Réf. géographique : Canada / Québec / Manitoba / Pologne / R-U
Genre : Saga de l'exil depuis la guerre en Pologne vers l'espoir au Canada
Un roman de 565 pages, au style classique, qui se lit aisément, agréablement, et qui nous plonge au coeur de la Pologne durant la deuxième guerre mondiale, et du Canada des années 50.
L'auteur, Arlette Cousture, québécoise, explique avoir choisi une famille polonaise parce que la Pologne est francophile, et l'immigration polonaise est importante au Canada.
J'ai de fait beaucoup apprécié dans cette lecture de vivre la description des années polonaises précédant la guerre, d'une famille soudée, aimante, cultivée, artiste, humaniste. Et de les accompagner avec un oeil de plus en plus compatissant dans un quotidien terrible partagé par les Cracoviens pendant la seconde guerre mondiale.
L'ouvrage est très bien documenté, et les références historiques émaillent le récit sans trop l'alourdir.
L'exil vers le Canada est tout aussi richement détaillé, et l'on découvre en même temps que les personnages, ce Canada des années 40 et 50, la campagne manitobaine d'une part et la ville de Montréal d'autre part, sans que la question des langues qui distinguent les deux provinces ne soit d'ailleurs vraiment abordée dans ce roman.
J'ignorais tout des grandes inondations au Manitoba en 1950, de l'évacuation des populations et des retours douloureux dans leurs fermes ou maisons dévastées. Puis une invasion de sauterelles qui décima complètement toutes les cultures. La solidarité est mise à l'épreuve.
Le roman met aussi l'accent sur les "néo-Canadiens" (terme qu'utilise Arlette Cousture) issus de la précédente vague d'immigration lors de la première guerre mondiale : des Polonais qui ont francisé leur nom comme l'épicier Vavrow/Favreau, ont totalement adopté leur nouvelle terre d'accueil, mais gardent le souvenir de leurs racines et entretiennent un réseau de solidarité pour faciliter l'arrivée des nouveaux immigrants.
Le roman :
La première partie du roman nous décrit la vie d'une famille polonaise cultivée de Cracovie, le père est professeur à l'université, la mère musicienne, et les quatre enfants Jerzy, Elisabeth, Jan, et bébé Adam, jouent aussi merveilleusement bien du violon. La famille termine souvent la soirée par un petit récital, la musique les transporte et les soude. On a plaisir à partager ces moments d'une autre époque, d'un raffinement certain. Pourquoi cela m'a-t-il fait penser aux récits de la Comtesse de Ségur, pourtant d'une autre époque ? (Mon enfance s'est rassasiée de ces récits, je dévorais les "Comtesse de Ségur" en bibliothèque rouge et or !).
Puis survient la guerre, mais avant cela, la montée du national-socialisme en Allemagne, l'épisode si marquant pour le papa professeur d'université des autodafés allemands de 1933 : des milliers de livres brûlés car jugés hérétiques, dérangeants, non conformes à la pensée du national-socialisme aryen (par exemple : Brecht, Freud, Döblin, Einstein, Hasek, Kafka, H. et K. Mann, Marx, Musil, E-M Remarque, J. Roth, A. Schnitzler, S. Zweig, A. Gide, M. Proust, R. Rolland, H. Barbusse, E. Hemingway, U. Sinclair, J. London, J. Dos Passos, M. Gorki, I. Babel, Lenine, Trotsky, Maïakovski ...source : wikipedia).
Les personnages :
- Jerzy 17 ans s'engage, et rejoint l'Italie sous les ordres d'un commandement britannique, et bientôt faute de nouvelles, on le croira mort. Jerzy a été grièvement blessé au Monte Cassini, puis rapatrié sur Londres...
- Elisabeth et Jan, âgés d'une dizaine d'années, ne comprennent que par à-coups la menace de la guerre, mais l'arrestation de leur père, les restrictions, la faim, le froid les confrontent à une dure réalité. Jan cache dans ses chaussures des bouts de charbon ramassés dans la rue, et rentre les pieds en sang. Quasiment rien à manger à la maison. Pour ses 13 ans, Elisabeth se prend à rêver d'un bon repas (l'an passé, elle avait eu droit à une pomme ratatinée pour son anniversaire) et d'une belle robe...
- Le papa, arrêté lors d'une rafle à l'université, est libéré mais à présent sans illusions quant à l'avenir. Il est devenu un être triste et sans ressort aux yeux de qui le côtoie, mais en son for intérieur, il reste un Polonais patriote. Patiemment il retranscrit sous le manteau, devant l'ennemi, les cartes de la Pologne d'avant l'invasion, dans le but d'éclairer les jeunes et entretenir le patrimoine historique.
Puis survient la guerre, mais avant cela, la montée du national-socialisme en Allemagne, l'épisode si marquant pour le papa professeur d'université des autodafés allemands de 1933 : des milliers de livres brûlés car jugés hérétiques, dérangeants, non conformes à la pensée du national-socialisme aryen (par exemple : Brecht, Freud, Döblin, Einstein, Hasek, Kafka, H. et K. Mann, Marx, Musil, E-M Remarque, J. Roth, A. Schnitzler, S. Zweig, A. Gide, M. Proust, R. Rolland, H. Barbusse, E. Hemingway, U. Sinclair, J. London, J. Dos Passos, M. Gorki, I. Babel, Lenine, Trotsky, Maïakovski ...source : wikipedia).
Les personnages :
- Jerzy 17 ans s'engage, et rejoint l'Italie sous les ordres d'un commandement britannique, et bientôt faute de nouvelles, on le croira mort. Jerzy a été grièvement blessé au Monte Cassini, puis rapatrié sur Londres...
- Elisabeth et Jan, âgés d'une dizaine d'années, ne comprennent que par à-coups la menace de la guerre, mais l'arrestation de leur père, les restrictions, la faim, le froid les confrontent à une dure réalité. Jan cache dans ses chaussures des bouts de charbon ramassés dans la rue, et rentre les pieds en sang. Quasiment rien à manger à la maison. Pour ses 13 ans, Elisabeth se prend à rêver d'un bon repas (l'an passé, elle avait eu droit à une pomme ratatinée pour son anniversaire) et d'une belle robe...
- Le papa, arrêté lors d'une rafle à l'université, est libéré mais à présent sans illusions quant à l'avenir. Il est devenu un être triste et sans ressort aux yeux de qui le côtoie, mais en son for intérieur, il reste un Polonais patriote. Patiemment il retranscrit sous le manteau, devant l'ennemi, les cartes de la Pologne d'avant l'invasion, dans le but d'éclairer les jeunes et entretenir le patrimoine historique.
- Zofia, la maman, est tellement occupée : musicienne, elle donne des cours de violon pour gagner sa vie, en accordant à chaque élève une attention particulière. Maman de 3 enfants, à 40 ans, en pleine menace de guerre, puis pendant rationnements et arrangements difficiles de la vie quotidienne, elle tombe enceinte d'un quatrième, Adam.
- Adam, joyeux bambin, est partout ! Il est fripon, dégourdi, expressif, et si bien pris en charge par Elisabeth et Jan.
L'horreur de la guerre :
Cet équilibre familial maintenu autour des petits concerts, des arrangements avec un cultivateur pour quelques viandes et légumes, la concierge pour les visites, les leçons de violon etc. se trouve fragilisé par la réquisition soudaine d'une partie de l'appartement pour un officier allemand, Herr Schneider.
Personnage à la fois inquiétant et sympathique, qui se joint aux récitals en accompagnant la famille avec sa flûte, dont il joue excellemment. Mais quelle idée d'offrir au petit Adam un mini uniforme allemand... Et que signifie cette séquence des photos... Et je ne suis pas sûre d'avoir compris son véritable rôle dans la tragédie qui guette la famille : est-ce lui qui les a dénoncés ? Est-ce par remords qu'il leur conseille de quitter immédiatement la ville ?
Mais il est trop tard, les soldats allemands investissent l'appartement et massacrent le père, la mère et le petit Adam. Elisabeth et Jan avaient eu le temps de s'enfuir. Et commencent pour ces deux adolescents une longue marche à travers les Carpates, la peur au ventre, la faim qui les ronge, mais leurs violons toujours avec eux, ponctuée par une rencontre avec un autre jeune Polonais en fuite aussi, Marek. Marek et Elisabeth ont à peine le temps de tomber en amour, que le jeune homme meurt tragiquement, en sautant sur une mine alors qu'il cueillait des fraises pour Elisabeth.
Douleur incommensurable, la jeune fille devient mutique, son frère craint pour sa santé mentale et physique. Heureusement, il se rappelle le prêtre canadien ami de leur père qui leur avait rendu visite, aux jours heureux. Et, le frère et la soeur recueillis dans un camp de réfugiés, demandent à rejoindre le Père Villeneuve. Une nouvelle vie va commencer pour eux.
Le Canada :
Au Canada, Elisabeth est accueillie par une famille sympathique où elle peut poursuivre sa formation musicale et donner des cours de violon. Jan, confié à un fermier sadique, est maltraité, affamé. Son entêtement à demeurer chez ce fermier alors que le père Villeneuve pourrait le changer de point de chute, est surprenant (expliquez-nous, Madame Cousture !).
Parallèlement, le lecteur suit le chemin de Jerzy, soldat démobilisé mais claudiquant, orphelin puisqu'il a appris le massacre de sa famille et pense tout le monde mort, et qui entame lui aussi son exil vers le Canada, muni du violon de sa soeur. Jerzy tombe rapidement sous le charme d'une manitobaine d'origine polonaise, dont le père est fermier. Et dans cette petite communauté d'immigrés polonais, le père Villeneuve aura tôt fait de réunir les trois frères et soeurs.
J'ai un peu moins apprécié la suite du roman, car une fois la famille réunie, tous habitant dans la maison de Jerzy, Arlette Cousture a choisi de mettre en avant des dissensions fortes entre les deux frères. ces deux-là vont se chicaner sur tout et rien, pour finalement se fâcher et rompre toute relation.
Après tout ce qu'a vécu chacun de ces adolescents/jeunes adultes maintenant, leur survie, la séparation familiale, j'ai trouvé que jouer la carte de la dissension était "surfait" de la part de l'auteur, et peu crédible. Toujours est-il que Jan part s'installer à Montréal chez M. Favreau l'épicier "néo-canadien" de la première vague. Et que, ô surprise aussi, Elisabeth pourtant sur le point de se fiancer au Manitoba, décide de suivre son frère à Montréal... Là encore, j'ai eu du mal à suivre le scénario de l'auteur. Ou bien la relation entre Elisabeth et Jan est-elle devenue fusionnelle au point que le frère et la soeur ne peuvent plus se séparer, quitte à abandonner l'autre frère, Jerzy ?
Je vous laisse découvrir la fin du roman. Qui reste un bon roman, même si les choix de l'auteur quant à l'évolution de ses personnages m'ont semblé parfois insolites...
- Adam, joyeux bambin, est partout ! Il est fripon, dégourdi, expressif, et si bien pris en charge par Elisabeth et Jan.
L'horreur de la guerre :
Cet équilibre familial maintenu autour des petits concerts, des arrangements avec un cultivateur pour quelques viandes et légumes, la concierge pour les visites, les leçons de violon etc. se trouve fragilisé par la réquisition soudaine d'une partie de l'appartement pour un officier allemand, Herr Schneider.
Personnage à la fois inquiétant et sympathique, qui se joint aux récitals en accompagnant la famille avec sa flûte, dont il joue excellemment. Mais quelle idée d'offrir au petit Adam un mini uniforme allemand... Et que signifie cette séquence des photos... Et je ne suis pas sûre d'avoir compris son véritable rôle dans la tragédie qui guette la famille : est-ce lui qui les a dénoncés ? Est-ce par remords qu'il leur conseille de quitter immédiatement la ville ?
Mais il est trop tard, les soldats allemands investissent l'appartement et massacrent le père, la mère et le petit Adam. Elisabeth et Jan avaient eu le temps de s'enfuir. Et commencent pour ces deux adolescents une longue marche à travers les Carpates, la peur au ventre, la faim qui les ronge, mais leurs violons toujours avec eux, ponctuée par une rencontre avec un autre jeune Polonais en fuite aussi, Marek. Marek et Elisabeth ont à peine le temps de tomber en amour, que le jeune homme meurt tragiquement, en sautant sur une mine alors qu'il cueillait des fraises pour Elisabeth.
Douleur incommensurable, la jeune fille devient mutique, son frère craint pour sa santé mentale et physique. Heureusement, il se rappelle le prêtre canadien ami de leur père qui leur avait rendu visite, aux jours heureux. Et, le frère et la soeur recueillis dans un camp de réfugiés, demandent à rejoindre le Père Villeneuve. Une nouvelle vie va commencer pour eux.
Le Canada :
Au Canada, Elisabeth est accueillie par une famille sympathique où elle peut poursuivre sa formation musicale et donner des cours de violon. Jan, confié à un fermier sadique, est maltraité, affamé. Son entêtement à demeurer chez ce fermier alors que le père Villeneuve pourrait le changer de point de chute, est surprenant (expliquez-nous, Madame Cousture !).
Parallèlement, le lecteur suit le chemin de Jerzy, soldat démobilisé mais claudiquant, orphelin puisqu'il a appris le massacre de sa famille et pense tout le monde mort, et qui entame lui aussi son exil vers le Canada, muni du violon de sa soeur. Jerzy tombe rapidement sous le charme d'une manitobaine d'origine polonaise, dont le père est fermier. Et dans cette petite communauté d'immigrés polonais, le père Villeneuve aura tôt fait de réunir les trois frères et soeurs.
J'ai un peu moins apprécié la suite du roman, car une fois la famille réunie, tous habitant dans la maison de Jerzy, Arlette Cousture a choisi de mettre en avant des dissensions fortes entre les deux frères. ces deux-là vont se chicaner sur tout et rien, pour finalement se fâcher et rompre toute relation.
Après tout ce qu'a vécu chacun de ces adolescents/jeunes adultes maintenant, leur survie, la séparation familiale, j'ai trouvé que jouer la carte de la dissension était "surfait" de la part de l'auteur, et peu crédible. Toujours est-il que Jan part s'installer à Montréal chez M. Favreau l'épicier "néo-canadien" de la première vague. Et que, ô surprise aussi, Elisabeth pourtant sur le point de se fiancer au Manitoba, décide de suivre son frère à Montréal... Là encore, j'ai eu du mal à suivre le scénario de l'auteur. Ou bien la relation entre Elisabeth et Jan est-elle devenue fusionnelle au point que le frère et la soeur ne peuvent plus se séparer, quitte à abandonner l'autre frère, Jerzy ?
Je vous laisse découvrir la fin du roman. Qui reste un bon roman, même si les choix de l'auteur quant à l'évolution de ses personnages m'ont semblé parfois insolites...
à Voir mes "Lectures d'Amérique du Nord" ou les pages plus spécifiques "Québec" et ma chronique d'un autre roman d'Arlette Cousture : Tout là-bas *** (qui inspira le "feelgood" film La Grande Sédurtion…)