mardi 28 juillet 2015

T. Murat : "Les larmes de l'assassin" (BD - Chili)

***** BD de Thierry Murat, adaptée du roman d'Anne-Laure Bondoux.
Ed. Futuropolis, 2011, 126 p.

Un roman graphique magnifique.
J'ai découvert Thierry Murat avec  son adaptation du "Vieil homme et la mer" : des planches souvent monochromes, un texte rare et sobre.
Il en va de même pour "Les larmes de l'assassin", où l'on passe de l'immensité de l'océan "cubain" à l'immensité des terres patagoniennes :
"Ici, personne n'arrivait par hasard. Car ici, c'était le bout du monde, le sud extrême du Chili où la côte fait de la dentelle dans les eaux froides du Pacifique. Sur cette terre malmenée par le vent, même les pierres semblaient souffrir".
Puerto Natales, 04/2015 (Seb)
Paolo vit là dans une masure avec ses parents, où de temps à autre se risque un voyageur, souvent explorateur. La vie est triste et solitaire, L'enfant, "né de la routine du lit de ses parents", s'occupe seul en chassant les serpents. Un jour, débarque une silhouette massive : Angel Allegria, meurtrier en cavale, qui sitôt arrivé tue les deux parents mais épargne l'enfant.
Alors s'installe une cohabitation forcée, l'enfant et l'assassin vaquent aux petites besognes de survie quotidienne, il s'apprivoisent.
"- C'est quoi le jour de ta naissance, essaye de te souvenir...
- C'est le jour où tu es arrivé ici. Je ne me souviens de rien avant ce jour." 
Gracias por su visita a la Patagonia chilena !
Les 4 éléments
(Puerto Natales)
Jusqu'au jour où survient un autre voyageur, Luis...

Les dessins traduisent superbement l'hostilité du paysage, aride et sauvage, battu par les vents et isolé de tout.


A lire aussi, une autre BD se déroulant cette fois dans la Patagonie argentine : "Chère Patagonie".

--> Chronique "BD"

R. Galbraith : "Le ver à soie"

***** Robert Galbraith : "The Silkworm" - 2014
(Ed. fr. Grasset, Trad. F. Vidal, 571 p.)

"J'espère que c'est au moins pour m'annoncer la mort d'une superstar, Strike", dit la voix rauque au bout du fil."


Mon deuxième opus de J.K. Rowlings, après "L'appel du coucou", et ma foi les choses se mettent en place : la petite agence de détectives de Cormoran Strike, aidé de son assistante Robin, engrange son petit lot d'affaires, essentiellement matrimoniales.
Robin se tourne un peu les pouces, elle aimerait aller sur le terrain... tandis que Cormoran souffre toujours de sa prothèse à la jambe dès qu'il a le malheur de devoir marcher vite ou longtemps ou sur terrain difficile, comme sur les trottoirs enneigés ou glacés de Londres dans le cadre du "Ver à soie".

L'intrigue m'a semblé plus prenante que celle de "L'appel du coucou" (consacrée à l'enquête sur la mort d'un top model). Ici, il est question du monde de l'édition, des éditeurs et des écrivains plus ou moins talentueux et vantards. 
Ainsi, un jour, Cormoran reçoit la visite d'une femme banale et bizarre qui lui demande de retrouver son mari, l'écrivain Owen Quine, disparu depuis 10 jours. Lequel mari a pour coutume de disparaître régulièrement... Les choses se corsent quand Cormoran apprend que Owen Quine s'apprêtait à rendre public son dernier livre "Bombyx Mori" (ver à soie) qui met en scène des personnes connues du milieu de l'édition dans des situations scabreuses et diffamantes.

Eh bien ce roman se lit fort bien et divertit tout aussi bien. What else ? On attend gentiment les prochaines aventures du duo Cormoran & Robin !

--> mes lectures "polars"...

jeudi 16 juillet 2015

De nouveaux insectes enfin identifiés...

Le petit coquin qui se faisait son show sur la table de la terrasse (voir l'article ici) serait bien une larve de punaise gonicerus (box bug nymph), peut-être un gonicerus acuteangulatus...

J’ai en effet répertorié 194 habitants (insectes, araignées et gastéropodes) sur la page dédiée "Les habitants de mon jardin", parmi lesquels nombre d’inconnus que je ne parvenais pas à identifier, ou bien je me lançais dans des tentatives d’identification hasardeuses.
Voici donc une dizaine de ces bestioles enfin pourvues d"une identité grâce à l'experte blogueuse Dame de Pic, et une autre dizaine de nouveaux venus sur la page des habitants du jardin.


46. Amillidium sp. (crustacea)
Je pensais pour ma part à un cloporte...


62. Cercope Aphrophra (alni ?) Hemiptera
Il fabrique une écume pour entourer ses œufs : le crachat de coucou.


76. Guêpe Polistes dominulus
(antennes oranges)
vue le 22/06/2013




94. Lucilia sp. : "Mouche verte des cadavres"
(colorations variant autour du vert émeraude, cuivré ou bleuâtre)


106. Chrysocrambus ( craterella ?)
famille des pyrales
vue le 23/06/2012


121. "Fausse Timandre" Scopula imitaria ? ou peut-être Cyclophora suppunctaria ?
Lépidoptère de la famille des Geometridae




Vue le 28/06/2012
154. punaise Deraeocoris 

(deraecoris olivaceus ?... 
plutôt que deraecoris ruber ?)



172. peut-être larve de Coreus marginatus ???
mais il a de longues et fines antennes qui ne correspondent pas à cette punaise : peut-être plutôt une punaise alydus calcaratus ?


LES PETITS NOUVEAUX...



    .... DU BLOG !
Larve de punaise gonicerus (box bug nymph), 
peut-être un gonicerus acuteangulatus ?
Punaise Heterotoma planicornis
miride

vu le 04/07/2012


Anthaxia nitidula mâle vert métallique
Vu le 03/06/2014






Syrphe des corolles (Eupeodes-corollae)
3 paires de larges lunules jaunes, thorax reflet bronze, face jaune, abdomen noir
Vu le 13/05/2015


Clyte bélier noir jaune cérambycidé
coléoptère
Vu le 13/05/2015
Lepture Rutpela-maculata
longicorne tacheté jaune noir

Vu le 30/06/2013





Grand charançon du pin (?)
vu le 03/06/2013



Taupin (?)
Coléoptère
Vu le 08/06/2013

Chrysomèle vert (cryptocéphale soyeux ?)
Vu le 06/11/2012





Chrysomèle ? 
(corps couleur brique, tête verte)
Vu le 27/10/2012


Larve de casside (?)
vue le 12/04/2015

Tique
Vue le 21/05/2015 (sur mon chien !)
Larve de cétoine dorée
Vue le 23/11/2014














Cétoine dorée
3 individus vus le 23/05/2015 sur ombellifère
Larve de hanneton
Vue le 18/01/2015





Guêpe commune Vespula vulgaris

vue le 30/06/2013








Araignée Napoléon / Synema globosum
famille des araignées crabes (Thomisidae)
Vue le 17/05/2015 sur achillée jaune
Bostrichus capucinus ou Capucin ???
Vu le 03/05/2013 sur une tulipe perroquet
J'ai bien compté 11 segments sur l'antenne...


Papillon de nuit Louvette Korscheltellus lupulinus
Papillon hépialide ou hépiale
Vu le 16/05/2015


45. Chrysope
Ordre des Neuroptères
J'ai changé la photo après avoir photographié un individu plus "net"
Vu le 23/05/2015 sur fleurs de pyracantha buisson ardent




--> Plus en détails : chronique "araignées", "coccinelles" ou le fourre-tout "insectes" !

Jocelyne Saucier : "Les héritiers de la mine" (Canada)

***** Éd. Denoël (2015)

"Quand le vieux hibou aux dents vernissées de nicotine a posé la question, j'ai cru que nous étions partis pour le folklore."

Voilà ma deuxième rencontre (après l'émouvant "Il pleuvait des oiseaux") avec Jocelyne Saucier, écrivaine francophone née au Nouveau-Brunswick en 1948.
"Les héritiers de la mine" est un formidable roman, que je ne pouvais lâcher...

L'histoire d'une famille hors normes, les Cardinal, établie dans la petite ville minière de Norcoville en Abitibi (Québec), avec 21 enfants de tous âges qui s'élèvent un peu tout seuls, les grands veillant sur les plus petits, etc, and so on, and son on. Le père est prospecteur minier et la mère est aux fourneaux quasi toute la journée.

Certaines parties relèvent de la même ambiance que "La guerre des boutons", car la tribu des enfants Cardinal est en guerre perpétuelle avec les autres gamins, "les culs-terreux". C'est savoureux.

Le roman s'attache à peindre la richesse (toute relative) et la décadence de cette petite ville minière, avant et après la fermeture de la mine de zinc. L'avant et l'après. La grande famille rassemblée puis éclatée aux quatre coins de la province ou du monde. Car entre-temps un drame est survenu : la mort d'Angèle, une des jumelles...

Chapitre après chapitre, où intervient à chaque fois un membre différent de la famille, nous est révélé un pan du lourd secret de famille qui a recouvert d'une chape de plomb les rapports au sein de la fratrie et avec les parents.
Émouvante chronique familiale, délicate peinture d'une région sinistrée, grande qualité d'écriture... A lire !!!
"Vingt et un enfants ? (...) Les deux douzaines d'oeufs le matin, les cent livres de patates à la cave, les batailles avant l'école pour retrouver nos bottes, les batailles le soir pour nous faire une place devant la télé, les batailles tout le temps, pour rien, par plaisir, par habitude. Le folklore. (...) L'époque de Geronimo, du Grandjaune, de La Tommy, d'ElToro. Les années soixante. La mine était fermée, Norco s'effritait, les maisons disparaissaient (on les déménageait ou nous les brûlions), la broussaille envahissait les carrés de ciment, la mauvaise herbe broutait les rues défoncées : nous régnions sur Norco. Norco qui aurait dû s'appeler Cardinal, parce que le zinc de cette mine, c'était notre père qui l'avait découvert et qu'on lui avait volé." (pp.8-9)
"Le mot, à l'origine, avait été une phrase, un avertissement bien sonné. "Que personne ne prenne ma place !" ou quelque chose du genre. Avec le temps et l'usage répété qui en a été fait, la phrase est devenue "Aheumplace". (p.36) "Il est devenu Aheumchemise, Aheumbottes, Aheumstylo, Aheumcarabine, AheumCornFlakes."
"Norco, pendant ces deux semaines, était assiégé par un soleil d 'enfer. Nous n'étions qu'à la mi-juillet et, pourtant, il y avait dans l'air une poussière sèche de fin d'été. Norco cuisait au soleil. La ville n'était qu'une enclave, une trouée minuscule dans la for^t, un îlot pelé, sans arbre et sans aucune végétation que les longues herbes dansant mollement entre les maisons, et, ainsi livrée aux ardeurs du ciel, elle était devenue une immense plaque chauffante que nous parcourions en tous sens, du matin au soir, gris de poussière, bruns de soleil, noirs de rage conquérante (...)." p.81
"[Les culs-terreux] nous criaient : "Allez-vous-en ! Espèces de bandits !."ils rageaient d'impuissance. Ils ne pouvaient rien contre nous. Nous étions trop nombreux, nos parents nous avaient oubliés, nous poussions  comme de la mauvaise herbe." (p.85)
"J'avais 5 ans, 6 ans, la ville m'apparaissait immense. (...) De la caserne des pompiers qui ne servait pas mais rutilait de blanc au soleil (elle avait été construite juste avant la fermeture de la mine) jusqu'à ces masures de papier mâché qui s'égaillaient en bordure de forêt, il y avait trois vastes quadrilatères herbeux, et perdues dans la désolation, quelques maisons délabrées ou en voie de l'être.C'était pareil sur l'autre axe : de l'espace, de grandes herbes, des rues de bitume gris et vérolé, quelques constructions esseulées et, un peu partout, les monticules que laissaient les maisons qu'on avait transportées ailleurs : les fondations de ciment, les remises qui s'étaient affaissées, une carcasse d'auto qui n'avait pas voulu suivre. Et parfois, ô merveille, une maison coquette et proprette qui cultivait les fleurs et l'insolence. Comme celle des Potvin, qui avait déjà servi d'hôtel de ville."
"Peu de temps après, Geronimo avait pris place dans la Studebaker d'Émilien et personne ne s'est préoccupé de savoir si, derrière, Angèle était bien Angèle. C'était une journée d'été, de celles qui vous embrasent de la tête aux pieds et ne vous laissent aucune goutte de sueur à sécher au soleil. L'été à Norco était saharien jusqu'en août. Nous vivions dans un tourbillon de vapeur sèche sous un ciel vibrant de cruauté jusqu'à ce que, pris de pitié, il décide de crever son eau et nous écrase de pluies diluviennes pendant des semaines." (pp.108-109)
--> Petite chronique "Québec"... 

mardi 14 juillet 2015

Wallace et Gromit s'exposent à Paris

Toute la famille est fan de Wallace et Gromit... Nous connaissons par coeur nos classiques :

1989 : "Une grande excursion" (A Grand Day Out)
1993 : "Un mauvais pantalon" (The Wrong Trousers), avec Feather McGraw, le vilain manchot
1995 : "Rasé de près" (A Close Shave), avec Shaun le mouton
2005 : "Le Mystère du lapin-garou" (The Curse of the Were-Rabbit)

Mais il manque à notre tableau de chasse "Sacré Pétrin" (A Matter of Loaf and Death - 2008)

C'est donc en famille que nous sommes allés voir la très intéressante expo Aardman (du nom des studios situés à Bristol) au Musée des arts ludiques à Paris.
L'occasion de découvrir les esquisses des futurs personnages et le making-of de l'animation. Génial, tout ou presque à base de pâte à modeler "plasticine", et des décors et éléments de décors miniatures fantastiques.

Saviez-vous qu'une journée était nécessaire pour tourner 2 secondes d'animation... ?

Bon, ça nous a donné l'envie de revoir tous les films.

samedi 11 juillet 2015

Jorge González : "Chère Patagonie" (BD)

***** "Dear Patagonia" - 2011
(Traduction : Thomas Dassance, Lettrage : Philippe Glogowski) - Ed. Dupuis, 2012, collection Aire Libre, 280 p.

Sacrée bande dessinée...
(cliquer sur les images pour les agrandir)
Le trait et les dessins surprennent d'abord tout lecteur peu habitué comme bibi.
Cet ouvrage, je l'ai lu une première fois sans tout comprendre : je ne savais vraiment plus trop qui était qui et à quelle époque... Galère.
Une 2e lecture a permis de clarifier le propos.

Et la 3e lecture fut celle du grand plaisir...
... Celle où je pouvais admirer à loisir les grands planches figurant magnifiquement la pampa, les grandes étendues désertiques à perte de vue, où l'on entrevoit une silhouette d'arbre ou un bout de toit. Des dessins qui donnent l'impression d'entendre la pluie tomber, les vieilles planches des cahutes craquer ou le silence s'installer.
Les peintures de Buenos Aires sont tout aussi réussies.
Vues de Patagonie (Seb, 04/2015)
Nous sommes à Facundo, dans le Chubut, dans les années 1880, et nous assistons aux massacres des tribus indiennes par les colons, en l'occurrence de grands propriétaires terriens anglais qui dès cette époque faisaient main mise sur le secteur de l'élevage et de l'exportation de viande.
Nous suivons donc les familles de ce village de Fagundo sur une centaine d'années : ouvriers ruraux, épicier, exilés (le réalisateur de cinéma allemand...), familles métisses ou issues de l'immigration européenne. Les grandes périodes de l'histoire de l'Argentine sont subrepticement évoquées. Il n'est pas facile de suivre le fil de l'histoire ou la vie de tel ou tel personnage, que l'on quitte à la fin d'un chapitre et que l'on pense reconnaître dans un autre se passant trente ans plus tard.

Une deuxième partie rompt totalement avec le style et la construction du début. Elle met en scène l'écrivain argentin Alejandro Aguado qui décide de partir sur les traces de ses ancêtres précisément dans la région de Facundo. Un pèlerinage émouvant qui est l'occasion de présenter la réhabilitation des cultures amérindiennes.

En fin d'ouvrage : un indispensable livret d'informations et repères historiques éclaire le lecteur, et c'est fort de cet éclairage que celui-ci entamera donc une nouvelle lecture de l'ouvrage !

- chapitre "Vent et Brebis" : Le génocide des habitants naturels en Terre de Feu
- chapitre "Trou Guanaco" : La Patagonie rebelle ou Patagonie tragique (grèves des travailleurs ruraux anarcho-syndicalistes de la province de Santa Cruz et répression par les troupes envoyées par le Président Yrigoyen.
- chapitre "Rolando Rivas", chauffeur de taxi : Le massacre de Trelew (en 1973, sous la dictature, enfermement et répression de militants péronistes ou révolutionnaires à Rawson en Patagonie)
- chapitre "Dear Patagonia" : Les terres de Benetton et le conflit Mapuche

--> Site Internet de Jorge González 
DEAR PATAGONIA (2011) - NOVELA GRÁFICA
"Es una historia que transcurre en la zona Patagónica, en la región más extensa, salvaje y menos poblada de la República Argentina. Recorre los años finales del siglo XIX hasta el comienzo del XXI. Indígenas, colonos europeos, un director de cine alemán, irán relacionándose y modificándose en cada capítulo e influenciados por la presencia permanente del espacio patagónico. Participaron en el guión Alejandro Aguado, Hernán González y Horacio Altuna." 

-->  Évoquant aussi la "conquête du désert" et la pacification/aliénation des Indiens, Mapuches entre autres : l'excellent roman policier de Caryl Férey : "Mapuche"

--> Chronique "BD" et "lectures d'Amérique latine"...

vendredi 10 juillet 2015

A. Perez-Reverte : "Le tango de la Vieille Garde"

***** "El tango de la Guardia Vieja" - 2012 (Ed. fr. Seuil, trad. F. Maspero, 544 p.)
Réf. géogr : Espagne (auteur) / Argentine / France / Italie

Me voici revenue à bord d'un paquebot transatlantique voguant vers Buenos Aires dans les années '20 (voir l'élégant roman "Argentina" de Dominique Bona)... Et ça me plait !

Arturo Perez-Reverte, dont c'est mon 2e livre après "La patience du franc-tireur", nous livre un joli roman un peu long mais foisonnant. La construction est un rien surprenante, puisque les époques alternent sans repère et couvrent quarante années ; un petit temps d'adaptation m'a été nécessaire.

Max Costa, danseur mondain, et Mecha de Troeye, riche et belle aristocrate, se rencontrent sur le paquebot Cap Polonio, où ils entament leurs premiers tangos, sous le regard appréciateur du mari de Mecha. A Buenos Aires, Max fait découvrir au couple le tango originel, celui de la Vieille Garde, qui ne perdure que dans certains bas-quartiers populaires et "underground".
"C'est ici, dit Max Costa. La voiture - une limousine Pierce-Arrow couleur aubergine avec l'insigne de l'automobile Club sur le radiateur - s'était arrêtée au bout d'un long mur en brique, à une trentaine de pas de la gare de chemin de fer de Barracas. La lune ne s'était pas encore levée et, quand le chauffeur eut éteint les phares, ne brillèrent plus que la lumière solitaire d'un réverbère et les quatre ampoules jaunes sur la haute marquise de l'édifice. Vers l'est, dans les rues aux maisons basses qui conduisaient à la rive gauche et aux docks du Riachuelo, la nuit effaçait un dernier vestige de clarté rougeâtre dans le ciel noir de Buenos Aires.- Charmant endroit, commenta Armando de Troeye.- Vous vouliez un tango, répliqua Max." (p.124)
Qui est donc ce Max ? Danseur émérite de tango, il a grandi dans ces quartiers pauvres de Buenos Aires, et s'est façonné un personnage de faux gentleman, mais vrai gigolo et détrousseur. Un gentleman cambrioleur.
Max disparaît du jour au lendemain de la vie de Mecha, non sans s'être lesté du magnifique collier de perles de la belle.

Presque dix ans ont passé quand les deux se retrouvent à Nice au moment de la guerre d'Espagne et à l'avant-veille de la 2e guerre mondiale. Gentleman toujours, cambrioleur encore plus... Max se trouve mêlé contre son gré au vol de documents compromettants du gendre de Mussolini, le comte Ciano, dans une villa de Nice appartenant à une amie de Mecha. Leurs retrouvailles sont brèves et l'adieu rapide...

Troisième période, 1966, guerre froide : Max a perdu de son allant, la soixantaine, fatigué, sans le sou et sans perspectives, il est devenu chauffeur du riche propriétaire d'une villa à Sorente, en Italie.
Le hasard fait que, dans cette ville, est programmé un tournoi international d'échecs opposant un champion russe à un jeune sud-américain, qui n'est autre que le fils de Mecha. Max et Mecha se retrouvent mais le temps a fait son travail d'usure. On s'interroge sur la vraie nature de leurs sentiments. 
"Toute ma vie a été nourrie de ces moments, Max. De notre tango silencieux dans le salon d'hiver du Cap Polonio... Du gant que j'ai mis dans ta poche, à La Ferroviaria, et que le lendemain je suis venue chercher dans ta chambre de la pension de Buenos Aires." (p.522)
Renouant avec les travestissements et l'illégalité, Max finit par se plier à une demande peu scrupuleuse de Mecha. 
"- Incroyable, commente Max. (...) Ton fils. Sa manière d'être. De se comporter.- Tu penses au postulant au titre de champion du monde d'échecs ?- Exactement.- J'imagine que tu t'attendais à un garçon pâle et fuyant la société, vivant en permanence dans un nuage de soixante-quatre cases." (p.242)
Un bon livre, où le tango est roi.
(quelques autres livres autour du tango : "La vie rêvée d'Ernesto G." (J-M. Guenassia ), "La vie est un tango" (Lorenzo Lunar), "La garçonnière" (H. Grémillon), "Le retour du professeur de danse" (H. Mankell), "Encore une danse" (V. Hislop, livre que j'ai abandonné rapidement)...

--> voir "Mes lectures d'Amérique latine" et une page récapitulative sur la "littérature latino-américaine"

lundi 6 juillet 2015

Lorenzo Lunar : "La vie est un tango" (Cuba)

***** "La vida es un tango" - 2005 (Ed. Asphalte, trad. M. Le Roy, 176 p.)

Lorenzo Lunar est un auteur cubain né à Santa Clara en 1958, et d'après le site de l'éditeur, il habite toujours à Santa Clara où il tient la librairie La Piedra Lunar...
(Querido Lorenzo, la proxima vez que me voy a Cuba con la familia, ire a verte en tu librería !)
"C'est à Santa Clara que se déroulent la plupart de mes romans, au même titre que ma propre vie. Je ferme les yeux et je vois mes personnages déambuler dans ses rues. J'écoute les voisins me raconter leurs histoires. Ensuite j'écris. avec l'assurance de ne jamais tomber en panne d'inspiration."
Son roman "La vie est un tango" commence ainsi :
"Aujourd’hui, c’est dimanche."
Cela m'a fait penser au début de "L'étranger" de Camus...

"La vie est un tango" est présenté comme un roman policier. C'est plus que cela, c'est aussi une chronique sociale de Cuba, resserrée autour d'un quartier de Santa Clara, et décrite par un policier issu du quartier. Leo Martin est devenu commissaire de ce quartier d'El Condado. Son quotidien est formidablement dépeint : sa vie chez sa mère, ses amours ratées, ses amis disparus, ses indics farfelus dont ce cireur de chaussures, les fillettes du quartier devenues prostituées, des caïds plus ou moins solides, un trafic de lunettes volées...
Et de ci-de là, des paroles de chanson de tango ponctuent le récit.

L'intrigue en soi n'est pas palpitante, elle progresse à l'unisson de ce quotidien écrasé sous la chaleur, embrumé par les vapeurs du calambuco, le tord-boyaux local, et dérouté par les pannes d'électricité. On voit la police se débattre avec son manque de moyens, et les habitants user de petites combines pour améliorer un quotidien fait de restrictions (ah que d'astuces pour obtenir une place dans un train ou un bus...) :
"Pour Magda, cet argent était une bénédiction. Grâce à cette pute, mère de sa petite fille, elle pouvait cuisiner avec de l'huile - ça faisait des lustres, laver ses draps avec de la lessive et son corps avec du savon. Enfin du dentifrice et du papier toilette ! Rafaelito, quant à lui, gardait sa dignité intacte ; ses caleçons il les nettoyait avec des feuilles d'agave, et lui, il se lavait avec une mixture à base de graisse et de soude caustique que vendait Franck le Porc. Il se brossait les dents sans dentifrice et s'essuyait le cul avec de vieux journaux." (p.73)
En filigrane, non seulement les restrictions qui pèsent sur la population, mais aussi les limites aux libertés :
« Je sens quelque chose sur mon épaule, suivi d'une sensation d'humidité. Une tache, jaune brun, confirme ce que je craignais : une chiure de volatile sur mon uniforme. Les oiseaux du parc Vidal peuvent se payer le luxe de ne respecter ni les uniformes, ni les grades militaires, ni les positions sociales, ni les principes, ni les idéologies, ni même leurs mères. Ils chient placidement, où bon leur chante. »
--> voir "Lectures d'Amérique latine" et page récapitulative sur la "littérature latino-américaine"

dimanche 5 juillet 2015

Au temps de Klimt : La Sécession à Vienne


Affiches de l'expo et vue de la pinacothèque avec
au 1er plan un panneau sens interdit customisé
par l'artiste Clet Abraham

Cette expo à la Pinacothèque de Paris, que j'ai hélas un peu bâclée au pas de course m'a rappelée de fort beaux souvenirs : la ville de Vienne en version originale et les visites approfondies de la Sezession (« A chaque époque son art. A l’art sa liberté. »), du Belvédère et de tous les sites Art Nouveau que j'ai pu visiter à n'en plus soif. Plus fan de "Yugentstil" à l'époque, y avait pas !

Bien sûr, j'en accumule des livres sur Klimt, des affiches murales de Judith, des Serpents d'eau, des tasses Klimt, des montres Klimt (même une avec Adele Bloch Bauer), des photophores Klimt, des magnets, dessous de verre, foulards (4, rien que ça...), un cabas Der Kuss. Je possède même une bague et une paire de boucles d'oreille du "Baiser" achetées en Russie.. J'ai aussi, maintenant cela m'y fait penser, un pendentif du tableau de la mère et l'enfant peints au dos d'un coquillage en nacre, et acheté en Ukraine je crois (magnifique du reste, comme les miniatures que peignait ma grand-tante).

Tout ça le fruit de x anniversaires et Noëls, mais aussi de ma compulsion personnelle à craquer pour tout ce qui était klimtien !
Klimtomane moi ????

Alors, et l'expo dans tout cela ?
On m'avait dit que pour ceux qui avaient visité Vienne, elle était banale...

Eh bien moi je l'ai trouvée intéressante. divisée en différents thèmes, parfois surprenants : intro - Paris/Vienne - Historicisme/Compagnie des artistes - La frise Beethoven - Sécession - Femme fragile - Femme fatale - Paysages / picturalisme - Portraits.
Jusqu’à qu’il décide de faire « Sécession » en 1897, avec une vingtaine d’autres comparses, pour se démarquer d’un art viennois jugé trop bourgeois, trop classique…
l’exposition de la Pinacothèque s’arrêtant à la mort de Klimt (et de Schiele), en 1918.

Tout d'abord, bien qu'un peu klimtomaniaque, j'ignorais ou avais oublié l'oeuvre de son frère, Ernst... et puis Josepf Hoffmann (1870-1956, architecte et directeur des ateliers viennois) m'était un peu sorti de l'esprit, ainsi qu'Adolf Loos, car cela faisait un petit moment que je m'étais pas repromenée dans les oeuvres de cette époque. Idem pour Oskar Kokoschka (1886-1980) et Egon Schiele (1890-1918), dont j'ai apprécié de pouvoir admirer des oeuvres en face-à-face.

Je fus fascinée (est-ce le poids des années et la maturité ?) comme jamais par les quelques panneaux de la Frise Beethoven, longue de vingt-deux mètres, peinte par Klimt en 1902 et faisant référence à la 9e symphonie. 
Dire que je les ai pourtant admirés in situ il y a près de trente ans... Comme quoi l'âge apporte certains bénéfices. Vraiment je me suis même assise pour rester longtemps à contempler les panneaux de la frise. Merveilleux. Bien bêtement ou béatement, je l'ai admirée sous toutes les coutures, me demandant comment l'on pouvait si aisément découper des pans de mur pour les transborder d'un musée à un autre...
La maquette du Palais de la Sécession et tous les travaux des candidats valaient le coup d'oeil.

La salle consacrée au thème classique de Judith et Holopherne est à tomber, inoubliable... Heureusement, un petit banc permet de s'absorber dans Judith I (1901) : c'est éblouissant, elle est là à portée de main, sublime... Et, en se tournant, nous voici face à Salomé (Judith II, 1909) que je n'avais jamais vue puisque exposée à Venise.

Ici et là des sculptures, céramiques, meubles de cette époque. Cela m'a moins intéressée. Certaines céramiques m'ont paru grotesques. 
Et puis il y eut des tableaux ou esquisses de Schiele et Kokoschka, ce qui valait le détour. Tiens en parlant de Kokoschka, j'ai appris qu'il avait peint le portrait d'Agatha Christie, à sa demande, en 1968 pour 15000 £.

--> chronique "Expos" ou plus spécifiquement "peinture"

Un drôle de petit insecte fait son cinéma sur la terrasse

Voici un insecte qui m'a bien impressionnée !
Cliquer pour agrandir

Il est venu faire son coquin sur la table de la terrasse le 29/06/2015.
Petit mais bourré de mimiques !

Le corps vert fluo, les pattes roses et blanches, et deux grosses antennes qu'il mettait en position de défense (ou d'attaque !) à la manière d'une araignée crabe quand j'approchais trop le viseur.

C'est la première fois que je voyais un tel spécimen.

Je n'ai pas encore lancé l'enquête officielle... mais je pencherais pour un ressortissant de la planète "punaises"... En tout cas, une visite fort sympathique et rigolote sur la terrasse.

ACTUALISATION AU 12/07/2015 :
Ce charmant coquin pourrait être une larve de punaise gonicerus. Eh oui !

--> Voir ma chronique "insectes" et page "Les habitants de mon jardin"...

jeudi 2 juillet 2015

Variations sur l'Algérie en bande dessinée

Je viens de finir deux bandes dessinées parlant de l'Algérie - de la région de Constantine - dans des styles absolument différents, mais chacune présentant son propre intérêt.
Toutefois, la première a ma préférence...
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***** Joël ALESSANDRA : "Le miracle de Constantine" 
(roman graphique publié dans la revue XXI, n°27, été 2014)

L'auteur est fils de pieds-noirs rapatriés d'Algérie aux côtés de 800000 autres en 1962. Lui est né 5 ans plus tard à Marseille et n'a jamais connu la vie de "là-bas"... Il s'étonne quand, chez ses grands-parents, le papi hurle à s'en étouffer à toute apparition de De Gaulle à la télé "le traître !"

Joël A. construit sa vie en gardant dans un coin de l'esprit l'entêtant questionnement sur le comportement de sa famille en Algérie : étaient-ils intolérants, racistes, à l'esprit colon abscons ?
Ce n'est que des années plus tard qu'à la faveur d'une invitation de l’Institut français de Constantine, Joël Alessandra se lance sur les traces de sa famille, muni de quelques photos de la demeure familiale et des bâtiments (dont le cinéma municipal) édifiés grâce au savoir-faire de cette famille d'architectes.
Sa démarche est intéressante, et m'a fait penser à mon mari avec lequel nous avions entrepris il y a une dizaine d'années un pèlerinage sur les traces de sa jeunesse en Tunisie : sa maison, son école, son quartier... 

Joël est ainsi chaleureusement accueilli par les Algériens, en particulier ceux qui ont connu ses aïeux. Il part à la découverte de Constantine et des Algériens, et découvre que sa famille est respectée pour sa contribution à l'architecture de la ville et la protection qu'elle a accordée à des employés arabes pendant la guerre d'Algérie.

Ce roman graphique est superbement illustré d'aquarelles rendant hommage à la ville de Constantine, aux magnifiques bâtiments Art déco ou à l'architecture mauresque, comme l'hôtel Circa où il loge, ou l'Institut Français. Joël Alessandra livre en toute pudeur sa découverte de l'Algérie post '2010 : surveillance policière, étonnement face à la présence essentiellement masculine le soir dans les rues, et gentillesse des habitants et beauté ineffable de la ville et du pont Al Kantaoui et des forteresses.
"De son ancien nom Cirta, capitale de la Numidie, Constantine porte depuis 17 siècles le nom de l'empereur Constantin Ier qui la reconstruisit en 313. Constantine est également surnommée la « ville des ponts suspendus », « ville du vieux rocher », « Ville des oulémas », aussi « ville des aigles » ou bien « Ville du malouf », version constantinoise de la musique arabo-andalouse, elle est la capitale régionale de l'Est du pays." (Source : wikipedia)
--> Voir aussi, s'agissant des pages d'histoire de la colonisation et de l'indépendance de l'Algérie, l'excellent et bouleversant "Dans l'ombre de Charonne", de Désirée et Alain Frappier
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***** Jean-Charles KRAEHN & Sylvain VALLEE : "Gil St André" L'Intégrale Cycle 2, (Ed. Glénat, 2007)
Tome 6 : "Soeurs de larmes" - T7 : "Prisonnières" - T8 : "Le sacrifice"

Après avoir légèrement survolé "L'intégrale Cycle 1" (un bon moment... sans plus), j'ai davantage goûté "Le cycle 2".
Certainement parce que l'histoire se déplaçait en Algérie, dans la région de Constantine, et que cela m'a rappelé des souvenirs d'un périple effectué en mai 1993 à Constantine, Oran, Sidi Bel Abbès, Timimoun, Alger... à une époque particulière.
Ce volume "cycle 2" se concentre sur Djida, la jeune policière du commissariat de Lyon, qui s'est émancipée de sa famille très attachée aux traditions, ou plutôt de ses deux frères, qui ne supportent pas de la voir adopter un mode de vie occidental et se conduire en "femme libérée". C'est donc la petite soeur, Drissia, qui se retrouve sous la houlette de la fratrie, décidés à la marier de force en Algérie avec un notable qui se révèle être un cheikh intégriste.

"La nuit est tombée depuis longtemps sur Aïn Beda, le village perdu dans les montagnes de la petite Kabylie, à cent kilomètres à l'ouest de Constantine. la route qui y mène est un cul de sac. Pour que sa vie ne finisse pas de la même manière, Drissia serait prête à mourir. Pour l'heure, il s'agit surtout de ne pas se couper sur les tessons de bouteille qui ornent le mur ceinturant le jardin de la maison familiale des Feschaoui."

Djida s'envole pour l'Algérie pour récupérer sa petite soeur, comptant sur l'aide de Gil St André qui lui doit bien ça.
Les planches montrant les paysages algériens sont très belles. 
L'histoire est palpitante. En parallèle au récit algérien, se greffent à nouveau les événements concernant Sylvia, la femme de Gil et Viviane sa belle-soeur, ancienne prostituée traquée par les proxénètes belges. Du suspense, de l'action, et l'intérêt de découvrir les pages algériennes.

--> voir pages "Algérie" et pages "BD"
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