Prix Fémina Etranger 2012
Ed. 10/18, traduit par Carine Chichereau, 148 p.
Un petit livre bien surprenant... et passionnant.
L'histoire véridique des picture brides, des milliers de jeunes japonaises qui s'exilent de leur pays au début du 20e siècle pour aller épouser quelque compatriote japonais immigré en Californie, dont elles ne connaissent que la photo.
Ces jeunes idéalistes pensent voguer vers le bonheur, la richesse et l'amour.
Elles découvriront la pauvreté, la brutalité de leurs maris, un labeur dur et incessant dans les champs ou dans le réduit d'une blanchisserie, la maternité puis le lien qui se distend avec leurs enfants américanisés, et le racisme, et la suspicion puis la condamnation.
J'ai pensé souvent à John Steinbeck et ses chroniques de misère en Californie.
L'originalité du roman tient au sujet, sidérant, et au mode de narration choisi par l'auteur : elle ne raconte pas l'histoire d'une de ces picture brides, mais fait parler tour à tour nombre de ces exilées, de façon anonyme ou parfois en spécifiant quelques noms.
C'est donc un roman choral qui retranscrit les témoignages poignants de jeunes japonaises livrées au même sort. Je reconnais que cet usage du "nous" collectif tout au long du roman peut déstabiliser le lecteur, mais rapidement le propos prend le dessus.
Le tournant du roman intervient avec l'attaque japonaise de Pearl Harbour en 1941. Aussitôt, toute la communauté immigrée de Californie devient suspecte, et l'on découvre la chasse aux sorcières qui diabolise l'homme de main japonais, le jardinier japonais, le cuisinier japonais, le fermier japonais...
Les maris disparaissent, les femmes et les enfants sont ostracisés et se terrent.
Puis c'est l'ordre d'interner toute la communauté japonaise dans des camps situés dans le désert ou dans les Etats de l'intérieur (les terres à betteraves ont besoin de main-d'oeuvre...). Ces gens abandonnent leurs maigres biens si chichement amassés, les jeunes qui s'étaient américanisés doivent renoncer à l'Amérique, et tous sont parqués jusqu'à la fin de la guerre.
Leurs quelques voisins et amis américains manifestent bien un peu d'inquiétude, mais ce sentiment cédera vite la place à l'oubli.
Je ne connaissais pas cette page de l'histoire des Etats-Unis, terre d'immigration.
Julie Otsuka est née en Californie en 1962, et son grand-père et sa famille connurent l'internement dans un camp de l'Utah. Elle explique dans une interview (Huffington Post, 23/04/2013) qu'il lui fallut 8 ans pour écrire ce récit, extrêmement bien documenté.
NB : Isabelle, tu DOIS lire ce livre si ce n'est déjà fait !
--> Voir ma page de lectures d'Asie et Océanie...
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