mercredi 30 avril 2014

M. de Kerangal : "Réparer les vivants"

***** (France, 2014, Collection Verticales/Gallimard, 288 p.)

Ce roman ne traite pas de 24 heures de la vie d’un homme, puisque cet homme est décédé ; il déroule 24 heures de la vie du cœur de ce jeune de 19 ans fauché dans un accident de camionnette en revenant du surf.
L’auteure nous décrit parfaitement ce qu’est la mort cérébrale, illustrant que "les progrès de la médecine ont conduit à donner une nouvelle définition de la mort" et la problématique du don d’organes. L’urgence d’obtenir l’accord de la famille éplorée et sous le choc, d’étudier le fichier des patients en attente d’un organe et d’établir les meilleures correspondances entre le donneur et les receveurs, de lancer la procédure, prévenir les receveurs, préparer l’intervention sur le corps du jeune décédé où 4 équipes se succèderont pour prélever les organes de leur ressort (cœur, poumons, foie et reins).  Le transport des organes vers leur destination finale aux quatre coins de la France, où chaque receveur attend son salut.

L’écriture de Maylis de Kerangal est toujours aussi prenante et belle. J’avais tant aimé "Naissance d’un pont "(2010) que je n'ai pas chroniqué mais qui figure dans mes lectures préférées, un peu moins "Tangente vers l’Est" (2011).

En revanche, si ce n’était pour cette écriture particulière, « Réparer les vivants » m’aurait assez déconcertée. Le thème est particulier, les personnages guère attachants, très « cliniques », et des longueurs m’ont interpellée (comme ces pages sur un personnage aussi mineur que cette Rose, la petite amie du chirurgien Virgilio, qui fracasse tout chez lui à l’annonce du message « urgence don d’organes »).
Le récit regorge de descriptions médicales, et moult détails sur les opérations de prélèvement : c’est certes intéressant, et chapeau pour la recherche documentaire et la maîtrise de son thème par l'auteur (je me suis demandée si elle n'avait pas fait médecine !) mais encore faut-il avoir un certain goût pour la littérature médicale. Je reconnais avoir admiré la maîtrise de son sujet par Maylis de Kerangal quand celle-ci fait allusion à cette île près du Japon où "l'on archive les battements du coeur humain, ces empreintes cardiaques collectées dans le monde entier, déposées ou enregistrées là par ceux qui auront fait tout le voyage" (p.189).

Paru en janvier 2014, "Réparer les vivants" était le roman de l'actualité médicale puisque venait d'avoir lieu la première greffe d'un coeur artificiel sur un patient qui décédera quelques semaines plus tard. Au moment où je finissais ce livre, j'apprenais le même jour qu'une nouvelle demande d'autorisation pour reprendre l'essai d'implantation d'un coeur artificiel "bioprothétique" était déposée.

Avec ce livre, j'ai eu l'impression de lire un documentaire sur la transplantation cardiaque, plutôt que de m'évader en lisant un roman, ce que je cherchais davantage. En conclusion, je pense que j’aurais fort bien pu me passer de cette lecture, qui a pourtant été couronnée du Grand Prix RTL-Lire et du prix "Roman des étudiants France Culture-Télérama"…

Extrait : "L’arrêt du cœur n’est plus le signe de la mort, c’est désormais l’abolition des fonctions cérébrales qui l’atteste. En d’autres termes : si je ne pense plus alors je ne suis plus. Déposition du cœur et sacre du cerveau - un coup d’Etat symbolique, une révolution." (p.44)

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