En intro, je dois dire que j'ai lu ce livre pour deux raisons : premièrement parce que j'aime les récits avec chiens (cf. mes "lectures canines" sur ce blog) et deuxièmement parce que je viens de terminer le roman de Téa Obrecht, "La femme du tigre", dans lequel "Le livre de la Jungle" de Kipling est comme un talisman...
Voilà : si vous ne partagez pas un de ces deux motifs de lecture, je me demande bien pourquoi vous liriez ce livre... Vous me direz.
En effet, bien que je sois très bon public pour tout ce qui a trait à nos amis les toutous, j'ai eu un peu de mal à entrer dans ce livre pour la simple raison que Rudyard Kipling en a fait un récit si compliqué à comprendre !
Eh oui, il faut "parler couramment chien" pour "capter" chaque phrase, chaque ligne... et cela devient vraiment intellectuellement fatigant - parfois je ne comprends rien au paragraphe !!! (parole d'absolute dog lover...). "Une voiture devient une "niche qui bouge", un landau un "pousse-niche", le dimanche est le "jour des cloches", les veaux sont des "chiots" de vache etc.
Cela dit, l'intention est louable. Rudyard Kipling adorait les animaux et particulièrement ses chiens qu'il a non seulement aimés mais observés avec une patience infinie. Aussi a-t-il décidé d'écrire un roman (3 récits en fait) où il se met à la place du chien et "raconte" ce qu'il voit, ressent, mais ne peut interpréter (le chien a ses limites de compréhension comme cela est démontré avec tant d'humour dans le livre !).
Donc Boots est un Scottish terrier, et comme dans les 101 Dalmatiens, son maître s'amourache de la maîtresse de "Pantoufle", les deux maître/maîtresse se marient, les toutous vivent ensemble dans la belle demeure, et un "tout-petit" naît bientôt ! Que les deux toutous auront à découvrir et léchouiller au début (suivi d'une correction horrifiée de la nounou), puis à protéger et accompagner dans les premiers pas de la vie...
Nous sommes dans l'Angleterre des années'30 : donc la gentry est amateur/trice de chasse à courre, et ce passe-temps est très présent dans le livre, mais pas d'une façon rebutante : au contraire, cela donne l'occasion aux toutous Boots et Ravageur de discutailler avec Ferrets l'imprenable renard, à la veille de sa retraite.
A présent que j'ai découvert cet ouvrage, je me demande si la romancière Marina Lewycka dont j'ai énormément apprécié le livre "Deux caravanes", ne se serait pas inspirée de Rudyard Kipling pour retranscrire ce que pense "son" chien dans son propre roman.
Inspiration mais pas plagiat : je trouve que M. Lewycka a magistralement mis en mots les pensées et le comportement du chien dans son roman, de sorte que l'on comprend sans problème et que l'on s'identifie facilement à la façon de penser de l'animal...
Le "parler chien" de Rudyard Kipling était plusieurs degrés au-dessus pour la compréhension !
Je trouve intéressant de mettre en perspective le livre de Rudyard Kipling avec le livre "Temps de chien" de Patrice Nganang, qui se déroule au Cameroun, et dont le chien héros du roman, est un chien intellectuel, penseur, qui réfléchit et analyse le monde qui l'entoure avec beaucoup de réalisme et en même temps de "penser chien". Je recommande aux lecteurs caninophiles ce roman de P. Nganang qui a remporté plusieurs prix à sa sortie en 2001.
4e de couverture :
"Publié initialement en 1930, Paroles de chien est un récit raconté à la première personne par un chien appelé Bottes, un Aberdeen terrier comme celui que possédait Kipling. Contrairement aux autres animaux "anthropomorphisés" par Kipling dans ses "Histoires comme ça" ou dans les deux Livres de la Jungle, si le héros canin de ce livre à l’humour très anglais peut parler, il possède un vocabulaire simple et n’est pas capable de comprendre ce qu’il observe.
Et c’est cette caractéristique qui fait tout le sel de cette autobiographie d’un chien, qui voit en son maître un Dieu.
Bottes est le témoin privilégié de ces humains dont il partage le quotidien et les péripéties, des plus quotidiennes aux plus originales. Mais il est aussi un animal parmi les autres : ceux de son espèce d’abord, et également un renard apprivoisé et le chat Cuisine, son éternel adversaire. Avec une pointe d’ironie innocente, Kipling nous permet de voir le monde à travers les yeux de notre plus fidèle compagnon, et nous révèle une fois encore, avec ce livre qui devrait ravir plus d’un lecteur, toute la verve surprenante de son talent de narrateur. On dit souvent de son animal domestique qu’il ne lui manque que la parole. Avec "Paroles de chien", Kipling a enfin réparé cette injustice !"
(Ed. Rivages poche/Payot, Trad. T. Gillyboeuf, 2010, 173 p)
- Voyez la "dog books review" qui passe en revue la littérature de toutes contrées, où le chien est un héros ou un "personnage" important : Lectures canines
- en particulier les romans "Temps de chien" de Patrice Nganang (Cameroun) et "Deux caravanes" de M. Lewycka (GB/Ukraine)
- Et voyez la rubrique DOGGIES de ce blog pour admirer nos canailles !