dimanche 18 octobre 2020

Idra Novey : "Le jour où Beatriz Yagoda s'assit dans un arbre" (Brésil/EU)

 ***** "Ways to Disappear" (2016)

Un arbre dans la ville
(Porto Alegre, 2003)

"Dans un parc délabré au bout du bout délabré de Copacabana, une femme s'arrêta sous un amandier avec une valise et un cigare."

J'ai d'abord été happée par ce roman. L'histoire, insolite et fantasque, d'Emma, traductrice américaine d'une romancière brésilienne, qui sent poindre une vie planplan à Pittsburg aux côtés d'un futur mari obsédé par le jogging et d'une belle mère en mal de mariage et petits-enfants.

"Entre la plume foncée et l'immense bord blanc du chapeau, Emma avait un peu l'air d'une folle, ou peut-être juste l'air d'une femme ayant le sens de l'humour, qui refusait d'attendre quelque alignement des étoiles impossible pour profiter de la vie." 

Alors, quand Beatriz Yagoda, sa romancière fétiche, disparaît de son domicile à Rio de Janeiro, pour être entraperçue réfugiée dans un arbre tenant valise et cigare, Emma accourt sur place.

"Quand elle émergea enfin de l'aéroport international Galeao de Rio, Emma absorba le relent familier d'aisselles, de pots d'échappement et de goyaves qui l'assaillit lorsqu'elle sortit de la zone de retrait des bagages et que l'air extérieur s'abattit sur elle."
Sao Paulo, 2003

Débarquant au débotté chez les enfants de Beatriz, Marcus (le beau gosse en vogue) et Raquel (qui au travail tient la dragée haute aux syndicats mais en famille est en pleine déroute psychologique), Emma se met en quête d'indices puisés dans les romans de l'écrivaine pour partir sur sa trace. La cohabitation est d'abord pénible, puis une attirance mutuelle rapproche Emma et Marcus au grand dam de Raquel. De toutes façons, Emma avait succombé au virus brasiliensis... 

Le pays entier se passionne pour les recherches.
L'histoire se corse quand la famille découvre que Beatriz s'est enfuie pour échapper à de pharamineuses dettes de poker contractées auprès d'un gros bras local.
Or, au Brésil, on ne plaisante pas avec les dettes de jeu, surtout dans un certain milieu : enlèvement, menaces, doigts ou oreilles coupées, rançon...
Bientôt la famille et la traductrice deviennent la cible épouvantée de ce gros bras.

"A cette pensée, Raquel s'obligea à rejoindre le trottoir. Un homme à vélo passa telle une tache floue, et elle poussa un cri de peur. De la colline protubérante d'une favela voisine, on entendit le bégaiement de tirs d'un fusil d'assaut. Pendant une seconde, l'unique couture de lumière qui parcourait la favela brilla avec plus d'intensité. Puis la couture se replia dans l'obscurité."

"Le temps qu'Emma et Raquel se précipitent à l'intérieur, tout ce qu'il restait de Marcus était un grand verre échoué au bar au milieu d'une mare de caïpirinha. Par terre, un fatras de glaçons et de citrons."

S'entremêle à la quête de Beatriz des extraits de ses premiers romans et de son tout dernier projet, dans lequel elle révèle certain secret sur le viol qui avait précédé la naissance de Raquel..

Camaïeu architectural (Porto Alegre)
Le récit est régulièrement entrecoupé de digressions sur des explications de mot ou de texte. J'avoue à cet égard ne pas avoir accroché à ce procédé littéraire.
Et puis, au fil du roman, une certaine fatigue m'est venue, je trouvai compliqués les extraits des romans de Beatriz, je commençai à décrocher. C'est peut-être l'âge, l'agilité intellectuelle nécessaire pour prendre pleinement la mesure du roman jusqu'à sa fin a fini par s'émousser.  Des 4 étoiles que j'aurais attribuées à ce livre pendant la première partie de lecture, encore réjouie par le style alerte d'Idra Novey, je suis descendue à 3 * au cours de la seconde partie...

"Et puis midi arriva. Le genre de midi brésilien, éclatant, aveuglant."

"Et puis midi arriva..." (Itu, SP, 2003)


En illustration, quelques photos d'un voyage professionnel dans l'Etat de Sao Paulo et le Rio Grande do Sul en 2003. 

Cela faisait un bout de temps que je n'avais pas lu de roman sur le Brésil. A noter qu'Idra Novey est traductrice et spécialiste de l'oeuvre de Clarice Lispector. Il me reste du pain sur la planche : voici la petite liste des livres ayant trait au Brésil, déjà lus (en noir) ou à découvrir, un jour... (en vert). 

Abreu, Caio Fernando : Qu'est devenue Dulce Veiga ?
Amado, Jorge :  Cacao *****, Bahia de tous les Saints, Dona Flor et ses deux maris ****, Gabriela, Girofle et cannelle ****, Tocaia Grande ****, La boutique aux miracles, Les deux morts de Quinquin-la flotte, Le pays du Carnaval,
Andrade, Mario de : Aimer, verbe intransitif 💚 ***** 1927Macounaïma
Angot, Christine (Fr.) : Pourquoi le Brésil ? ***
Betto, Frei : Hotel Brasil
Blas de Roblès, Jean-Marie (Fr.) : Là où les tigres sont chez eux
Carvalho, Bernardo : Le soleil se couche à Sao Paulo
Coelho, Paolo : L'alchimiste *** 1988,
Delfino, Jean-Paul (Fr.) : Pour tout l'or du Brésil, Zumbi, Dans l'ombre du condor, Corcovado, Samba triste
de Pontes Peebles, Frances ( Br./E-U) : La couturière
Fagundes-Telles, Lygia : L'heure nue, La structure des bulles de savon, Les pensionnaires, Un thé bien fort et trois tasses, La discipline de l'amour, La nuit obscure et moi,
Fermine, Maxence (Fr.) : Amazone 2004
Garcia-Roza, Luis Alfredo : Bon anniversaire Gabriel !
Guimaraes Rosa, Joao : Diadorim *****, Buriti,
Lapouge, Gilles (Fr.) : Equinoxiales💚 *****
Lins, Paolo : La cité de Dieu
Lispector, Clarice : Le bâtisseur de ruines
Melo, Patricia : Eloge du mensonge, O Matador *** (tellement dur...), Monde perdu
Rezende, Maria Valeria : Le vol de l'ibis rouge
Rufin, Jean-Christiophe (Fr.) : Rouge Brésil💚 *****La salamandre
Studart, Heloneida : Le bourreau, Les huit cahiers, Le Cantique de Meméia,
Vasconcelos, Jose Mauro de : Mon bel oranger💚 ***** 1971, Le palais japonais ****Allons réveiller le soleil💚 ***** 1974, Loin de la terre 1977

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