Réf. pays : Pologne - Genre : policier, absurde, inédit, perle littéraire...
SAVOUREUX !!! Une écriture, un récit... prenant ! mais surtout par la façon de l'auteur de mettre en FORME son intrigue, les dialogues etc. : Ce livre est une REVELATION LITTERAIRE (même à mon âge - je veux dire après avoir tant lu et lu ! : découvrir un auteur né en 1904..., dont je n'avais JAMAIS entendu parler...). Or, en 1967, "Cosmos" reçut le Prix International de Littérature.
Mieux vaut tard que jamais pour découvrir ce "Cosmos" de Gombrowitcz ! Un style littéraire, une accroche l'air de rien...
Il faut ouvrir le livre, tenir bon les premières pages en se demandant si cela vaut la peine, puis on est "aspiré" par les mots, les tournures, les réflexions du narrateur auxquelles on finit par adhérer (pourtant cela confine parfois à l'absurde !! mais on y adhère et on rit et on est fasciné !)
Avant de lire "Cosmos", roman de 1965, j'ai lu, pour me mettre en bouche, ses "Souvenirs de Pologne" qui m'ont donné un aperçu du personnage... Car C'EST UN PERSONNAGE, ce Witold G. ! Au demeurant, il se met personnellement en scène dans ce livre (le narrateur est "Witold") et certainement dans d'autres que je n'ai pas encore lus...
L'intrigue se dessine en arrière-plan de remarques banales sur les OBJETS, la façon dont les choses "sont" (un verre sur le guéridon, le bouchon d'une bouteille, une lézarde au plafond, un clou planté au bas d'un mur, des fils de laine...). La construction littéraire, la "forme" adoptée par l'auteur, alimentent le suspense, et le lecteur suit avec passion les avancées du récit.
Sur un ton posé et "matérialiste" (tout est détaillé et commenté), Gombrowicz relate ses réflexions... et plus d'une fois, le comique est au rendez-vous et l'on éclate de rire. Ainsi, à propos de ce moineau trouvé pendu (cf. la 4e de couv' du livre), WG remarque que le moineau est "toujours occupé à la même chose, faisant toujours la même chose, il pendait, il pendait, il pendait toujours." Et alors il écrit qu'il devrait "peut-être le saluer de la main ?" !!
Et "les bouches"... oui, les "bouches" ! Elle jouent un rôle particulier dans le récit, dès le début - et ces remarques sur les bouches des uns des autres nous interpellent souvent tellement elles sont insolites... mais capitales dans la trame du récit :
"Et sa bouche, après la bouche du prêtre... comme la pendaison du bout de bois donnant un sens à la pendaison du moineau... comme la pendaison du chat à celle du bout de bois... comme les objets enfoncés menant aux coups frappés... comme j'avais renforcé le berg par mon berg."
Tous ces questionnements sur des points apparemment anodins qui jalonnent le recit, font de Cosmos un livre unique. A savourer sans modération.
"Et sa bouche, après la bouche du prêtre... comme la pendaison du bout de bois donnant un sens à la pendaison du moineau... comme la pendaison du chat à celle du bout de bois... comme les objets enfoncés menant aux coups frappés... comme j'avais renforcé le berg par mon berg."
Tous ces questionnements sur des points apparemment anodins qui jalonnent le recit, font de Cosmos un livre unique. A savourer sans modération.
Résumé 4e de couverture Edition Folio :
"Perdu, couvert de sueur, je sentais à mes pieds la terre noire et nue. Là, entre les branches, il y avait quelque chose qui dépassait, quelque chose d'autre, d'étrange, d'imprécis. Et mon compagnon aussi regardait cela. - Un moineau. - Ouais. C'était un moineau. Un moineau à l'extrémité d'un fil de fer. Pendu. Avec sa petite tête inclinée et son petit bec ouvert. Il pendait à un mince fil de fer accroché à une branche. Bizarre."
"Perdu, couvert de sueur, je sentais à mes pieds la terre noire et nue. Là, entre les branches, il y avait quelque chose qui dépassait, quelque chose d'autre, d'étrange, d'imprécis. Et mon compagnon aussi regardait cela. - Un moineau. - Ouais. C'était un moineau. Un moineau à l'extrémité d'un fil de fer. Pendu. Avec sa petite tête inclinée et son petit bec ouvert. Il pendait à un mince fil de fer accroché à une branche. Bizarre."
Witold Grombowitcz : Quelques extraits de son journal au sujet de "Cosmos" :
- 1962 - "Qu'est-ce qu'un roman policier? Un essai d'organiser le chaos. C'est pourquoi mon COSMOS, que j'aime appeler "un roman sur la formation de la réalité", sera une sorte de roman policier."
- "Dans l'infinité des phénomènes qui se passent autour de moi, j'en isole un. J'aperçois, par exemple, un cendrier sur ma table (le reste s'efface dans l'ombre). Si cette perception se justifie (par exemple, j'ai remarqué le cendrier parce que je veux y jeter la cendre de ma cigarette), tout est parfait.
Si j'ai aperçu le cendrier par hasard et ne reviens pas là-dessus, tout va bien aussi.
Mais si, après avoir remarqué ce phénomène sans but précis, vous y revenez, malheur ! Pourquoi y-êtes-vous revenu, s'il est sans signification ? Ah ah ! ainsi il signifiait quelque chose pour vous, puisque vous y êtes revenu ? Voilà comment, par le simple fait que vous vous êtes concentré sans raison une seconde de trop sur ce phénomène, la chose commence à être un peu à part, à devenir chargée de sens...
(...) Etant donné que nous construisons nos mondes en associant des phénomènes, je ne serais pas surpris qu'au tout début des temps il y ait eu une association gratuite et répétée fixant une direction dans le chaos et instaurant un ordre."
Quelques extraits choisis :
Léon, le mari de la logeuse... retraité, au parler et aux manies bizarres... :
"- Je suggérerais encore une gustule de ce lait aigrelet, ma femme est une toute spéciale spécialiste du bon lolo caillé, et tout le truc, mon cher vicomte, c'est quoi ? C'est le pot ! La perfection caillatique du caillé est en relation directe avec les propriétés lactiques du pot."
Léon, le mari de la logeuse... retraité, au parler et aux manies bizarres... :
"- Je suggérerais encore une gustule de ce lait aigrelet, ma femme est une toute spéciale spécialiste du bon lolo caillé, et tout le truc, mon cher vicomte, c'est quoi ? C'est le pot ! La perfection caillatique du caillé est en relation directe avec les propriétés lactiques du pot."
Witold ne parvient à s'endormir et s'abandonne à "un détail" :
"Je me demandai longtemps ce que j'allais faire, dormir ou ne pas dormir. Je n'avais pas envie de dormir et je n'avais pas envie non plus de me lever, donc je me creusais la tête : me lever, dormir, rester couché ? Enfin je sortis une jambe et m'assis sur le lit, et en m'asseyant j'entrevis la tache blanchâtre de la fenêtre, je m 'en approchai pieds nus et relevai le store."
Witold vient de .. pendre le chat de Lena :
"Je m'approchai et l'image du chat devint de plus en plus nette, la langue sortait de biais, les yeux étaient exorbités... Il était pendu. Je pensais qu'il ne s'était pas agi d'un chat, cela aurait mieux valu, le chat est affreux par nature, il y a quelque chose de mou, de duveteux, avec un besoin enragé de cris rauques, de grattements, de coassements, oui, de coassements horribles,le chat est mignon, mais aussi monstrueux."
Witold retourne voir le moineau pendu :
"Toujours occupé à la même chose, faisant toujours la même chose, il pendait, tout comme Fuchs et moi étions venus, il pendait, il pendait toujours. J'examinai toujours la petite boule desséchée, de moins en moins semblable à un moineau : amusant, il y avait de quoi rire, ou plutôt non, mais d'un autre côté je ne savais pas trop, puisqu'en définitive j'étais là, ce n'était pas seulement pour regarder... Je ne trouvais pas le geste approprié, peut-être le saluer de la main, dire quelque chose?"
Les moindres détails sont enregistrés et catalogués :
"(...) l'hier si proche où tournaient en rond les mottes de terre, les poussières, les dessèchements, les fissures, etc., les verrues et les verres, les bouteilles, les fils de laine, les bouchons, etc., etc., et les figures qui en résultaient, etc., etc., cette distance devenait dissolvante, comme un fleuve immense, un déluge, un flux infini."
Berg, Berguer, etc. : le mot révélateur des pêchés du vieux retraité... et du narrateur...
"Ma fille, mon jeune Monsieur, vous la b...berg!... Bergsecrètement, en bergamouraché, et vous voudriez, cher vicomte, vous emberguer sous sa jupe en plein dans son mariage au titre de bergamant numero un! Tril-li-li Tri-li-li!"
(...) Berg, dis-je."
(...) "Vous avez bergué ?Ah, vous êtes un malin! Moi aussi je bergue. Nous bemberguerons tranquillement ensemble."
Un exemple de "berg" chez Léon :
"Il pressa sur son doigt un grain de sel pour le faire adhérer et leva ce doigt - il l'examina- il sortit la langue - il toucha de sa langue son doigt - il referma la bouche - il savoura."
Le diable réside dans les détails ou que de questionnements sur des points apparemment anodins... :
"J'allais passer entre ceux deux pierres, mais au dernier moment je fis un petit écart pour passer entre une des pierres et le petit coin de terre retourné, c'était un écart minime, rien du tout... Et pourtant ce très léger écart était injustifié et cela, semble-t-il, me déconcerta... alors, machinalement, je m'écarte à nouveau un tout petit peu pour passer entre les deux pierres, comme j'en avais d'abord l'intention, mais j'éprouve une certaine difficulté, oh très faible, venue de ce que, après ces deux écarts successifs, mon désir de passer entre les pierres a pris désormais le caractère d'une décision, peu importante bien entendu, mais d'une décision quand même. Ce que rien ne justifie car la parfaite neutralité de ces choses dans l'herbe n'autorise pas une décision : quelle différence de passer par ici ou par là ?"
Léon, pragmatique sur son mariage avec Bouboule :
"Savez-vous, Messieurs, que j'ai calculé , le crayon à la main, combien j'avais de secondes de vie conjugale en tenant compte des années bissextiles, et ça donnait cent quatorze millions neuf cent douze mille neuf cent quatre-vingt-quatre, ni plus ni moins, à sept heures et demie du soir aujourd'hui. Et depuis huit heures ce matin, il s'est encore ajouté quelques milliers à ce nombre."
Witold dans son délire de causes à effets...
"Et sa bouche, après la bouche du prêtre... comme la pendaison du bout de bois donnant un sens à la pendaison du moineau... comme la pendaison du chat à celle du bout de bois... comme les objets enfoncés menant aux coups frappés... comme j'avais renforcé le berg par mon berg."
Voir aussi sur ce blog : Witold Gombrowicz - Souvenirs de Pologne (qui comprend des éléments biographiques et une bibliographie succincte)
et voir :
"Je me demandai longtemps ce que j'allais faire, dormir ou ne pas dormir. Je n'avais pas envie de dormir et je n'avais pas envie non plus de me lever, donc je me creusais la tête : me lever, dormir, rester couché ? Enfin je sortis une jambe et m'assis sur le lit, et en m'asseyant j'entrevis la tache blanchâtre de la fenêtre, je m 'en approchai pieds nus et relevai le store."
Witold vient de .. pendre le chat de Lena :
"Je m'approchai et l'image du chat devint de plus en plus nette, la langue sortait de biais, les yeux étaient exorbités... Il était pendu. Je pensais qu'il ne s'était pas agi d'un chat, cela aurait mieux valu, le chat est affreux par nature, il y a quelque chose de mou, de duveteux, avec un besoin enragé de cris rauques, de grattements, de coassements, oui, de coassements horribles,le chat est mignon, mais aussi monstrueux."
Witold retourne voir le moineau pendu :
"Toujours occupé à la même chose, faisant toujours la même chose, il pendait, tout comme Fuchs et moi étions venus, il pendait, il pendait toujours. J'examinai toujours la petite boule desséchée, de moins en moins semblable à un moineau : amusant, il y avait de quoi rire, ou plutôt non, mais d'un autre côté je ne savais pas trop, puisqu'en définitive j'étais là, ce n'était pas seulement pour regarder... Je ne trouvais pas le geste approprié, peut-être le saluer de la main, dire quelque chose?"
Les moindres détails sont enregistrés et catalogués :
"(...) l'hier si proche où tournaient en rond les mottes de terre, les poussières, les dessèchements, les fissures, etc., les verrues et les verres, les bouteilles, les fils de laine, les bouchons, etc., etc., et les figures qui en résultaient, etc., etc., cette distance devenait dissolvante, comme un fleuve immense, un déluge, un flux infini."
Berg, Berguer, etc. : le mot révélateur des pêchés du vieux retraité... et du narrateur...
"Ma fille, mon jeune Monsieur, vous la b...berg!... Bergsecrètement, en bergamouraché, et vous voudriez, cher vicomte, vous emberguer sous sa jupe en plein dans son mariage au titre de bergamant numero un! Tril-li-li Tri-li-li!"
(...) Berg, dis-je."
(...) "Vous avez bergué ?Ah, vous êtes un malin! Moi aussi je bergue. Nous bemberguerons tranquillement ensemble."
Un exemple de "berg" chez Léon :
"Il pressa sur son doigt un grain de sel pour le faire adhérer et leva ce doigt - il l'examina- il sortit la langue - il toucha de sa langue son doigt - il referma la bouche - il savoura."
Le diable réside dans les détails ou que de questionnements sur des points apparemment anodins... :
"J'allais passer entre ceux deux pierres, mais au dernier moment je fis un petit écart pour passer entre une des pierres et le petit coin de terre retourné, c'était un écart minime, rien du tout... Et pourtant ce très léger écart était injustifié et cela, semble-t-il, me déconcerta... alors, machinalement, je m'écarte à nouveau un tout petit peu pour passer entre les deux pierres, comme j'en avais d'abord l'intention, mais j'éprouve une certaine difficulté, oh très faible, venue de ce que, après ces deux écarts successifs, mon désir de passer entre les pierres a pris désormais le caractère d'une décision, peu importante bien entendu, mais d'une décision quand même. Ce que rien ne justifie car la parfaite neutralité de ces choses dans l'herbe n'autorise pas une décision : quelle différence de passer par ici ou par là ?"
Léon, pragmatique sur son mariage avec Bouboule :
"Savez-vous, Messieurs, que j'ai calculé , le crayon à la main, combien j'avais de secondes de vie conjugale en tenant compte des années bissextiles, et ça donnait cent quatorze millions neuf cent douze mille neuf cent quatre-vingt-quatre, ni plus ni moins, à sept heures et demie du soir aujourd'hui. Et depuis huit heures ce matin, il s'est encore ajouté quelques milliers à ce nombre."
Witold dans son délire de causes à effets...
"Et sa bouche, après la bouche du prêtre... comme la pendaison du bout de bois donnant un sens à la pendaison du moineau... comme la pendaison du chat à celle du bout de bois... comme les objets enfoncés menant aux coups frappés... comme j'avais renforcé le berg par mon berg."
Voir aussi sur ce blog : Witold Gombrowicz - Souvenirs de Pologne (qui comprend des éléments biographiques et une bibliographie succincte)
et voir :