dimanche 5 février 2012

Tom Robbins : "Un parfum de Jitterbug" (EU)

Un parfum de Jitterbug par Robbins ***** (2010) - Réf. pays : Etats-Unis/France/Bohême...

4e de couverture Ed. Gallmeister : «Une serveuse de tacos qui joue les apprenties chimistes à Seattle, une parfumeuse déchue de la Nouvelle-Orléans qui prépare son come-back, et un excentrique« nez » des hautes sphères de l’industrie parisienne s’interrogent : qui donc leur envoie ces mystérieuses betteraves sans laisser de traces ni le moindre message ? La clé du mystère se trouve peut-être au cœur de l’épopée d’Alobar, roi du VIIIe siècle, qui, fuyant la mort, se retrouve en compagnie d’une jeune Indienne fascinée par les essences en Bohême, où il découvrira le secret de l’immortalité. Un Parfum de Jitterbug est un roman épique à l’imagination débordante dans lequel tom Robbins célèbre les joies de l’existence et agite au shaker toutes les croyances de ce monde pour nous livrer les secrets d’un parfum perdu. L’auteur génial de « Même les cow-girls ont du vague à l’âme » nous entraîne une nouvelle fois dans un récit hilarant et explosif».

Mon avis :     Un parfum un peu lourd(aud) et qui manque de sillage !
Hum... Pour une première prise de connaissance avec Tom Robbins ("Un des meilleurs romanciers américains" selon le NY Times), je reste sur ma faim...
Et j’ai abandonné la lecture quasiment aux deux-tiers, n’en pouvant plus de ces alternances de chapitres : 
  • L’un qui nous plonge dans la vie de cette jeune serveuse de tacos, qui bricole avec des éprouvettes de labo dans son petit appartement de Seattle, avec clins d’oeil de sa collègue homo qui en bave pour elle…
  •  l’autre consacré au devenir d’un roi du VIIIe siècle, Alobar, qui entreprend donc un voyage à travers le temps et les continents dès l’apparition de premiers…cheveux blancs… A peine le temps de m’habituer à ce personnage et à la galerie de servants, amants, maîtres, conseillers qu’il côtoie que le chapitre «Alobar» se termine…
  • et on se retrouve propulsé à Paris dans une entreprise de parfumerie familiale…(là, mon intérêt s’est réveillé au souvenir de la visite de la parfumerie Fragonard à Grasse…), dont certains responsables ont des visées sur un développement particulier de la cosmétique, mais pas « le nez », le frère au don particulier… On sent venir les grosses brouilles de familles…
  • Puis nouveau chapitre qui nous ramène à La Nouvelle Orléans chez une vieille parfumeuse, et sa «seconde», qui à partir de ses anciens alambics et de jasmin de contrebande s’essaie à recréer un élixir particulier…

Ici et là, Tom Robbins sème de petits repères ténus nous permettant d’entrevoir un lien entre les différents personnages, au-delà des continents et du temps.
Avec toujours ce fil rouge insolite des betteraves offertes aux divers protagonistes…
Mais hélas pour moi, autant les chapitres contemporains se laissaient agréablement lire et (j’arrivais à suivre !), autant les chapitres relatifs à l’épopée d’Alobar dans le temps, dans l’histoire et à travers le monde  m’ont au bout d’un moment lassée, j’en suis venue à sauter des pages et des pages de chapitres «Alobar» pour finalement me résigner à arrêter le livre.
Mais sans regrets : l’intrigue ne m’a pas vraiment passionnée et je ne suis même pas titillée pour connaître le fin mot de l’histoire… : Peu m’en chaut !
Je laisserai quand même à Tom Robbins une 2e chance de remonter dans mon estime en lisant "Une étrange attraction" (qui date de...1971), dont les critiques furent si positives... mais cet écrivain ne devient plus une priorité dans ma LAL ! 
Quoique...
... mon sentiment est partagé depuis que j'ai lu une interview de lui dans "Lire" d'oct. 2010 (p.48-53):
  • Certes, il y répète à l'envie que les "drogues psychédéliques ouvrent l'esprit" . Elles lui ont "permis de comprendre que chaque fleur présente dans un champ a une identité tout aussi forte que la mienne. Une fois que vous avez ressenti et compris cela, votre vie ne peut qu'en être bouleversée." Moi qui aime mes fleurs, les dorlote et leur fais la conversation, je relativise quand même "l'identité" de mes plantes...
  • En revanche, il se rattrape en jurant être totalement sobre, clean, décaféiné etc. quand il est en pleine écriture de livre. Et là, c'est un autre homme qui parle : un écrivain qui écrit au stylo sur du papier (pas sur ordi!), et qui "ne lâche jamais une phrase tant qu'elle n'est pas parfaite", qui "progresse très lentement, mot par mot, phrase par phrase", et ne revient plus sur ce qu'il a écrit...


Quelques extraits plus ou moins savoureux (ou déjantés !) :
  •  Nez en sous-marin de poche, sperme de chérubins... "Quand Lily Devalier colla le sous-marin de poche qui lui servait de nez le long du quai de la couche de concentration, oh !, une chaleur nocturne lui enveloppa le cerveau, l’inondant d’étoiles, de sperme de chérubins translucide, et de ces sirops bleus de minuit que sucent les papillons nocturnes sur les tropiques. Elle fut emportée par la dévorante délicatesse de ce jasmin, mais pas au point de ne pas détecter une légère sensation de surchauffe, ainsi qu’une faible trace de solvant."

  • L'escargot claudiquant..."Elle avait des cuisses épaisses, des hanches larges et une poitrine lourde, mais sa taille était si mince qu’un escargot claudiquant aurait pu faire le tour de sa ceinture en 2 minutes piles (…)."

  • L'apiculteur, les abeilles, le ciel et les étoiles..."Alobar sortit et alla marcher dans la nuit himalayenne – l’obscurité en haut de l’escalier. L’air vif et limpide qui portait les psalmodies des lamas vibrait comme une ruche. Les étoiles blanches brillaient et faisaient penser à une éruption de boutons sur l’atmosphère. Il était facile d’imaginer que ces étoiles étaient des abeilles, qu’elles étaient la source du bourdonnement omniprésent des lamas. Il était facile d’imaginer que le pâle croissant de lune était la spatule de l’apiculteur, qui plongeait dans le ronronnement et le miel."

  • L'huître !!!"Lorsque nous acceptons des petites merveilles, nous nous rendons aptes à imaginer de grandes merveilles. Ainsi, si nous admettons qu’une huître – radieuse, molle, succulente et sereine – peut sortir d’une coquille, nous sommes prêts à imaginer Aphrodite émergeant d’une adresse identique. Qui plus est, nous pourrions imaginer, si toutefois nous avions cette tournure d’esprit, Aphrodite exsudant sa coquille, construisant son studio, ses valves, ses charnières et ses spires, avec ses propres sécrétions, comme le fait une huître, mais il faut reconnaître qu’une imagination moyenne n’irait probablement pas aussi loin.(…)-Ah non, M’dame Lily, je ‘efuse de mettr’ une huît’ toute c’ue dans ma bouche ! (…) je ‘efuse de manger de la bave visqueuse. (…). (…)Elle but une gorgée. Elle examina le cercle de coquillages, chaque masse informe et raffinée luisant sur le plancher (ou le plafond) irisé de sa propre architecture intime, géométrie solidifiée de son propre désir. L’huître était une créature digne de La Nouvelle-Orléans, dont les maisons étaient de la même façon et tout aussi résolument fermées à un monde extérieur dont on ne pouvait attendre qu’il fasse preuve de la sensibilité requise à l’égard des délicatesses sécrétées à l’intérieur."

  • De la betterave et autres légumes :"La betterave est le plus profond de tous les légumes. Le radis, convenons-en, est plus fiévreux, mais le feu du radis est un feu froid, ce n'est pas le feu de la passion, c'est celui du mécontentement. Les tomates ne manquent pas de vigueur ; toutefois, il court en elles une veine de frivolité. Les betteraves, elles, sont terriblement sérieuses.""Les peuples slaves doivent leurs caractéristiques physiques aux pommes de terre, leur inquiétude sourde aux radis, et leur sérieux aux betteraves."
Voir aussi : Lectures d'Amérique du Nord
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