Une très belle découverte. A l'origine, "Spirit Lake" est un roman publié en littérature jeunesse, mais il est capital d'élargir son public aux adultes également. On découvre grâce à ce roman une page peu connue de l'histoire du Canada : l'ouverture entre 1914 et 1920 de 24 camps de détention dont 4 au Québec, pour y interner des immigrants de "nationalité ennemie" (dont une majorité d'origine ukrainienne).
Comme Sylvie Brien l'explique en post-scriptum, dans le camp de Spirit Lake, le seul considéré comme un camp de concentration, les prisonniers défrichèrent et essouchèrent 500 acres de terre pour implanter une ferme expérimentale.
Le roman narre les espoirs anéantis de Peter (14 ans), son grand frère Iwan et leur grand-mère arrivés en bateau depuis l'Autriche-Hongrie, et aussitôt arrêtés en tant qu'ennemis et traîtres. Les deux frères sont embarqués en plein hiver dans un train bondé de prisonniers, tous conduits au camp de Spirit Lake, au milieu de nulle part et par moins 40. L'optimisme du frère aîné et les dictons du jeune leur permettent de s'évader mentalement par petites touches, mais la répression brutale et l'acharnement de certains soldats sont terribles.
La structure du roman est intéressante, les chapitres alternant avec trois mois d'écart, seulement trois mois se dit-on pour un revers du temps aussi dramatique. Cela maintient tout du long un certain suspense, et je dois reconnaître que je ne pouvais lâcher le livre. Un coup de coeur.
"Le lundi qui suivit apporta enfin un redoux. Le soleil d'avril tapait si fort que la meringue croûtée de Spirit Lake fondait à vue d'oeil, happée et bue à grandes lampées par la terre d'argile. Un vent d'est nous apportait de capiteux parfums d'humus et d'excréments, annonciateurs du printemps. (p.163)"
"Soudain, frémissant, je reconnus la courbe, le rocher et ses trois épinettes." (p.236)
--> ma chronique "Québec"...