J'aime beaucoup l'écrivain russe Vladimir Sorokine, même si ses livres nous plongent dans des réflexions cauchemardesques sur la situation d'un pays comme la Russie ("sa" Russie, "une" Russie ...), sur l'avenir des hommes, la folie, la dystopie...
La dystopie, explique le Larousse, est la "description, au moyen d'une fiction, d'un univers déshumanisé et totalitaire dans lequel les rapports sociaux sont dominés par la technologie et la science."
...Voilà : Vladimir Sorokine, né en 1955 à Moscou, est le chantre de la dystopie dans le paysage littéraire russe actuel (un aparté : étonnant qu'Emmanuel Carrère dans son livre Limonov ne mentionne pas une fois Sorokine... cela m'a frappée - sauf erreur...).
La dystopie, explique le Larousse, est la "description, au moyen d'une fiction, d'un univers déshumanisé et totalitaire dans lequel les rapports sociaux sont dominés par la technologie et la science."
...Voilà : Vladimir Sorokine, né en 1955 à Moscou, est le chantre de la dystopie dans le paysage littéraire russe actuel (un aparté : étonnant qu'Emmanuel Carrère dans son livre Limonov ne mentionne pas une fois Sorokine... cela m'a frappée - sauf erreur...).
J'ai lu de Sorokine "La glace" (effrayant et admirable), "Journée d'un opritchnik" (terrible et désarmant), et "La tourmente" (que j'ai eu du mal à appréhender au début, mais comme il ne m'est pas possible d'abandonner une oeuvre de Sorokine car forcément, je finirai pas "entrer" dans le sujet pour me retrouver happée par la dystopie... j'ai tenu bon). Et la fin de" La tourmente" met en avant la puissance (la suprématie in fine ?) chinoise au milieu de la cacophonie russe - inoubliable cette fin : les Chinois, les téléphones portables, le train/traîneau...: une vision prospective de la géopolitique ?). Ces livres vous laissent une trace indélébile, même si on ne les apprécie pas autant l'un que l'autre, on ne pourra les oublier. Pour revoir mon billet sur ces trois livres...
Je comptais lire ensuite "Le lard bleu" et "La voie de Bro" qui est la suite de "La glace". Ces 2 livres n'étant pas dispos à la bibliothèque, j'ai emprunté un autre roman de Sorokine : "Roman".
Je suis en train de lire ce roman "Roman", et j'apprécie la nouveauté du style quand je lis ces belles pages d'une Russie romantique à la Tourgueniev (je n'en suis qu'à la page 200 sur 594 !). Des descriptions de la nature, de la vie à la campagne, du quotidien agréable de ce printemps russe... Je n'ai pas l'impression de lire un Sorokine, au contraire je me repose le soir bercée par la lecture d'une si aimable prose romantique.
Je suis en train de lire ce roman "Roman", et j'apprécie la nouveauté du style quand je lis ces belles pages d'une Russie romantique à la Tourgueniev (je n'en suis qu'à la page 200 sur 594 !). Des descriptions de la nature, de la vie à la campagne, du quotidien agréable de ce printemps russe... Je n'ai pas l'impression de lire un Sorokine, au contraire je me repose le soir bercée par la lecture d'une si aimable prose romantique.
Malheureusement, j'ai lu la quatrième de couverture... "Au fil du récit et de l'action, l'auteur revisite tour à tour Pouchkine, Tolstoï, Tourgueniev et bien d'autres. La Russie des profondeurs, intemporelle, apparaît riche, chaleureuse, drôle, émouvante, aimant le bon boire et le bien manger. La maestria de Sorokine est éblouissante." (NB de moi : j'en suis à ce point du roman : éblouissant !) "Mais imperceptiblement le tableau se déconstruit et emporte brutalement le héros vers un destin contemporain et un dénouement stupéfiant qui laisse le lecteur effaré."
Le lecteur, donc moi comprise, en restera effaré... Hum, déja 200 pages de prose chaleureuse, de propos facétieux, de nature merveilleuse... et tout cela est appelé à finir en "effarement" ! De facto, cela devient un suspense grisant mais malfaisant que d'attendre le moment où tout va basculer dans l'horreur. Je cherche des signes, je guette le détail qui tue, et sachant ce qui attend le héros, effectivement il me semble distinguer ça et là des dissonances dans son comportement, le bonheur dont il nous fait part de regarder la nature, peindre un paysage, déguster les fraises arrosées de lait frais. Dissonance quand il perd sa maîtrise de soi dans le sauna, quand il se repaît nu dans la rivière des gouttes d'une pluie battante, voire quand son corps explose de joie alors qu'il aide les moujiks à faucher le champ. Ai-je raison : est-ce que ce sont là des indices de déviance à venir ? 400 pages à tenir.
La suite me le dira !
En attendant, ce blog "parle" de livres, mais aussi de fleurs ! et rarement ai-je lu une aussi jolie description des fleurs des champs qu'à la page 195 de "Roman", par Vladimir Sorokine... (Clin d'oeil à mon amie Valérie qui ne lit plus de romans, mais se passionne pour la botanique...).
Extrait :
"Est-il rien de plus beau, de plus charmant et de plus simple qu'un bouquet d'herbes et de fleurs des champs, au temps brûlant de la fenaison ?
Ni les roses éclatantes,ni les somptueux glaïeuls, ni les lys, ni les orchidées ne sauraient éclipser cette beauté unique, cette ample gamme de formes et d'inflorescences : campanules d'un bleu sombre, frémissant timidement, innocemment penchées sur leurs tiges fines; marguerites aimables dans leur simplicité; gracieuses renoncules aux fleurs jaune tendre, baignées de larmes, trèfles confiants, duveteux, d'un doux rose; millepertuis généreux, dense comme le tilleul épanoui; turbulent chardon-aux-ânes, à la magnificence princière; modeste épilobe; gueule-de-loup grisante de tendresse; laiteron frugal et droit, évoquant un guerrier moyenâgeux; solide et fielleux colza; orchis alambiqués, comme taillés dans du bois de santal; mille-feuille que l'on remarque à peine; stupéfiante fougère, enfin, qui enroule ses feuilles sculptées.
Que d'harmonie dans cette sorte de bouquet !
Cueilli de frais dans le pré que l'on n'a pas encore fauché, lié d'une herbe, il enchante les yeux, exhale le parfum entêtant de la prairie, attire les insectes qui zonzonnent au-dessus.
Nul besoin, pour lui, de coupe ou de vase. Un verre à facettes ou une flûte étroite souligneront qu'il est unique.
Que d'harmonie dans cette sorte de bouquet !
Cueilli de frais dans le pré que l'on n'a pas encore fauché, lié d'une herbe, il enchante les yeux, exhale le parfum entêtant de la prairie, attire les insectes qui zonzonnent au-dessus.
Nul besoin, pour lui, de coupe ou de vase. Un verre à facettes ou une flûte étroite souligneront qu'il est unique.
Roman aimait les fleurs des champs."
Et je ne peux m'empêcher d'ajouter la description d'un champignon (p. 250 : j'ai avancé dans le livre):
"Le champignon, humide, exhalait son inimitable arôme, qui fit palpiter le coeur de Roman, lui rappelant aussitôt son enfance et le plaisir de la cueillette. Un côté du chapeau marron clair était rongé par une limace, la courbe harmonieuse, élégante, du pied solide était un enchantement. Roman approcha le cèpe de son visage en fermant les yeux.
"Quelle merveille ! se dit-il, examinant le champignon reposant sur sa paume. Quel travail d'orfèvre pour une si petite chose ! D'ailleurs, qu'est-ce qu'un champignon ? Cela sort de terre, invisible dans l'herbe. Et qui en a besoin ? Hommes et animaux peuvent s'en passer. Est-il possible qu'il soit créé uniquement pour les limaces, avec ses pores minuscules, son délicieux chapeau à doublure blanche, son incomparable arôme ? (...)
S'ensuit une réflexion sur le pourquoi de l'existence du champignon, qui recèle plus d'un indice sur l'état d'esprit de Roman...
("Roman", Vladimir Sorokine, Ed. Verdier /2010, Trad. Anne Coldefy-Faucard, 594 p, )
Promis : bientôt mes billets sur "Limonov" (que j'ai déjà fini : EXCELLENT ! mais l'auteur aurait dû mentionner Sorokine quand même dans un pavé abordant le monde politique et littéraire soviético-russe des années 60 à nos jours : Emmanuel, j'attends une réponse !) et sur "Roman", que de toutes façons je vais dévorer chaque soir jusqu'à la dernière page et jusqu'à l'effarement dont j'espère je pourrai me remettre pour vous en parler.
Voir aussi :