mardi 10 juillet 2012

Henning Mankell :" L'oeil du léopard"

***** 1990 - Réf. pays : Suède, Zambie (Ed. Seuil, Trad.  A. Ségol et M. Ségol-Samoy, 343 p.)
Genre : "Suède sans avenir, espoir en Afrique,  indépendance, fermiers blancs, croyances des ouvriers noirs, racisme, élevage de poules, chiens de sécurité, peur et palu, le salut dans le retour en Suède"...

Que dire ? Un roman du grand Henning Mankell écrit en 1990 et traduit en français seulement en 2012.
Entre-temps, Monsieur Mankell a commis la captivante série policière des Kurt Wallander (**** 💜) ainsi que des romans "sociaux" excellents (Comedia infantil *****💚, Le fils du vent ****, Les chaussures italiennes ***** 💙) ou intéressants (Tea Bag ***, Profondeurs ***)
Et plus récemment des livres que j'ai moins appréciés (Le cerveau de Kennedy *, et le très décevant Le Chinois *). 

Alors ce "nouveau vieux" roman de HM participe de l'engagement politique de l'auteur sur l'Afrique, comme le furent Comedia infantil, Le fils du vent, Le Chinois (et dans un registre différent puisque policier et non social : La lionne blanche *****💛).

Les critiques parlent de roman "crépusculaire" pour ce livre. Oui, Hans n'a pas trouvé de solution, il retourne à la case départ, et rentre en Suède où pourtant rien ni personne ne l'attend plus. C'est un roman engagé, qui décrit sans détours la relation entre Noirs et Blancs des années '80 et '90 en Zambie (ce pourrait être au Mozambique, au Zimbabwe...).
Toutefois, le personnage de Hans n'inspire pas d'empathie ou de sympathie : on lit le roman sans s'identifier à cet homme désespérément seul, sans pouvoir ressentir ses émotions. Aussi, parfois, la lecture en devient pesante et l'intérêt pour la suite de l'histoire et le sort de Hans quelque peu vacillant. Reste l'intérêt pour un récit qui aborde la Zambie (le seul livre que j'aie lu concernant ce pays) aux lendemains de l'indépendance.

Le roman : Hans Olofson grandit dans un village de Suède, aux côtés de son père, ancien marin à présent bûcheron dépité et alcoolique, tandis que sa mère a abandonné la famille. La maison est illuminée par un seul mais si important objet : la Celestine, un trois-mâts dans une bouteille rapporté par le papa de Mombasa. Le papa entretient son fils de ses voyages de par le monde, et le petit "percevait l'odeur de suie à Bristol, voyait l'indescriptible saleté de l'Hudson River, sentait la mousson changeante de l'océan Indien, admirait la beauté menaçante des icebergs et entendait le cliquettement des feuilles de palmiers. (p.25)
Enfant, près de la briqueterie, Hans a une révélation : "Il avait compris l'inutilité de se dérober. Il avait une vie devant lui, une seule, et, tout au long de cette vie, il serait lui." (p.19).
Son meilleur ami est un fils de bonne famille, Sture. Ils font des bêtises ensemble, et se moquent de Janine, une jeune femme du village qu'un accident a laissé sans nez. Peu à peu, Janine les amadoue, et devient leur confidente, sa maison leur refuge. Et les jeunes garçons de s'amouracher un peu.
Puis c'est l'accident qui laisse Sture paralysé, la colonne brisée.
Hans poursuit son triste chemin de vie au village entre petits boulots et études, puis les grandes études de droit à la ville, pour "défendre les circonstances atténuantes". Un fugace rapprochement avec Janine, une dispute, le retour à la ville, et Janine décide de se noyer. Hans cherche le sens à sa vie. "Existe-t-il véritablement  des solutions à la vie ? Qui pourrait lui chuchoter le mot de passe ?" (p.163)

Un matin de 1969, Hans s'en va pour l'Afrique, là où Janine rêvait de marcher sur les traces d'un ancien missionnaire suédois.
Il s'associe avec une veuve propriétaire d'une ferme avicole, qui abattue par les crises de palu, lui vend la propriété et rentre au pays. Hans, se réalise dans son travail : il "se rend compte qu'il se réveille souvent le matin débordant de joie. Pour la première fois de sa vie, il est chargé d'une mission, même si celle-ci ne consiste qu'à vérifier le départ de voitures chargées d'oeufs." (p. 165)

Mais parallèlement, Hans découvre le filet de haine qui sépare en Afrique Noirs et Blancs. "Même quand il se réveille en pleine nuit, il sent un petit filet de haine s'infiltrer à travers les mailles de la moustiquaire". (p.143).
Malgré sa bonne volonté et ses tentatives humanistes d'alléger la peine de ses ouvriers, Hans renoncera à ses idéaux et sombrera dans les affres de l'Afrique dévorée par la haine et l'affrontement entre les anciens colons blancs et les nouveaux peuples indépendants noirs. Il est finalement si seul en Zambie, comme il l'était en Suède. Son seul vrai ami était un Noir qui, dans les ténèbres, revêtait la peau de léopard des anciens indépendantistes. Ce faux-ami voulut le massacrer comme il avait massacré des fermiers blancs voisins, et Hans dut le tuer pour se défendre. L'Afrique l'a même trompé dans ses amitiés, et l'Afrique, se rend-il compte aussi, corrompt même des coopérants expatriés qui profitent outrageusement de ses ressources. (La coopération internationale en prend un coup au passage).


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