Deux auteurs, deux pays, un enfant et une belle leçon d'humanité et d'histoire sur "ces Français venus d'ailleurs". Chaque livre est un bel objet doté d'une iconographie subtile, et d'un dossier de repères historiques et culturels (Editions Autrement, 80 p.)
Valentine GOBY (texte) & Olivier TALLEC (illustrations) :
Adama ou la vie en 3 D *****
2008 - Réf. pays : France/Mali
Genre : Roman d'un djeune du 9-3 qui rêve d'aller au pays
Adama habite dans la Tour 7 de la cite Louise-Michel à Saint-Denis. Né en France, il ne connaît presque rien du pays de ses parents, mais il adore jouer du djembé dans les fêtes. Même un représentant de SOS Racismes participe.
Un jour, la police fait irruption et arrête Ibrahim, un des musiciens maliens - Adama découvre qu'Ibrahim est un "sans-papier" et sera renvoyé au Mali.
Adama ne comprend pas le malheur de quitter la France et un emploi de misère pour retourner dans un pays gorgé de soleil comme doit l'être le Mali. Quand son père annonce qu'il se rend au pays pour inaugurer une école, les enfants font une plongée brutale dans les coutumes de leur pays d'origine : la maman hurle après son mari devinant qu'il pourrait ramener une deuxième épouse jeune et attirante. Elle exige de l'accompagner, finalement ce sera Adama s'il travaille bien à l'école. Adama se surpasse, et se renseigne sur ce pays exotique qu'il va découvrir. Mais la carte géographique ne montre que des étendues colorées en jaune : la couleur du désert ou des terres arides...
Le voyage d'Adama dans son pays natal lui révèle la découverte de... l'ennui !
"Passer six semaines dans un village sans télé, sans BD, sans ciné, sans Ben, sans chaîne hi-fi, sans console de jeu, avec pour toute activité les corvées des enfants, dès 8 ans ils s'occupent du bois, de la vaisselle, de l'eau, des bébés, ils jouent avec des insectes, restent des heures à rêver sans rien faire; bref, pas une vie." (p.59)
Mais de retour en France, Adama déborde d'idées pour écrire sa rédaction sur les vacances exceptionnelles qu'il vient de passer.
Ce roman nous plonge au coeur d'une famille malienne "intégrée" car les parents parlent le français, alors que des voisins ne connaissent que les dialectes locaux (le soninké comme Adama, le peul, le bambara...) et l'on découvre alors leur immense difficulté à se mouvoir dans un pays, sans repère linguistique. Le récit fourmille de détails, d'anecdotes, mais ordonnés autour de références réelles sur l'histoire de l'immigration malienne depuis l'indépendance en 1960, et l'évolution de la réglementation française : suspension en 1974, création de la carte de séjour de 10 ans en 1981, premiers charters de renvoi au pays en 1983.
Ce roman nous plonge au coeur d'une famille malienne "intégrée" car les parents parlent le français, alors que des voisins ne connaissent que les dialectes locaux (le soninké comme Adama, le peul, le bambara...) et l'on découvre alors leur immense difficulté à se mouvoir dans un pays, sans repère linguistique. Le récit fourmille de détails, d'anecdotes, mais ordonnés autour de références réelles sur l'histoire de l'immigration malienne depuis l'indépendance en 1960, et l'évolution de la réglementation française : suspension en 1974, création de la carte de séjour de 10 ans en 1981, premiers charters de renvoi au pays en 1983.
Événements postérieurs au récit : les lois "Pasqua" réglementant le regroupement familial en 1993, l'occupation de l'église Saint-Bernard en 1996.
Valentine GOBY (texte) & Olivier TALLEC (illustrations) :
Le rêve de Jacek *****
2007 - Réf. pays : France/Pologne
Genre : Un ado polonais mineur en herbe
Ce deuxième roman que je lis de la collection est empreint de gravité, liée à la période de l'histoire qu'il traite. L'histoire de Jacek nous emmène dans les corons des années 30, une période triste d'après-première guerre mondiale qui s'enchaîne par une période désolée de grande crise économique des années' 30 en France.
Mais Jacek n'en demeure pas moins un jeune ado à l'aube de ses 15 ans, il a fini l'école (qu'il est jeune...), joue avec ses copains, surtout Marek, et se bagarre avec les "vrais" Français du coin, dont Maurice, son ennemi juré, en passe de conquérir la belle Kryska.
J'ai découvert la vie quotidienne dans les maisonnettes de briques rouges des lotissements pour les mineurs polonais du Nord de la France. En 1931, près de 500.000 Polonais vivent en France. Les familles qui s'installent grâce au papa mineur , et qui dès l'arrivée de la crise doivent plier bagages sans façon afin de laisser un peu de mou aux ouvriers français. Comme Marek ...
- "Ça se méritait Dourguesse, on voulait pas des souffreteux et des mauviettes: on partait remplacer des morts. Les tas de morts que la guerre avait enlevés aux mines de France" (p. 13)
- "et puis on est arrivés à la cité fosse 4, 1495, allée 12. on aurait tout imaginé sauf ça: une petite Pologne !" (p.15)
- "Avant de rentrer à la maison, on se remplit les poches de tout ce qui traîne par terre : morceaux de charbon, de bois, paille à lapin, graines tombées des silos. On offre nos trésors de guerre à nos mères. Elles nous embrassent. C'est toujours ça de pris." (p. 27)
J'ai repensé à la chanson "Les corons" de Pierre Bachelet (1982).
Valentine GOBY (texte) & Ronan BADEL (illustrations) :
Le secret d'Angelica *****
2008 - Réf. pays : France/Italie
Genre : Combat féministe d'une jeune immigrée italienne contre les idées reçues familiales, pour épouser sa vocation
Un très bon petit opus qui met l'accent sur la vocation que se découvre Angelica (14 ans) pour les travaux d'imprimerie, un métier réservé aux hommes. Comment expliquer à sa famille qui s'échine dans les travaux agricoles, attachée à la terre et aux traditions (la femme s'occupe du foyer et de la basse-cour) que l'école et ce parcours familial ne l'intéressent pas, qu'elle veut à la vie à la mort travailler dans l'imprimerie ?
Aidée du "fantôme" de son frère mort en Italie, Angelica viendra à bout des idées reçues, et Valentine Goby de faire référence à une femme exceptionnelle et audacieuse en son temps : Marguerite Durand. Cette référence de l'auteur à une féministe de la première heure était inattendue dans ce docu-fiction, mais je l'ai beaucoup appréciée.
En effet, qui à présent se souvient de Marguerite Durand (1864-1936) : journaliste féministe, elle milita pour le droit de vote des femmes, créa la rubrique "courrier" au Figaro, et fonda son journal "La Fronde" en 1897. Elle a même co-fondé le cimetière animalier d'Asnières.
Donc bravo pour le récit, la qualité de l'écriture de V. Goby.
Mais à nouveau, je n'ai pas trop apprécié les illustrations de Ronan Badel (ex. p. 20 : la famille chantant de l'opéra, ressemble à une paire de morts-vivants...)
Valentine GOBY (texte) & Ronan BADEL (illustrations)
Thiên An ou la grande traversée *****
2009 - Réf. pays : France/Vietnam
Genre : Ma rédaction "boat people"
Thiên An, 11 ans, réfugié avec son père et sa soeur à Paris, pense à sa mère restée au Vietnam avec ses deux frères. Il se remémore l'enfer de sa traversée en 1977 sur ce bateau bondé, sans eau et nourriture, dans une mer déchaînée, et à la merci des pirates : ce sera son sujet de rédaction à l'école.
Puis des nouvelles arrivent : la maman va bientôt rejoindre la famille.
Comme dans les autres livres, Valentine Goby nous plonge dans le quotidien d'une famille plus ou moins intégrée en France, nous assistons aux coutumes traditionnelles de la fête du Têt, découvrons les journées de dur labeur du père et de l'oncle, au restaurant, l'entraide au sein de la communauté vietnamienne.
Le garçon va à l'école encouragé par son père : "Tu te vois vendre des cigarettes ou du mauvais parfum sur un carton retourné toute ta vie ?". C'est l'avenir qu'aurait eu Thiên An s'ils étaient restés au Vietnam.
La chronologie en fin d'ouvrage rappelle les grandes dates de l'histoire du Vietnam, de la colonisation française à la guerre d'Indochine, de la guerre du Vietnam de 1961 à 1975, l'exil des boat people à partir de 1975...
J'ai cependant un peu moins aimé ce troisième récit, peut-être parce qu'il y avait moins de poésie dans l'écriture, et que le récit semblait plus haché, manquer de liant antre les paragraphes. J'ai trouvé que les illustrations de R. Badel étaient plus "dures" aussi que celles de O. Tallec dans Adama ou Jacek, son trait de crayon plus sec et plus effrayant.
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