Suède - Genre : INOUBLIABLE road movie senior - culte... humain,
Fredrik, un ancien chirurgien vit seul sur son île de la Baltique depuis qu'il a abandonné son métier à l'âge de 51 ans.
Son seul rendez-vous quotidien est un bain glacé, un rituel, et la visite du facteur hypocondriaque (jamais de courrier mais consultation gratuite).
Le salon de Fredrik est envahi par une fourmilière monumentale qui chaque jour prend davantage ses aises. Il s'est fait à cette vie d'ermite. "Mais cela me plaît que quelques rochers dénudés à fleur d'eau puissent s'appeler ainsi. Quelquefois je me figure que les arbres murmurent, que les fleurs chuchotent, que les buissons fredonnent des mélodies mystérieuses et que les églantines, dans les crevasses derrière le pommier de ma grand-mère, font résonner des notes pures sur des instruments invisibles. Alors pourquoi des îlots ne soupireraient-ils pas ?".
Fredrik, un ancien chirurgien vit seul sur son île de la Baltique depuis qu'il a abandonné son métier à l'âge de 51 ans.
Son seul rendez-vous quotidien est un bain glacé, un rituel, et la visite du facteur hypocondriaque (jamais de courrier mais consultation gratuite).
Le salon de Fredrik est envahi par une fourmilière monumentale qui chaque jour prend davantage ses aises. Il s'est fait à cette vie d'ermite. "Mais cela me plaît que quelques rochers dénudés à fleur d'eau puissent s'appeler ainsi. Quelquefois je me figure que les arbres murmurent, que les fleurs chuchotent, que les buissons fredonnent des mélodies mystérieuses et que les églantines, dans les crevasses derrière le pommier de ma grand-mère, font résonner des notes pures sur des instruments invisibles. Alors pourquoi des îlots ne soupireraient-ils pas ?".
Un jour, une femme fatiguée, munie d'un déambulateur, débarque sur l'île : c'est Harriet, la femme que Fredrik avait jadis abandonnée. Atteinte d'un cancer, Harriet obtient de Fredrik qu'il l'emmène voir un lac dont il lui avait parlé autrefois. Le trajet les confronte, et les rapproche. Harriet boit en cachette pour surmonter la douleur, Fredrik souffre de la voir souffrir. Il réalise que la solitude qu'il s'était imposée sur son île est un leurre : "Je ne voulais pas être un homme qui se trempait dans un trou d'eau glacée pour vérifier s'il était encore vivant".
La quête du lac en plein hiver à travers monts et forêts n'est pas une mince affaire, c'est la partie que j'appelle (gentiment) "road movie senior", avec son lot de péripéties, d'anecdotes, de confrontations amères à la réalité.
Sur le chemin du retour, Harriet demande à Fredrik un autre détour... jusqu'à un petit village et une caravane dans un champ. A l'intérieur : Louise, la fille qu'Harriet lui avait cachée, son secret et sa vengeance à elle, devenus à l'aube de sa mort, son remords.
"Soudain la porte de la caravane s'est ouverte. Une femme est apparue Elle portait un peignoir rose et des escarpins à haut talon. Difficile de dire son âge. (...). Je te présente ma fille, dit Harriet. (...) Je te présente ton père, a dit Harriet à sa fille."
"C'est la première chose que m'a demandée ma fille. D'aller chercher deux seaux d'eau. Je suis content qu'elle n'ait rien dit de plus. Elle aurait pu me crier de disparaître, ou encore manifester une joie déraisonnable d'avoir enfin rencontré son père. Mais elle m'a juste demandé d'aller chercher de l'eau. Je n'ai rien répondu. J'ai ramassé les seaux et je suis parti dans la neige. Je me suis demandé si elle avait l'habitude d'aller chercher de l'eau en peignoir de bain et talons hauts. mais surtout, j'aurais voulu savoir ce qui avait bien pu se passer tant d'années plus tôt, et pourquoi on ne m'en avait rien dit."
Fredrik découvre donc soudain qu'il est père d'une fille de 37 ans, qui vit dans une caravane en talons hauts .. et vice versa, Louise se retrouve face à un père vivant - sa première joie sera de photographier ses deux parents ensemble... Et sa deuxième de présenter à son père le bottier italien qui vit au village, artiste de la chaussure, la confection d'une paire lui prenant une année. Louise commande une paire de chaussures italiennes pour son père.
"Une vieille femme avec un déambulateur sur la glace, une fille inconnue dans une caravane. A l'âge de 66 ans, tout ce que je croyais réglé et figé une fois pour toutes commençait soudain à bouger et se transformer." Ces retrouvailles familiales réveillent le passé de Fredrik, quand, chirurgien, il commit une erreur médicale et amputa d'un bras une nageuse émérite, Agnes...
Avec tous ces nouveaux événements qui l'ont ramené à la "vie sociale" ou à la vie tout court, Fredrik décide alors de retrouver Agnes et de demander son pardon. C'est une nouvelle histoire émouvante qui s'insère alors dans le récit... Agnes, handicapée d'un bras, consacre sa vie, son temps, sa maison à des jeunes filles en souffrance, en se heurtant à l'hostilité des voisins choqués de côtoyer un foyer de "délinquantes"... Ils font tous deux connaissance.
Puis Fredrik retourne à sa vie tranquille sur son île, avec sa chatte et ses fourmis, et une nouvelle chienne, la vieille chienne est morte. Et un jour au printemps, débarquent Harriet, Louise et la caravane sur un bac.
Harriet qui vit ses derniers moments, pourra connaître le bonheur de participer à une fête sur l'île où les quelques amis, le facteur, le garde-côte se joignent à eux. Puis elle s'éteint sur l'île.
Louise poursuit un temps ses activités parallèles (écrire ou crier son indignation aux "grands" de ce monde), puis revient s'installer sur l'île dans sa "caravane/coquille". Père et fille ont appris à s'aimer.
Et un jour le facteur apporte un paquet : les fameuses chaussures italiennes...
Et peut-être qu'un jour Agnes amènera "ses" filles sur l'île, loin du bitume et du voisinage méprisant. Aux côtés de Fredrik...
Ce livre est un bonheur de lecture.
Un extrait... (il y en aurait tant à mentionner... autant recopier le livre !)
"Sa voix était calme quand elle me répondit : Toute ma vie, j'ai eu froid. J'ai recherché la chaleur partout, dans les déserts et les pays tropicaux, mais j'ai toujours eu une petite stalactite accrochée au-dedans. Beaucoup de gens trimballent du chagrin, d'autres des inquiétudes. Moi c'était une stalactite. Toi c'est une fourmilière dans le salon d'une maison de pêcheur."
Voir aussi :
- Lectures nordiques
- Henning Mankell : "Profondeurs"
- Henning Mankell : "La lionne blanche" et "Le fils du vent"
- mes "ROMANS PREFERES"..., dont celui-ci fait partie