Deux très belles bandes dessinées sur New York... Mon coup de cœur : l'ouvrage absolument magnifique de Sempé 💗💚💛
- SEMPE A NEW YORK, de Jean-Jacques Sempé (Denoël, 2009)
Ce livre grand format est de toute beauté. Un bel objet qui ne coûte que 28 euros. Une fort belle idée de cadeau... La définition parfaite du "beau livre".
Sempé a réalisé plus de cent couvertures du magazine The New Yorker, réunies en pleines pages dans cet ouvrage qui comporte aussi un entretien avec l'ancien directeur de Télérama, Marc Lecarpentier. Sempé y confie son attrait de longue date pour le prestigieux magazine américain, et la chance qui lui fut accordée de collaborer depuis quarante ans à ce monument de la culture américaine. Il put ainsi régulièrement visiter cette ville qui l'impressionne tant, se repaître des petites boites de jazz, aller aux concerts ou voir des spectacles de danse classique, circuler à vélo au milieu d'une foule palpitante, assister au marathon, et, last but not least, occuper dans le vénérable immeuble du journal le petit bureau d'un ami dessinateur aux côtés de la fourmilière de rédacteurs, dessinateurs, employés. L'apothéose.
Son seul mais pesant regret : ne pas parler anglais. Ce qui n'a pas manqué de limiter ses rencontres et son univers.
Pêle-mêle dans cette interview, Sempé rend compte des rouages de la sélection des "unes" du journal, parfois surprenants. Ainsi, un jour, le directeur craqua pour l'un de ses dessins représentant... une grosse poule. La partie texte du livre nous permet de découvrir un artiste attachant, féru de jazz et de musique classique, arpentant, aux anges, trottoirs et parcs de la Grande Pomme. Dans ses dessins, Sempé se campe souvent dans un petit personnage d'allure désuète, nez au vent, souriant, heureux, qu'il contemple une vitrine de bijouterie, chemine au milieu des feuilles mortes ou s'ébroue dans l'eau.
Chaque couverture se doit d'être en phase avec la saison de parution. Aussi défilent les saisons en images. Les lumières de Noël, au loin le manteau neigeux, le printemps avec des bouts de jardin croqués dans des tons pimpants et revigorants, où l'on plante, arrose ou contemple les fleurs. L'été, avec des instantanés fleurant les vacances, les pique-niques. L'automne et ses couleurs chatoyantes, ses envolées de feuilles mortes, une cour où l'on s'attelle à repeindre les chaises de jardin. Et souvent, un petit clin d'œil à l'art, que ce soit une répétition de danse classique ou d'orchestre, un cours de musique pour des enfants, un trompettiste qui répète en solitaire sur le balcon...
Beaucoup de poésie dans ces esquisses. Et de-ci de-là... un chat 😉
Evidemment, l'architecture typique de New York est mise à l'honneur. La ville apparaît gigantesque avec vue de loin une fourmilière de New-Yorkais évoluant à pied ou en auto. Des personnages lilliputiens. Mais sans jamais donner l'impression qu'ils sont écrasés par leur environnement, par les immeubles, par la nature exubérante, au contraire, une harmonie se dégage. J'aime beaucoup la couverture avec vue plongeante sur le petit personnage les pieds dans l'eau au bord d'une immense piscine dans un écrin de verdure luxuriant : il est tout petit tout petit, mais respire le bonheur, un sourire béat aux lèvres.
Les couleurs sont magnifiques, pétantes ou douces selon le thème, qu'il neige ou fasse grand soleil. Du reste, Sempé confie avoir été subjugué par la couleur qui caractérise selon lui New York : "c'est très coloré, il y a des maisons rouges, vertes, jaunes... alors que Paris est gris bleu."
En conclusion, ce livre est une petite œuvre d'art en soi, que tout amoureux de NY prendra plaisir à feuilleter. Certains dessins sont aussi universels et ne se cantonnent pas à l'atmosphère strictement new-yorkaise.
Pour passer un excellent moment à rêver devant les couvertures du New Yorker, je vous conseille de visiter le site des archives de ces couvertures (on y voit certaines Unes dessinées par Folon) : https://condenaststore.com/collections/new+yorker+covers
- NEW YORK TRILOGY, de Will Eisner (Delcourt)
A la différence des dessins "muets" de Sempé à NY, la New York Trilogy d'Eisner est ce que l'on dénomme dorénavant un roman graphique...
Les butins secrets des grilles d'aération et une très belle perspective de la Skyline de NY |
Will Eisner dépeint dans sa trilogie new yorkaise (1933) "la ville", "l’immeuble" et "les gens". A partir de saynètes, la ville nous apparaît dans ses détails si particuliers tels que les bouches à incendies, les grilles d'aération réceptacles fortunés de bagues, clés, sous, couteaux..., les poubelles en fer blanc qui s'envolent au moindre vent, les perrons où s'agglutinent gamins, voisins, amoureux, pauvre hère..., les fenêtres entrouvertes sur les scènes de ménage, l'adultère, la solitude..., le bruit, le métro bondé...
"L'essence même de la ville se trouve dans les crevasses de son sol et les recoins de son architecture, là où le quotidien s'insinue".
"L'immeuble" ressemble au Flat Iron, et au travers de quatre personnages, son apogée puis sa destitution nous sont contées. Trop coûteux à remettre aux normes, il sera donc démoli...
La tonalité de cet opus est assez sombre. Celle des "gens" l'est encore plus. Elle met en scène trois histoires où l'humour noir rivalise avec le tragique. Ce repasseur invisible aux yeux de tous, qui apprend soudain son décès dans le journal, perd son travail ; cette femme qui s'est toujours occupée de son vieux père, enfin délivrée, se marie pour se heurter à une belle-mère retors dont elle finira par s'occuper comme au temps de son vieux père ; ce guérisseur qui gêne la communauté médicale...
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