre de faire voyager le lecteur de par les contrées les plus diverses d'Argentine, Buenos Aires, la pampa, les Andes, la Patagonie, la Terre de Feu... Et pourtant, j'ai lu avec surprise qu'elle ne s'était jamais rendue en Argentine pour écrire ce roman si imprégné de la vie locale. Une prouesse documentaire donc.
Ce roman déroule aussi avec intérêt l'histoire de l'Argentine des années '20 : la haute société d'origine européenne qui détient les cordons de la bourse et de l'économie, comme l'industrie de la viande aux Anglais qui détiennent les grandes estancias. Puis la nationalisation des banques, l'émergence d'une conscience argentine. Le roman de Dominique Bona a été étudié dans le cadre d'une thèse universitaire "Argentina : Stories for a Nation" (chapitre 6 : The Race for National Identity".

--> voir "Lectures d'Amérique latine" et page récapitulative sur la "littérature latino-américaine"

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