Dans le sillage du confinement lié à la pandémie Covid-19, j'ai comme beaucoup fini par m'attaquer aux années de rangement sempiternellement délaissées, repoussées aux calendes, et découvert de belles trouvailles... (ICI).
Ainsi, un petit carnet de voyage ne payant vraiment pas de mine (offert par la Sté Lafarge à mon père qui travaillait dans le secteur des mines et carrières) datant de l'année post-bac, 1984, avec des notes d'un voyage au Maroc entamé la veille de mes 19 ans en compagnie de mon frère aîné et de deux amis du lycée, Joëlle et Arjen. Grâce à la fabuleuse carte InterRail, le sésame des jeunes on the road...
La première page de ce carnet ne manque pas de m'interpeller : j'avais osé recopier le blabla qu'on lisait dans le train de la Renfe (la SNCF espagnole). Peut-être enthousiasmant pour la jeune routarde d'hier (les consignes du train en espagnol comme un joyeux signe de dépaysement)... aujourd'hui ringard mais touchant.
Arrivée sur le sol marocain, Tanger... Dans le carnet, Tanger c'est la première corne de gazelle, le premier sandwich au thon, le premier thé à la menthe, les premières vagues atlantiques, le premier gâteau aux amandes, la première chorba, les premières brochettes, les premières figues de Barbarie...
La découverte de ces drôles de fruits, que j'appelle "figues berbères" dans le carnet, certainement faute d'avoir bien compris leur nom qui nous était à l'époque inconnu. Elles n'ont de fait rien à voir avec la Berbérie des Berbères...
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Une des deux théières souvenir du voyage
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7 aout 1984 : Espagne-Tanger/Asilah J'ai osé recopier le baratin en espagnol de la Renfe ! |
Voilà, brève escale à Tanger. "If you see her, say hello, she might be in Tangiers", Bob Dylan...
Hélas je n'avais pas encore "fait la connaissance" de Paul Bowles ; le beau film
de Bertolucci tiré de son roman
Un thé au Sahara (avec Debra Winger et John Malkovich) ne sortirait que six ans plus tard.
J'ignorais que Kessel, Morand ou Loti, mes futurs dieux écrivains voyageurs, avaient vécu à Tanger, ou que Truman Capote s'y était aussi arrêté...
Cela, je l'ai découvert plus tard, trop tard pour marcher sur leurs traces dans la ville.
Récemment, c'est en découvrant (sur le tard encore... mieux vaut t... que jamais 😉) le SUBLIME film de Jim Jarmusch,
Only Lovers Left Alive, que j'ai eu l'impression de m'évader à nouveau dans les rues de Tanger.
Tanger restera donc la ville de ma première figue de Barbarie : pas rien dans une vie, hein ! Je me souviens encore du vendeur ambulant qui les épluchait les mains gantées de gants style mappa.
Aussi, premières amitiés marocaines au camping, à mots couverts nous découvrons les réticences des Marocains à évoquer le souverain en règne. En revanche, les jeunes nous parlent avec fierté d'un athlète marocain que nous ne connaissons pas, il doit s'agir (au vu des dates) de Saïd Aouita, vainqueur du 5 000 mètres aux Jeux olympiques de l'été 1984 à Los Angeles.
Rabat, notre première auberge de jeunesse marocaine... Tour Hassan II, palais de Mohammed V, remparts de la médina, kasbah... Nous les deux filles achetons notre premier nécessaire de khôl dans la médina... Je n'ai jamais jamais su l'utiliser, mais j'ai toujours en souvenir le petit flaconnet de bois et son bâtonnet.
Enfin, les premières discussions politiques sérieuses avec un instituteur berbère, à l'abri des oreilles indiscrètes.
Visites du Palais Royal, désert, de la Chellah. Notre premier jus d'amandes...
Mohammedia, ville de riches sans âme (nous ne devions pas avoir de guide du routard avec nous sinon nous aurions probablement sauté cette étape).
Imilchil, point de rencontre entre l'Est et l'Ouest du Haut Atlas. 2160 mètres d'altitude. Célèbre pour son "Moussem" des fiançailles, que j'évoque dans mon carnet par le biais d'une légende recopiée en anglais... Etonnant, certainement l'attrait du dépaysement linguistique comme pour les consignes en espagnol de la Renfe.
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9-12 août 1984 : Rabat (+ Mohammediah) Discussion avec un instituteur berbère aux aguets... |
Bref arrêt à Casablanca, le temps de laisser mon frère chez un ami, et nous repartons pour Marrakech.
Les galères pointent le nez. Arjen est victime d'un pickpocket. Un marocain enroule d'office un serpent autour du cou de Joëlle sur la place Jema el Fna : dans mon souvenir, Joëlle crie très fort 😱... Les "Eh oh les gazelles" sont incessants dès que nous mettons le pied dehors et cela devient pesant... Mes deux amis décident de fuir Marrakech la désolante pour Ouarzazate. Je reste pour attendre mon frère, le patron de l'auberge de jeunesse me sermonne de voyager seule et promet de veiller sur moi. Pas question de laisser une jeune gazelle seule dans Marrakech. Il n'empêche que je subis alors, le temps d'une courte absence du dortoir, la première fouille complète de mon sac à dos ; heureusement, mes pataugas, à l'intérieur desquelles est cousu le sachet avec mes billets en francs étaient aux pieds. Mon frère me rejoint et nous décidons de dormir sur le toit-terrasse de l'auberge, c'est magique.
Achat du premier tamtam de ma vie ! Depuis un bon lot de tamtams du monde entier s'en est venu tenir compagnie à ce premier coup de coeur marocain. Le tamtam sera vite rejoint par l'autre achat incontournable de ce voyage : des théières !
Nous sympathisons avec un groupe d'Allemands et Autrichiens qui deviennent nos nouveaux compagnons de route. Dorénavant, nous baragouinons beaucoup pour communiquer.
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13-14-15 août 1984 : Marrakech Joëlle et Arjen nous quittent, mon frère et moi sympathisons avec un petit groupe d'Autrichiens (tiens, déjà 😉 mais "il" n'est pas dedans, "lui" ce sera en Espagne un an plus tard, toujours grâce à InterRail !) |
Dernier jour à Marrakech. Visite des tombeaux saadiens du 16e siècle. Figues de barbarie 😋. Fontaine Mouassine, la Koubba, le minaret de la mosquée Ben Youssef. Le quartier des tanneurs, où domine une drôle de couleur verdâtre qui nous déçoit, tant nous avions imaginé que nous serions éblouis de couleurs éclatantes.
Départ en bus pour Ouarzazate via la route qui serpente dans l'anti-Atlas, petit col de montagne, à plus de 2000 mètres d'altitude, paysages superbes, chèvres, mulets, figuiers de barbarie énormes 😋.
Ouarzazate, désertique, la route des milles kasbahs, yogourt vanille, jus d'oranges pressé, palais du Glaoui, coca cola, fait tellement chaud...
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16-18 août : Marrakech/Ouarzazate Ca alors, "On rigole bien : j'ai marché en sandalettes dans le caca d'un mulet" : c'est tout moi ça !
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Le groupe se sépare ; mon frère et moi partons pour Tineghir, l'une des dix plus belles oasis au monde (ce que nous ne savions probablement pas à l'époque) et passons la nuit au camping du lac dans la palmeraie, ouvert à tous vents.
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19-20 août : Ouarzazate/Tineghir (dans la vallée du Todgha, au sortir du Haut Atlas et face au djebel Saghro) |
Etrange comme ce carnet s'interrompt brutalement au mardi 21 août...
Ce dont je me souviens, c'est que le couple de Français rencontrés sur la route nous a pris en stop et amenés jusqu'à Zagora, la porte du désert. Camping, à la belle étoile, mon frère et moi n'ayant pas de tente ; j'étais littéralement morte de trouille la nuit allongée dans mon sac de couchage, avec bien sûr aux pieds les pataugas contenant les derniers billets !
Et mon frère atrocement malade d'une tourista carabinée... Souvenir impérissable du "cabinet" de toilettes du camping : un petit cabanon avec à l'intérieur une sorte de pyramide (assez haute), avec des marches, qu'il fallait grimper jusqu'en haut pour s'asseoir sur le trône 😉. Pauvre frérot, vraiment pas à la noce. Pour ma part, à force de rester chaussée de mes énormes pataugas tirelires, infection au pied progressant à chaque pas, jusqu'à terminer à l'hôpital où je fus soignée par un médecin ayant fait son internat de médecine à ... Fontainebleau (suis bellifontaine). Je me souviens avoir été surprise de ne devoir rien payer pour ces soins, prodigués à l'hôpital public.
Nous poursuivîmes notre périple via les splendides gorges du Dadès et du Todra, en autobus local 😰... Trouillomètre très élevé sur cette route de montagne très très escarpée, pour le coup la vue est plongeante dans les gorges !
Puis (je passe vite car le carnet s'est tu) Beni Mellal, Meknès, Fès, Tanger, le ferry pour Algesiras, à nouveau cette chère Renfe puis sa cousine française... et retour à la maison.
Ce voyage a fait naître en moi une passion pour les déserts, assouvie au travers des romans et récits (Isabelle Eberhardt, Pierre Loti, Joseph Kessel, René Caillié, Théodore Monod, Ella Maillart, Odette Du Puigaudeau, Roger Frison-Roche, J.M.G. Le Clézio...), des beaux livres (photographies de Jean-Marc Durou), de la géologie et des voyages.
Le Maroc sur ce blog :
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