Un livre très dur, qui laisse complètement KO.
Et pourtant cela commence si joliment... Harriet et David sont de jeunes mariés dans l'Angleterre des années '60, bien décidés à s'envoler pour une vie idéale. Le conte de fées commence par l'achat d'une immense maisonnée en banlieue de Londres, destinée à résonner des babils d'enfants et à accueillir à tour de bras les amis et la famille pour de fastueux banquets.
Les enfants justement naissent à tour de bras aussi ! Harriet enchaîne les grossesses et ce sont bientôt quatre enfants qui égaient la maisonnée. Heureusement que la famille de David est plutôt fortunée, mais tout de même...
A peine remise de son quatrième, Harriet se trouve à nouveau enceinte. Toutefois, rien ne se passe comme les grossesses précédentes, ce cinquième enfant à naître lui tord le ventre de douleur et la vide de son énergie. Harriet se gave de sédatifs pour calmer cette chose qui déchire tout en elle. La naissance n'est pourtant pas un soulagement : le bébé, Ben, est énorme, sa tête semble difforme, et l'appétit de ce bébé est incommensurable. Il est d'une voracité telle qu'Harriet a la poitrine meurtrie et les biberons doivent s'enchaîner quasi sans pause.
Ben grandit tandis que le doux cocon familial commence à s'effilocher. L'enfant abrite une violence terrible. Le petit chien et le chat sont retrouvés morts. Les parents installent des verrous sur les portes des chambres, angoissés à l'idée que Ben puisse s'introduire dans les chambres de ses frères et soeurs.
Bientôt, il n'y a plus de joie, plus de désinvolture, moins de réceptions, même la famille appréhende cet enfant. Ben petit à petit a cassé la bonne humeur du couple, qui se distend, et la vie de famille.
Son père est persuadé que Ben est une sorte d'alien, et décide de remédier par les grands moyens en le faisant interner dans un établissement psychiatrique. L'instinct maternel d'Harriet la pousse cependant à récupérer son enfant, dans une scène dont la lecture est terrible : Ben est enfermé nu dans une pièce, attaché par une camisole de force, baignant dans sa saleté. Ce sont les années soixante / soixante-dix, les traitements par électrochocs sont encore très utilisés et Ben en a eu son compte.
Le retour de Ben à la maison vire au cauchemar. Ne communiquant pas avec ses parents, il apprécie cependant de traîner avec une bande de jeunes d'au moins 10 ans de plus que lui, et fait comme eux les quatre cents coups. D'asocial, il sombre dans la délinquance. La vie de famille a éclaté, les autres enfants s'échappent de la grande maison pour l'internat ou rejoindre les grands-parents. Cette immense bâtisse n'abrite plus aucun sourire, mais une immense angoisse. Une maison vide, surdimensionnée, et que David et Harriet n'ont plus les moyens ni le goût d'entretenir. Le conte de fées a viré au cauchemar. Chaque once de bonheur s'est disloquée.
Je dois admettre avoir lu ce roman avec une grande naïveté : j'ai cru tout ce que je lisais, la grossesse infernale, hors normes, de Harriet, la scène de l'internement qui m'a fait penser à "Vol au dessus-d'un nid de coucou", la monstruosité sourde qui habite Ben. J'ai tout pris au 1er degré ! Ce n'est qu'en discutant avec d'autres lecteurs que la dimension fantastique de ce roman m'a été révélée. Mais quand même, Doris Lessing a écrit un récit cauchemardesque, autour d'un enfant "différent" qui meurtrit son entourage et détruit tout autour de lui. On ne peut jeter la pierre à sa mère, qui s'accroche à la parcelle d'amour maternel qui subsiste en elle. Le restant de la famille a fui devant le "monstre". Personne n'a pu ou su s'adapter, mais à leur décharge, comment réagir devant la violence extrême de ce cinquième enfant, qui ne cherche aucune forme de communication affectueuse mais sème la terreur.
Il existe une suite à ce roman : en ce qui me concerne, la lecture du "Cinquième enfant" m'a laissé un tel goût amer que je ne me sens absolument pas capable d'embrayer sur la suite de la vie de Ben.
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