dimanche 1 juin 2014

T. Morrison : "Home" - P. Auster : "Winter Journal"

J'ai lu dans la foulée en anglais deux livres de grands auteurs américains contemporains, l'un très prenant ("Home"), et l'autre plutôt... soporifique ("Winter Journal")

Toni MORRISON : "Home" ***** 

Prix Nobel de littérature en 1993 (+ prix Pulitzer Fiction en 1988 pour "Beloved")

Quel beau roman, un texte court d'environ 150 pages, superbement écrit, que l'on ne peut lâcher avant d'avoir fini de cheminer aux côtés de Frank Money, vétéran noir, médaillé, de la guerre de Corée, cassé par la guerre mais habité par le souvenir de sa petite soeur restée en Géorgie, son fil rouge qui le ramène at home...
Toni Morrison choisit les mots simples et justes pour décrire l'Amérique des années '50, la ségrégation, la pauvreté rurale, le désarroi des vétérans (aujourd'hui on parle des troubles de stress post-traumatique pour les soldats revenus de la guerre en Irak).

Le livre commence par une scène étrange, deux enfants cachés dans les herbes qui observent des combats de chevaux, du bruit, des va-et-vient, un corps jeté en terre et un pied nu et noir qui dépasse... Je n'ai compris cette scène qu'à la fin du roman, et j'ai relu le début : je pense que l'auteur a sciemment construit sa trame pour ne dévoiler qu'à la fin le sens du début. 
Frank rentre donc de la guerre et échappe à l'hôpital psychiatrique et un sort plus terrible selon le pasteur blanc qui le recueille quelques heures avec tant d'humanité. S'ensuit la traversée du pays en se cachant des autorités, des gangs, en faisant quelques belles rencontres, mais sans jamais connaître le repos de l'esprit, toujours assailli de cauchemars et de flashes de la guerre. Une petite fille qui se nourrit des restes jetés par les soldats, un bout d'orange pourrie...
Progressant vers sa Géorgie natale au secours de sa petite soeur Ycidra (Cee) tombée entre les mains d'un médecin Dr Jekyll et Mr Hyde, qui s'essaie à l'eugénisme. Les personnages sont si bien décrits (la gouvernante qui cohabite avec Cee et alerte Frank au péril de son emploi, la jeune costumière qui héberge Frank, le pasteur et sa femme, la terrible grand-mère pire que Folcoche, les femmes du village solidaires pour soigner Cee...).

Frank est parti faire la guerre avec ses deux copains pour quitter ce lieu pourri sans avenir. Les deux copains sont morts, Frank est médaillé mais porte un si lourd secret. Finalement, c'est en rentrant dans sa petite ville qu'il détestait plus que tout que Frank pourra tourner la page et se sentir enfin quelque part, à la maison.

Chapitre 17 :
I stood there a long while, staring at that tree. It looked so strong So beautiful. Hurt right down the middle But alive and well. Cee touched my shoulder Lightly. Frank ! Yes ! Come on, brother. Let's go home.
Paul AUSTER : "Winter Journal" *****
(2012, Picador Editions, 209 p.) - "Chronique d’hiver"  pour l'édition française

Dans ce roman autobiographique, Paul Auster, 64 ans mais le regard toujours aussi ténébreux, se raconte à la deuxième personne du singulier ("You / Tu...") et c'est déjà assez singulier.
Il se raconte au travers des souvenirs de son corps : ses premiers bobos, sa blessure à la joue, le coup sur la tête etc.
"A history of his body and its sensations… “That is where the story begins, in your body, and everything will end in the body as well.” Après les bobos du corps, Paul Auster nous décrit ses blessures psychiques, ses crises d'angoisse : You lay on the floor and howled, howled at the top of your lungs, howled because death was inside you, and you didn’t want to die.” (p.29)

J'ai trouvé le texte trop décousu et trop nombriliste (ben oui il parle de son corps) et ennuyeux si je puis me permettre : tous les bobos et l'apprentissage du petit Paul, puis Paul marié, son grand amour en secondes noces : Siri Hustvedt, flashback Paul ado en voyage vers la France, Paul ceci Paul cela... Paul habite ici puis déménage là... Quel intérêt ? Selon moi, ce livre est à réserver aux inconditionnels de Paul Auster. Et de surcroît, l'édition que j'ai lue en anglais est affreuse : texte ultra serré, quasiment aucune marge, pas de paragraphe : je me sentais avalée par la mise en page si dense.


NB : De son épouse Siri Hustved, je n'ai lu que le roman "Tout ce que j’aimais" (2003) : pas du tout accroché, roman limite déprimant avec New York en toile de fond...

--> Page "Lectures d'Amérique du Nord"

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