***** "All That Is Solid Melts Into Air", traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, Ed. Belfond, 432 p.
Réf géogr : ex-URSS (lieu) / Irlande (auteur) 💗💙💚💛💜Je mets 5 étoiles à ce roman car à la fois l'histoire, le style, les personnages, le message en filigrane... le méritent amplement.
Tout cela, ce s'est passé il n'y a pas si longtemps (pour ma génération) : URSS, 26 avril 1986, et pas si loin de nous (mais heureusement que les frontières faisaient miraculeusement barrage aux nuages radioactifs 😩).
L'accident de Tchernobyl (située à 2500 km de chez nous) n'a été annoncé en France qu'à partir du 28 avril 1986 : on nous a bien recommandé de ne pas manger de salade. Et en Autriche, il était recommandé de ne surtout pas s'allonger dans l'herbe.
J'ai trouvé incroyable que le romancier soit... un Irlandais... écrivant là son premier roman : Darragh McKeon.
Tchernobyl vu sous l'angle méconnu des "liquidateurs", ces premiers hommes à porter secours, à colmater, à intervenir ici et là : des hommes sacrifiés, sans combinaison, oeuvrant parfois à mains nues. Sans conscience du danger extrême à l'exception de quelques-uns, comme Grigori le chirurgien, conscient mais totalement impuissant face au mur de silence des autorités.
"Dans un minuscule appartement de Moscou, un petit prodige de neuf ans joue silencieusement du piano pour ne pas déranger les voisins. Dans une usine de banlieue, sa tante travaille à la chaîne sur des pièces de voiture, et tente de faire oublier son passé de dissidente. Dans un hôpital non loin de là, un chirurgien s'étourdit dans le travail pour ne pas penser à son mariage brisé. Dans la campagne biélorusse, un jeune garçon observe les premières de l'aube, une aube rouge, belle, étrange, inquiétante. Nous sommes le 26 avril 1986. Dans la centrale de Tchernobyl, quelque chose vient de se passer. La vie de ces quatre personnages va changer. Le monde ne sera plus jamais le même..."Tchernobyl vu sous l'angle méconnu des "liquidateurs", ces premiers hommes à porter secours, à colmater, à intervenir ici et là : des hommes sacrifiés, sans combinaison, oeuvrant parfois à mains nues. Sans conscience du danger extrême à l'exception de quelques-uns, comme Grigori le chirurgien, conscient mais totalement impuissant face au mur de silence des autorités.
"Le garçon s'éveille, regarde la grande aiguille, suit son lent parcours circulaire jusqu'à ce qu'elle marque 5 heures, ce qui l'autorise à repousser ses couvertures et à sortir dans la lumière qui précède l'aube. Elle est différente aujourd'hui. Mélange de mauves et de jaunes, de tons d'un riche rubis qui au moment où il s'éveillait l'ont amené à se demander s'il n'avait pas dormi trop longtemps: l'aube était déjà là, c'était certain."
"Elles sont si curieuses les couleurs qui filtrent aujourd'hui à travers la vitre, si différentes des autres matins, elles donnent à chaque aspect de la pièce un air précieux, à croire que pendant son sommeil leur maison est devenue riche. Ses chemises usées paraissaient taillées dans du bois exotique. Il cherche le mot adéquat pour décrire cela à sa mère ce soir, au moment du dîner, mais il ne le connait pas encore.. Quand elle le lui apprendra plus tard, il le dessinera sur ses lèvres, se le répétera en silence, "lumineux", la forme des syllabes faisait ressembler sa bouche à celle d'un poisson." (p.64)
"Il ouvre les paupières et le ciel emplit ses rétines, un ciel d'un rouge profond. On croirait que la croûte terrestre s'est retournée, que la lave incandescente est en suspens au-dessus de la terre." (p.65)
"Mais bientôt la forêt est devenue rouge, les feuilles rutilaient. Youri se souvenait que le père d’Artiom en avait ramassé une en déclarant : « Mère Nature saigne »."
"Au bout de trois jours, ils portaient en permanence des habits radioactifs. Après les deux premières semaines, les officiels ont décidé de ne pas remplacer les liquidateurs pour ne pas en sacrifier d'autres. Au cours des réunions d'organisation du travail de la journée, chaque matin, ils calculaient combien de vies ils avaient besoin pour telle tâche spécifique. Deux vies pour ceci, quatre pour cela. C'était comme un cabinet de guerre, quand les hommes se prennent pour Dieu. Le pire, c'est que cela n'a servi à rien.les premiers liquidateurs ont dû malgré tout être remplacés, car à la fin ils étaient trop malades pour continuer le travail." (p.361)
"Parfois, Maria relève la tête et une journée s’est écoulée, parfois, c’est un mois. Presque tous les soirs, Alina, sa sœur, lui demande comment ça s’est passé, aujourd'hui, et elle répond : « Rien de spécial. » Et ils s’additionnent, ces jours sans rien de spécial. Quand on se retourne sur eux, même deux semaines plus tard, on n’y découvre pas le moindre signe distinct."
Sur la catastrophe de Tchernobyl : le beau film "La terre outragée". Il y est aussi question d'un petit garçon de 9 ans, Valery, qui pour célébrer son anniversaire, le 26 avril 1986, plantait avec son père un petit pommier au bord de la rivière près de la centrale. Le père de Valery ? un ingénieur de la centrale...
Par ailleurs, il faut lire l'excellent roman d'Antoine Volodine "Terminus radieux" (mon roman préféré de l'année 2015...), où ce sont quasiment toutes les centrales nucléaires qui les unes après les autres explosent et irradient toutes les régions d'URSS.
--> mes lectures "Europe de l'Est Russie Ukraine"...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire