lundi 2 septembre 2013

Rwanda 1994 : Descente aux enfers (BD)

***** Scénario : Cécile Grenier & Ralph – Dessin : Pat Masioni
(Tomes 1 et 2 réunis, Ed. Les intégrales, 2009 - 140 p.)
Je me suis intéressée à cet album après avoir lu Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga, roman dans lequel cette auteure qui situait son récit vers la fin des années 70, préfigurait le futur génocide 20 ans plus tard.
L’album « Rwanda 1994 » illustre de façon réaliste les événements qui s‘enchaînent dramatiquement à partir d’avril 1994. Cécile Grenier, la co-scénariste, explique avoir effectué de longues recherches et passé 7 mois au Rwanda, et choisi le support de la bande dessinée car c’est « un moyen pudique et fort de transmettre l’indicible ». 


Justement, je venais de terminer la lecture d’une autre bande dessinée relatant d’aussi terribles drames : "MAUS" d’Art Spiegelman, qui avait utilisé la bande dessinée pour apporter un regard différent sur la Shoah, et j’avais pensé que cette lecture en format BD apportait un complément de vision sur le sujet par rapport aux documentaires, récits et romans déjà publiés.

Cécile Grenier ajoute en préface et en fin d’album un dossier instructif résumant l’histoire du Rwanda (j’ai cependant regretté que ce dossier ne mentionne pas les dates des différents épisodes retenus). Dans ce dossier comme dans la bande dessinée, ressort la mise en cause de la France (sous la présidence de F. Mitterrand, seconde période de cohabitation avec E. Balladur Premier ministre) et de l'armée sur place durant le génocide. Cela reste une période encore sous l’emprise de la loi du silence. La BD dépeint sans fards l’attitude de la France et cela ne peut qu'interpeller très fortement le lecteur. Cependant, la mise en cause de l'hexagone prend des proportions extrêmes, ce qui surprend.

La donne a changé, politiquement, économiquement stratégiquement... presque 20 ans plus tard, et la France a lancé une intervention militaire au Mali. Mais il est là question de terrorisme et conflits religieux. Au Rwanda, on peine encore à comprendre l'engrenage de l'épuration d'une ethnie par une autre.

Quelques repères sur l'histoire du Rwanda extraits du dossier de C. Grenier :
- Ancienne colonie allemande depuis la fin du 19e siècle, puis mandat à la Belgique confié par la Société des Nations après la 1e guerre mondiale. Décision de la Belgique et des autorités religieuses d'émanciper les Hutus et mise en place du président Kayibanda représentant le "peuple hutu majoritaire".
- 1959 : la révolution sociale, massacres de Tutsis
- L'autorité belge imposa la mention de l'ethnie sur les papiers, des quotas furent imposés.
- Le "petit génocide de 1973"
- Dans les années '70, la France signa des accords de coopération militaire avec le Rwanda.

--> Voir ma p'tite chronique BD ...
... Le dernier album lu était l'excellent Quai d'Orsay / Chroniques diplomatiques (qui relatait le refus de la France de la guerre en Irak alors qu'ultérieurement il sera avéré que l'Irak ne détenait pas d'armes chimiques) : un titre hélas d'actualité au moment où se discute une intervention occidentale en Syrie à la suite de soupçons d'attaque chimique. La diplomatie est à hue et à dia, le précédent de l'Irak a laissé des traces.

2 commentaires:

  1. Cet album est indécent dans sa transcription des massacres, qui par son coté répétitif, écoeure, lasse au lieu d’émouvoir et sensibiliser. Sur ce plan là, c’est complètement raté.
    nLa dénonciation des "crimes" des soldats français est grotesque et irresponsable. La France porte une très lourde responsabilité dans le génocide rwandais, c’est une évidence. Qu’elle le reconnaisse, serait une bonne chose. Mais,bien évidemment, ces soldats n’ont pas commis toutes les horreurs (viols, massacres, actes de racisme) "dénoncées" dans cet album. En particulier durant l’opération turquoise qui fourmillait de journalistes, d’humanitaires et qui s’est faite "au contact" des troupes du FPR (Front Patriotique Rwandais qui dirige le Rwanda actuel). Le fait que cette Bd reprenne les accusations d’une commission rwandaise qui vient de remettre en août son rapport à charge contre la France souligne la nécessité de prendre avec des pincettes ce genre d’accusations. Dans les relations franco-rwandaises, on nage en plein fantasme et manipulation. Que la france soit franchement coupable en ayant soutenu jusqu’au bout le régime génocidaire rwandais, est un fait, selon moi, quasi avéré. En rajouter outrageusement comme le fait cet album, c’est se tromper de cible. Comme l’a dit Stassen : quand les rwandais se sont massacrés, il n’y avait plus un blanc au Rwanda. Ce qui est vrai, l’armée française avait évacué les ressortissants étrangers trois jours avant le début du génocide. Leur présence à des barrages durant le génocide est impossible : ils ne sont tout simplement plus là !!! C’est bien d’ailleurs le principal reproche que les rwandais ont fait durant des années à la communauté internationale, en particulier à la France : "vous nous avez abandonné !" et non "vous nous avez massacrés !"

    suite...

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  2. suite...

    nQue Cécile grenier se soit faite manipuler ou que sa sincère empathie envers le peuple rwandais l’ait amené à croire sur parole ce que des rescapés ont pu lui raconter, ne l’obligeait pas à en faire une bande dessinée. Il aurait mieux valu passer par un autre genre comme un récit de témoignages. Le public qui achète, dans ce cas là, sait à quoi s’attendre. Mais là, passer par une BD en spécifiant en avertissement que les faits sont véridiques, c’est se tromper de support.
    nLe choix de Pat Masioni est inconséquent. Congolais (RDC) réfugié en france, Pat ne pouvait refuser de dessiner un dyptique chez albin Michel. Mais cela aurait été plus intelligent de lui faire dessiner un autre album plutôt qu’une histoire qui fait la quasi-apologie du FPR et de son armée. Quand on sait ce que la RDC subit depuis près de 10 ans de la part du régime en place au Rwanda (4 millions de morts), faire dessiner cette histoire par lui est dangereux pour son intégrité physique si un jour il lui prend l’idée de revenir dans son pays. Ces deux albums lui colleront à la peau par la suite dans un pays où les esprits sont chauffés à blanc. Comme l’a écrit son compatriote Barly Baruti (Mandrill, Eva K.) : "C’est bien dommage qu’on se soit servi de la bande dessinée...et d’un dessinateur de BD CONGOLAIS (du reste très talentueux !) pour parler de la triste histoire du Rwanda. "
    nLa fin de l’histoire avec ses raccourcis historiques (la fin complètement tronquée des camps de réfugiés de RDC (ex-Zaïre) alors que c’est d’une importance historique capitale) laisse planer un véritable malaise s’agissant d’un album qui se veut fidèle à la vérité.
    nMalheureusement, la post-face de Cécile grenier donne les clefs de tous ces manques et incohérences : en fait, sur un sujet aussi sensible, complexe et dangereux, Cécile grenier est sincère mais elle n’y connait tout simplement rien.... Son texte le démontre : elle écrit que le pouvoir rwandais est "démocratique mais fort" alors qu’il s’agit tout simplement d’une dictature militaire (il suffit de lire les rapports d’Amnesty), que les élections ont "légitimé le président" alors qu’il a été élu à 95% des voix et reconnu du plus petit bout du bout des lèvres par la communauté internationale, elle parle de miracle économique alors que plus de la moitié du budget est constitué d’aide internationale, parle des promoteurs du génocide toujours actifs, alors que 14 ans après, quand ils ne sont pas morts, les quelques groupes de hutus opposants cherchent tout juste à survivre dans la jungle, etc..... Et surtout, alors que le texte parle du Rwanda post 94, elle ne dit pas un mot, pas une virgule, pas une plus petite allusion à la guerre en RDC que le Rwanda mène depuis 10 ans et qui a, je le répère, causé la mort de 4 millions de personnes.
    nJe pourrai en écrire encore beaucoup tellement la lecture de ce 2ème tome m’a révulsé et stupéfait (et je passe sur la scène du pédophile européen cherchant sa proie dans une ville en plein pillage, au milieu des massacres, alors que Kigali avait été évacué de ses habitants occidentaux...).
    nPardon mais n’est pas Stassen ou Spiegelman qui veut. Parfois il vaut mieux s’abstenir.
    CCH

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